Les listes de Savtchenko. Pourquoi le SBU s’oppose à la publication des listes de prisonniers?

Ukrainian military pilot Nadezhda Savchenko reacts inside a defendant's cage during a court hearing in Moscow, Russia, May 6, 2015. Savchenko, who has become a symbol of resistance in Ukraine to what Kiev and the West see as Russian aggression, is being held in Moscow on charges of aiding the killing of two Russian journalists in east Ukraine last year. REUTERS/Sergei Karpukhin

L’Ukraine Crisis Média Center a traduit en français l’article paru sur le site Correspondent.net.

Nadia Savtchenko, députée ukrainienne, s’est encore retrouvée au centre d’un scandale.

Elle a publié sur sa page Facebook les listes des Ukrainiens prisonniers des séparatistes, ainsi que celles des portés disparus, même si le Service de Sécurité d’Ukraine avait demandé de ne pas le faire.

Les responsables du SBU affirment que cette démarche de Savtchenko va nuire au processus d’échange, tandis que la députée se dit persuadée que cela aidera à libérer les otages.

La publication de Savtchenko

Nadia Savtchenko a déclaré qu’il fallait publier les listes pour pouvoir «retrouver les gens ». Elle estime que l’échange selon la formule «tous contre tous» doit être réalisé en trois étapes.

«La première étape est de réaliser un échange selon des listes approuvées par chaque partie. La deuxième étape est de rechercher les listes  de ceux qui se trouvent dans des prisons et des caves. La troisième étape consiste à reconnaître les morts ou les disparus, ceux qui n’ont pas été retrouvés », a-t-elle écrit sur sa page Facebook.

Selon Savtchenko, il existe deux catégories d’échange. La première catégorie inclut les prisonniers de guerre ukrainiens détenus sur le territoire des régions de Lougansk et de Donetsk occupé par la Russie. La partie ukrainienne a déposé une demande de libération de 129 personnes. Les séparatistes confirment détenir 42 personnes.  Savtchenko note que l’Ukraine recherche 494 personnes portées disparues. La DNR recherche 524 personnes et la LNR 377 personnes. Donc, Savtchenko estime que lors de la première étape il faut échanger 42 Ukrainiens contre 256 séparatistes.

La deuxième catégorie d’échange inclut les prisonniers politiques ukrainiens détenus dans des prisons en Russie et en Crimée annexée.

«Actuellement, il y a 44 prisonniers politiques ukrainiens en Russie. Dans des prisons ukrainiennes, il y a aussi des citoyens russes condamnés pour des crimes commis contre l’intégrité territoriale de l’Ukraine et contre le peuple ukrainien dans la période 2014-2016. Au total 102 personnes. Donc, nous avons la première étape d’échange dans la deuxième catégorie «tous contre tous », soit 44 contre 102», déclare Savtchenko.

Les listes problématiques

Yuriy Tandit, conseiller du chef du Service de sécurité d’Ukraine, affirme que les listes de Savtchenko ne sont pas exactes, elles contiennent les noms de personnes portées disparues, de personnes mortes et de personnes déjà libérées.  Les listes de Savtchenko ne contiennent pas le nom d’Igor Kozlovsky, scientifique ukrainien de Donetsk, emprisonné par des séparatistes en janvier 2016. Par contre, elles contiennent le nom de Nelya Shtepa, ancienne maire de Slovyansk, condamnée par la justice ukrainienne pour  séparatisme.

Quelle  menace présente la publication des listes?

Selon Yuriy Tandit, les négociations les plus fructueuses  n’ont jamais été publiques. Il affirme aussi que la diffusion des informations sur les otages pourrait menacer leur vie, mais aussi exposer leurs proches à des individus mal intentionnés, proposant leur aide pour la libération des otages.

Yuriy Tandit déclare aussi que la législation ukrainienne interdit la publication de ces informations en vertu de la loi sur la défense des données personnelles et celle sur la lutte contre le terrorisme.  Il déclare aussi avoir discuté avec Nadia la veille de la publication des listes pour essayer de la convaincre de ne pas les publier.

