Les journalistes et les hommes politiques ukrainiens doivent devenir la voix des Tatars de Crimée forcés de se taire en Crimée – Eider Muzhdabayev

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Kiev, 26 février 2016. Les Tatars de Crimée qui demeurent de nos jours sur la péninsule subissent des oppressions et des représsions. Il y a des inquiétudes que la situation puisse s’aggraver jusqu’aux arrestations de masse, la déportation ou même un génocide. Les journalistes et hommes politiques ukrainiens doivent devenir la voix des Tatars de Crimée, qui sont forcés de se taire dans cette ambiance de peur. «Je demande à Petro Poroshenko, je demande aux journalistes ukrainiens et aux chefs des partis politiques de devenir la voix des Tatars de Crimée qui n’ont pas de possibilité de s’exprimer dans ce ghetto hybride sans murs, encerclés par la peur et les menaces», – a appelé Eider Muzhdabayev, l’adjoint du chef de la chaine de télévision ATR lors du forum international «La Crimée c’est l’Ukraine» à l’Ukraine Crisis Media Center, à l’occasion du deuxième anniversaire de l’annexion de la péninsule. Eider Muzhdabayev a souligné qu’il est inadmissible que le Ministère des affaires étrangères et des autres représentants du gouvernement ukrainien restent sans réactions après les perquisitions menées dans les domiciles des Tatars de Crimée.

«Pendant 23 ans, Kiev a peu prêté attention aux particularités de la vie dans les régions», affirme Pavlo Kazarin, journaliste et présentateur de télévision.  «Il y avait une sorte d’incompréhension médiatique, on évitait de prêter attention aux sujets désagréables, de resoudre les problémes qui existaient. C’est dans cet état de faits que s’est formée une atmosphère favorable à la diffusion de stéréotypes et de mythes, y compris de ceux qui concernent les habitants de la péninsule ayant des positions pro-russes ou «soviétiques». En réalité, les pro-russes ne représentent que 40% de population, tandis que 20% des criméens sont des partisans de l’Ukraine. Le reste, c’est à dire 40% des habitants de la Crimée, sont «pour la paix et la stabilité» et préfèrent prendre le parti de celui qui les laissera vivre en paix. Selon Sergiy Gromenko, historien originaire de Crimée, collaborateur de l’Institut ukrainien de la mémoire nationale, afin de faire disparaître ces mythes, il faut informer les gens sur des faits réels, ce qui aiderait à mettre fin au stéréotype que la Crimée est un territoire «historiquement russe».

Il est important que les discussions sur le problème de la Crimée se répandent au-delà des cercles des experts, affirme Pavlo Kazarin. «L’actualisation de ce sujet parmi les Ukrainiens du territoire continental du pays évoquerait l’intérêt public, qui à son tour formerait une rhétorique politique», affirme-t-il en ajoutant qu’il faudrait «s’accorder sur un temps durant lequel ces discussions pourraient être organisées».

Deux années sont passées depuis l’annexion de la Crimée, l’Ukraine a finalement réussi à mettre fin au silence autour de cette question, dit Sergiy Kostynskyi, membre du Conseil national de la radio et de la télévision. De son avis, on peut  affirmer aujourd’hui que la société ukrainienne est disposée à faire des efforts pour ramener la péninsule en Ukraine.

Grâce aux efforts des activistes on a créé une brochure dans laquelle sont rassemblés les mythes les plus répandus sur la Crimée. «C’est une carte routière qui dit: écrivez sur la Crimée, mais soyez attentifs aux mythes afin de ne pas reproduire les messages de la propagande». Selon lui, il y a des projets de création de cinq stations de radio pour la Crimée ainsi qu’une filiale de la Compagnie nationale de télévision ukrainienne. D’après Sergiy Kostynskyi, «il est important que le contenu soit créé par les journalistes et les associations, car il y a un risque que les institutions contrôlées par l’état deviennent un contenu pour la propagande».

«L’annexion de la Crimée est un évenement sans précédent dans l’histoire contemporaine qui laisse peu de variantes de solution», dit Vitaliy Portnikov, l’observateur de «Radio Liberté». Selon lui, dans le cas des républiques autoproclamées DNR/LNR, le dialogue peut encore devenir un chemin vers une solution, mais la Crimée ne reviendra pas en Ukraine tant que la Russie ne se désintégrera pas. «Il faut s’adresser aux problèmes des peuples qui habitent sur le territoire de la Russie et aux problèmes de ce pays. Il faut souligner que la Russie doit respecter les normes du droit international et s’opposer aux décisions anticonstitutionnelles de ces dirigeants si elle veut devenir un pays normal et civilisé», dit M. Portnikov. Il affirme aussi qu’il faut sans doute créer des conditions favorables pour que les Tatars de Crimée puissent préserver leur identité sur le territoire ukrainien, mais ceux qui demeurent en Crimée doivent continuer leur résistance parce que la péninsule est leur patrie.

Selon Yevgen Magda, journaliste et expert politique, il faut déjà construire une vision du futur de la Crimée dans les frontières ukrainiennes pour que l’on puisse un jour la ramener. Dans ce contexte, il est essentiel de développer les régions du sud de l’Ukraine. «Tout d’abord il faut parler avec la jeunesse. Ce sont les jeunes qui doivent devenir les agents principaux de tous ces changements», affirme M. Magda. Pavlo Kazarin a ajouté qu’il faut créer des conditions avantageuses pour les bacheliers de Crimée dans les universités ukrainiennes.