“Je sais que les animaux ont besoin de moi, donc je continue malgré tout”, Alla Yermaluk, fondatrice et propriétaire du refuge privé «Mathilda»

Malgré tous les efforts qu’elle fait pour rejoindre les pays européens, dans certains domaines l’Ukraine a encore beaucoup de chemin à parcourir. Il s’agit, notamment, du domaine de la défense des animaux, un sujet sensible qui attire sur les autorités ukrainiennes les foudres des ONGinternationales.

En effet, la politique d’État concernant les animaux errants laisse à désirer. Dans le meilleur de cas, les chiens et les chats errants sont capturés et enfermés dans des refuges municipaux où ils sont condamnés à mener une triste existence. Dans le pire des cas, ils sont tués, empoisonnés, fusillés par les services municipaux ou par des sadiques.

Heureusement, il existe une troisième solution pour ces pauvres êtres : de plus en plus de personnes en Ukraine sont sensibles aux souffrances des animaux. Des bénévoles accueillent les animaux chez eux ou dans des refuges privés le temps qu’il faudra pour leur trouver une vraie maison et des vrais maîtres.

Dans le cadre du projet «Les Ukrainiens qui rendent leur pays meilleur», l’équipe de l’UCMC a interviewé Alla Yermaluk, fondatrice et propriétaire du refuge «Mathilda» qui existe depuis 6 ans.

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Pourquoi avez-vous décidé de vous occuper des animaux et quelle est l’histoire de la fondation de votre refuge?

Tout au début, je m’occupais de chevaux. Mais avec le temps c’est devenu tellement difficile financièrement que je n’ai pas pu continuer. Mais je ne voulais pas abandonner les animaux. Un jour, mes amis ont déménagé et m’ont demandé de garder leur chienne «Mathilda » et leurs 11 chats. Finalement, ils ne les ont jamais repris et donc j’ai dû garder tous ces animaux. Et pour pouvoir les entretenir, j’ai accepté quelques chiens en pension (un service répandu en Ukraine quand les chiens et les chats errants sont pris en pension dans des refuges privés contre une participation financière). Et cela continue: plus je recueille d’animaux abandonnés, plus j’accepte des animaux en pension pour pouvoir les entretenir.  Maintenant, j’ai environ 100 chiens et 100 chats.

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Comment trouvez-vous les habitants de votre refuge?

Parfois j’entends frapper à ma porte. Je sors et je vois un sac avec des chatons ou des chiots juste devant ma porte, alors je suis obligée de les prendre. Ou même on jette ces sacs par-dessus la grille. Là, récemment, quelques enfants m’ont apporté un vieux cocker aveugle. Quelqu’un avait laissé ce pauvre être, vieux et aveugle, dans une boîte devant la porte d’une école, en espérant que les enfants auront pitié de lui et demanderont à leurs parents l’autorisation de l’adopter. Mais personne n’a accepté. Donc, les enfants l’ont apporté chez moi. Un autre jour, quelqu’un a attaché unchien de berger d’Asie centrale à ma porte. C’était aussi une vieille chienne dont le maître ne voulait plus. C’est comme ça que font les gens. Les chiens les servent fidèlement toute leur vie, mais une fois qu’ils sont trop vieux, leurs soi-disant maîtres les jettent dans la rue. Ils ne prennent même pas le soin de les euthanasier, rien….. juste les laisser mourir de froid et de faim.

Ce petit chiot noir avec une patte tordue je l’ai trouvé dans une poubelle dans la rue. Il est attient derachitisme, maladie qui vient probablement de l’époque où il était encore dans le ventre de sa maman, qui a dû souffrir de malnutrition. Il faut lui donner de bonnes choses à manger, des vitamines.

J’aimerais prendre tous les animaux, mais bien-sûr, je ne peux pas le faire. Donc, je recueille les animaux malades, blessés, souffrants et je les garde… Sinon, les autres, ceux qui sont dans un état normal, je les prends, les fais stériliser et je les remets là, où ils se trouvaient.

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Qu’est-ce qui vous aide à entretenir tous ces animaux?