Roman Bessmertny, ancien représentant de l’Ukraine dans le groupe des contacts tripartie, estime que l’acte commis par Savtchenko est irresponsable.  «Il faut faire très attention. Il faut travailler séparément pour chaque personne. Il faut bien réfléchir. À la guerre, il faut garder espoir jusqu’au bout ». Il affirme aussi que le système d’échange des prisonniers sera entièrement cassé à cause de la publication des listes. «Cela provoquera des questions incessantes : pourquoi on échange telle personne et pas une autre. Ces choses-là retardent le processus d’échange et le déstabilisent. C’est un coup dur porté au dialogue ».

La position de Savtchenko

Nadia Savtchenko a déclaré qu’elle avait publié les listes des prisonniers pour éviter des spéculations de la part de la Russie, mais aussi de la part de l’Ukraine.

«L’échange selon la formule «tous contre tous » sera possible vers la fin d’hiver. Il faut publier ces listes pour éviter toute spéculation, pour que ni Moscou, ni Kyiv ne puissent plus spéculer sur cet échange. Il fallait rendre ces listes publiques tout de suite ». Elle affirme aussi avoir travaillé pendant 9 mois pour faire ces listes.

Nadia Savtchenko explique aussi qu’elle possède encore une liste de prisonniers, mais ne la publie pas, car elle ne sait pas encore si les personnes de cette liste sont toujours en vie.

En répondant à la question des journalistes lui demandant si elle avait  l’intention de coopérer avec le SBU, Savtchenko a déclaré : «Un député du peuple a accès au secret d’État à tous les niveaux. Nous n’avons pas de comptes à rendre au SBU. Je coopère avec tous les services et je vais continuer à le faire, car beaucoup de choses mènent à ces services. Ce sont des instances qui défendent l’Ukraine, donc, bien entendu, je vais coopérer avec elles».

La réponse des séparatistes

Darya Morozova, «défenseuse des droits de l’Homme » de la DNR a déclaré que la proposition de Savtchenko était inacceptable.

Selon elle, Nadia Savtchenko ne propose de rendre que la moitié du nombre total des séparatistes détenus par le gouvernement ukrainien. La DNR souhaite récupérer 527 personnes, alors que Savtchenko ne parle que de 256 personnes.


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Le crépuscule d’une idole. Pourquoi Nadia Savtchenko déçoit-elle les Ukrainiens? Il y a encore quelques mois, tout le monde retenait son souffle, en regardant le procès de Nadia Savchenko, militaire ukrainienne, qui avait été capturée à l’été 2014. Libérée en mai 2016, Nadia Savtchenko s’est lancée dans la politique. Cependant, ses actions controversées ont provoqué un grand mécontentement dans la société ukrainienne. L’Ukraine Crisis Média Center a analysé les principaux scandales provoqués par Nadia Savtchenko après sa libération.

Ce sont eux qui ont sauvé Nadia Savtchenko. Quand on parle de la libération de Nadia Savtchenko, il faut commencer par mentionner leurs noms. Et en tout premier lieu, celui de Vadym Pougatchev, sergent de la 92ème brigade mechanisée . C’est lui qui a alerté son unité, quand le groupe de forces spéciales de la 3ème brigade de la Fédération de Russie a attaqué le point de base appelé «Façade».

Mort pour la libération de Nadia Savtchenko. Sa maman a besoin d’aide. Vadym Pougatchev, soldat ukrainien a donné sa vie pour sauver ses camarades lors d’un combat durant lequel deux militaires russes, Evgeniy Eroféev et Alexandre Alexandrov l’ont fait prisonniers. C’est grâce à son exploit que Nadia Savtchenko a été libérée. Pourtant aujourd’hui, Vadym Pougatchev et sa famille sont complètement oubliés.

Que signifie la libération de Nadia Savtchenko? Le 25 mai après 709 jours de captivité, Nadia Savtchenko est revenue à la maison. L’Ukraine Crisis Média Center a suivi en direct son retour. Il est difficile de prévoir ce que signifieront pour l’Ukraine cet événement tant attendu et les changements qu’ils pourraient provoquer en Ukraine, en Russie et sur la scène internationale. L’UCMC a préparé un document analytique à ce propos.

Les premiers mots de la liberté : le discours complet de Nadia Savtchenko à l’aéroport de Boryspil le 25 mai 2016. Le 25 mai 2016, Nadia Savtchenko a enfin retrouvé la terre ukrainienne. À l’aéroport, elle a tenu un discours aux journalistes et à ceux qui sont venus l’accueillir.

photo: Joinfo.ua