Les principaux ennemis de Poutine, en Europe et en Ukraine, ce sont les personnes «modérées». Car ces personnes sont capables de rechercher de nouveaux chemins et de nouveaux concepts qui aideront à résister à la radicalisation de la société

À Kiev, le 19 avril 2016 – L’objectif de la propagande anti-européennne de la Russie est d’affaiblir et de détruire l’Union Européenne, comme une construction politique, pour exporter son modèle autoritaire. Pour atteindre ce but, la Russie emploie tous les instruments de la guerre d’information pour radicaliser la société. «Il s’agit tout d’abord de discréditer le modèle politique existant, en profitant des problèmes les plus douleureux de la société, ainsi que le soutien des extrêmes gauches et extrêmes droits.  Aujourd’hui, l’Ukraine et l’Europe doivent élaborer une stratégie de réponse aux messages de la propagande et apprendre à les interpréter correctement. Pour répondre à la propagande anti-européenne, il faut prévoir quel sera le prochain pas de la Russie», a expliqué Boris Najman, Professeur de l’Université de Paris-Créteil lors d’une conférence de presse à “Ukraine Crisis Média Center”.

Boris Najman estime que la politique actuelle de la Russie à l’égard de l’UE est telle qu’elle est actuellement, car le gouvernement russe imagine que tous les événements dans les pays voisins, indésirables pour la Russie, sont provoqués ou organisés par l’Union Européenne. «C’est leur point de vue et ils se mettent tout de suite à réfléchir aux façons de réagir face à ces événements, car ils estiment que c’est une menace pour eux », explique Boris Najman. «L’Europe a du mal à saisir la position de la Russie, car l’Europe n’a pas l’habitude de se considérer comme une force politique, et encore moins militaire, hostile à la Russie.  L’autre problème : l’UE croit naïvement que la Russie n’a pas l’intention d’exporter son modèle politique dans les pays européens. Pourtant, tout prouve le contraire : la stratégie principale russe est le soutien de la part des forces politiques européennes. Ils utilisent nos points faibles pour renforcer la rhétorique déjà existante au sein de l’UE. À titre d’exemple :  lors d’un référendum pour la sortie de la Grande Bretagne de l’UE, les médias russes ont présenté ce processus comme une tentative de la Grande Bretagne de se libérer de la «prison européenne», ainsi que le renforcement de la panique autour de la crise migratoire. La Russie utilise aussi finement les outils des élections, y compris les référendums, qui ont pour objectif d’influencer les gens, les convaincre qu’ils votent pour un autre sujet que celui qui est soumis au vote».  L’expert a souligné que la Russie utilisait toujours la même stratégie, que ce soit en Ukraine, en Syrie ou en Tchétchénie : elle détruit les personnes «modérées ». En Ukraine, ces personnes «modérées » sont représentées par la société civile et ce sont ces personnes qui sont capables de chercher de nouveaux chemins et d’élaborer de nouveaux concepts qui aideront à résister à la radicalisation.

Boris Najman a conseillé aux Ukrainiens de créer un système de débats publics avec la participation d’experts, y compris venant de l’étranger. Selon l’expert, ce système est un instrument très efficace pour créer une dynamique politique et résister à la propagande russe contre les droits des femmes, contres les migrants, contre l’unité européenne. Il est nécessaire de parler de cette guerre, en soulignant que ceci n’est pas une «guerre civile», mais une guerre contre le peuple ukrainien, exportée de la Russie. «Le but de cette guerre est de détruire la capacité des gens à vivre ensemble. Le seul moyen d’y remédier, ce sont des projets culturels, des rencontres, des buts qui donnent du sens à notre cohabitation sur cette terre. Quant à l’Europe, elle devrait utiliser les événements ukrainiens pour analyser les instruments de la propagande russe pour pouvoir résister à la menace grandissante de la radicalisation au sein de l’Union Européenne.