Les gens qui payent une pension pour leurs chiens. Une partie de cet argent part pour l’entretien de leurs animaux et j’utilise l’autre partie pour nourrir ceux qui n’ont personne et leur payer les soins médicaux. Par exemple, je viens de payer 5 000 Uah de soins médicaux pour ce pauvre chiot avec sa patte tordue. Le vétérinaire m’a dit que je ferais mieux de l’euthanasier, mais je n’ai pas pu…. c’est un être vivant, il vit, il bouge, il mange, il respire. Dans le pire des cas, il faudra l’amputer de sa jambe, mais il pourra très bien vivre en n’ayant que 3 pattes. Il y a bien des chiens qui vivent comme ça.

Il y a aussi une organisation internationale Happy Paw qui nous aide avec la nourriture. Mais il n’y a que moi et ma fille pour s’occuper des animaux.

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Quelles difficultés rencontrez-vous?

Il s’agit surtout du manque d’argent et de personnel. Il y a des gens qui sont opposés à l’existence-même des refuges…. Par exemple, je suis en train d’aménager un nouveau refuge à 20km d’ici où j’ai fait construire une vraie maisonnette pour les chats avec du chauffage et des lits douillets. Il y a quelques jours, des inconnus ont jeté un cocktail Molotov dans la cour de mon nouveau refuge. La maisonnette pour les chats a brûlé…. Heureusement, les animaux ont été sauvés, mais la maisonnette a brûlé… J’ai dépensé tant d’argent pour la construire en pensant à mes chats et à des petits chiots qui auront bien chaud cet hiver, mais tout a brûlé….

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Il vous arrive de baisser les bras et de vouloir tout abandonner?

Oui, bien-sûr! La dernière fois que j’ai eu cette envie-là, c’était il y a quelques jours, lorsque ma maisonnette pour les chats a été incendiée. J’étais tellement fatiguée, tellement désespérée que je ne voulais plus vivre. Et j’entendais tous les commentaires des policiers, des pompiers…. qui s’en foutaient, qui s’en foutaient de ces pauvres animaux… qui me disaient de laisser tomber tout cela.

Mais je sais que mes animaux ont besoin de moi, qu’ils ont besoin de mon aide. Donc, je me force à continuer.

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Est-ce difficile de trouver un maître pour un chat ou chien?

C’est difficile, oui, et en plus, je ne peux pas donner mes animaux à n’importe qui. Bien entendu, je discute avec les gens qui viennent chez moi pour prendre un animal, mais, malheureusement, les gens savent tromper….

Récemment, un jeune homme est venu me voir avec sa marraine. Il a dit que ses parents voulaient lui offrir un chien pour ses 16 ans. Donc, il est venu dans mon refuge pour choisir un chien. Il a choisi une chiennebouledogue anglais. Sa marraine a approuvé sa décision. Quelques jours plus tard, une copine m’a téléphoné pour dire que ses voisins avaient vu un bouledogue errant dans une forêt. Selon elle, ce bouledogue ressemblait à celle qui j’avais donnée à ce garçon et sa marraine. Je suis partie en vitesse pour le voir et imaginez-vous, c’était ma bouledogue!! Pourtant, à chaque fois que je donne un animal, je supplie: «S’il ne vous convient pas, si vous ne voulez plus de lui, passez-moi un coup de fil, je viendrai tout de suite le chercher. Mais ne le mettez pas dehors. Juste appellez-moi». Malheureusement, les gens sont irresponsables…

Il y a aussi des chiens que je ne peux pas proposer à l’adoption. Il s’agit surtout d’animaux ayant vécu un traumatisme important. J’ai une femelle dogue que j’ai trouvé sévèrement battue, toute couverte d’hématomes. Elle a une peur bleue des hommes, pratiquement chaque fois qu’elle en voit un, elle fait une crise d’épilepsie. Il lui faudra beaucoup de temps pour s’habituer aux hommes et comprendre qu’ils ne sont pas tous méchants.

De toute façon, quand on adopte un animal, il faut savoir qu’il ne va pas vous aimer ou garder votre maison tout de suite. Il lui faudra du temps pour comprendre qu’il a désormais une nouvelle famille et comprendre qu’il fait partie de cette nouvelle famille. Il faut être patient et il faut avoir la volonté de s’occuper de cet animal. Après tout, ils reflètent toutes les lacunes de leurs maîtres, tout comme les enfants reflètent les lacunes de leurs parents.

Si vous souhaitez soutenir le refuge “Mathilda’, les contacts d’Alla Yermalulk sont disponibles à la redaction d’UCMC


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