DDoSecrets/ Agression russe/Opération «Troy», Télévision publique/Zurab Alasania destitué, Radicalisation des médias russes

Situation dans la zone du conflit

Au cours des dernières 24 heures, les combattants pro-russes ont lancé 9 attaques contre des positions des troupes ukrainiennes dans la zone de l’opération des Forces unies  dans l’est de l’Ukraine. Les formations armées illégales ont déployé des armes interdites par les accords de Minsk à deux reprises.

Les combattants russes et pro-russes ont utilisé des lance-grenades, des mitrailleuses lourdes et des armes légères pour tirer sur les points d’appui ukrainiens près de Pavlopil, de Novosselivka, du khoutor de Vilnyi, de Novotochkivske, de Louhanske, de Zolote-4 et de Zaitseve.


«The Dark Side of the Kremlin»: des nouvelles informations concernant l’agression russe

Le projet Distributed Denial of Secrets (DDoSecrets) a publié des documents, obtenus par piratage informatique, d’une correspondance en provenance de Russie. L’annonce indiquait qu’ils contenaient des preuves de l’agression de la Russie contre l’Ukraine. Cette nouvelle fuite d’informations confirmera probablement des suppositions et indiquera en réalité l’agression de la Russie contre l’Ukraine. Au cours de la semaine, Hromadske a analysé plus de 100 gigaoctets d’informations. LʼUCMC propose un résumé de lʼanalyse des collègues. 

Déstabilisation de la situation dans les régions de l’Ukraine en 2014-2016. Une partie de la correspondance et des documents est consacrée à la déstabilisation par la Russie de la situation dans les régions de l’Ukraine en 2014-2016. Il s’agit, en particulier, de Kharkiv, Odessa, Dnipro, Zaporijjya, Kherson et Mykolaiv.

Les documents indiquent que, pour mettre en œuvre leurs idées, les propriétaires de boîtes aux lettres du domaine russe ont engagé des personnes dans des régions pour organiser des promotions, des rassemblements, constituer des groupes provocateurs sur des réseaux sociaux, des organisations publiques portant des noms patriotiques et des slogans et  structurer des petites ressources d’information.

Un budget approprié a été établi pour chaque action et après sa mise en œuvre un rapport a été présenté. La correspondance mentionnait, en particulier, l’organisme public «Kolokol», qui, selon le registre de personnes morales, est dirigé par Yuriy Kovalyov qui vit à Glukhiv, dans l’oblast de Soumy.

Après avoir analysé la correspondance, on peut également conclure que le propriétaire de la boîte, [email protected] (appartenant probablement à Inal Ardzibni, adjoint  de Vladislav Surkov), coordonait et finançait des projets autonomes tels que «Slobozhanchtchina», «Porto-Franco», «République Populaire de Bessarabie», «Conseil du peuple de Nikolaev». Avec l’aide du propriétaire du courrier électronique, des groupes ont également été organisés pour élaborer des amendements à la Constitution de l’Ukraine.

Républiques auto-proclamées. Les pirates ont également envoyé du courrier du propriétaire du domaine, igo-strelko_yandex_ru.mbox. Cette boîte aux lettres pourrait appartenir à Igor Strelkov qui a dirigé pendant plusieurs mois les combattants à Slovyansk, avant de se mettre à la tête des soi-disant «forces de la milice populaire» de Donetsk, puis de la soi-disant «armée de la République auto-proclamée de Donetsk». Au cours de sa correspondance, il fait part de ses liens étroits avec le chef autoproclamé de la Crimée annexée, Sergueï Aksenov. Des lettres électroniques, utilisées par les agents du «Ministère de la politique de l’information» des soi-disant Républiques populaires, ont également été publiées.  L’agence a émis des ordres interdisant la diffusion de chaînes de télévision ukrainiennes. En outre, les pirates ont trouvé des lettres de Denis Pouchyline, chef des séparatistes de Donetsk, envoyées à l’administration de Vladimir Poutine. Dans ces lettres, Pouchyline demandait dʼenvoyer une aide humanitaire. Certaines lettres ont été adressées au Patriarche de l’église orthodoxe russe Kirill dans lʼobjectif de fixer un rendez-vous avec ce dernier pour discuter de la protection par l’église des représentants des républiques autoproclamées.

Catastrophe du vol MH-17. Hromadske a également trouvé la correspondance du courrier qui pourrait appartenir à Tetyana Yegorova, porte-parole de la soi-disant République populaire de Donetsk, car c’est à cette boite où des médias de différents pays ont envoyé leurs demandes d’accréditation. Parmi celles-ci, on trouve des informations concernant la catastrophe du Boeing MH-17, à savoir la surveillance de la situation par le biais d’informations dans les médias et la communication avec le chercheur  de crimes de guerre néerlandais et du cas du malaisien MH-17, Max van der Werff.

Armée russe et opération «Troy». Le réseau possède également un dossier appelé «MIL DOCUMENTS» contenant des documents du ministère de la Défense de la Fédération de Russie. Outre la disposition des unités militaires, des bases, des rapports de conduite d’exercices, il contient un document appelé «Opération Troy».  Ce dernier fait référence au plan visant à déstabiliser la situation dans la région de Zaporijjya et à s’emparer des villes de Melitopol, Berdyansk, Vasylivka, Zaporijjya: «Toutes les techniques et les tenues militaires des combattants sont stylisés  comme ceux des patriotes ukrainiens, mais le nouveau nom de l’unité «Carpates» est inventé», peut-on lire dans le rapport.

D’autres plans pour la capture d’autres régions sont discutés: «Si de telles opérations sont simultanément réalisées dans les directions d’Odessa et Kharkiv, nous aurons le contrôle total de la côte et, en conséquence, le flux incontrôlé de tous les éléments nécessaires … qui permettront très probablement la défaite totale de l’armée ukrainienne et des détachements punitifs pendant une période relativement courte. Cela permettra un contrôle pratiquement sans entrave des régions de Kherson et de Mykolaïv», peut-on lire dans le document.

Il est à noter que ce plan est mis en œuvre en plusieurs étapes, notamment le blocage des routes et des voies maritimes, le masquage de l’armée, la perspective de l’histoire dans des médias, la corruption des forces de l’ordre, etc. En avril 2018, l’édition britannique The Times a décrit cette opération dans le détail.


Télévision publique: qu’advient-il d’un radiodiffuseur public en Ukraine?
La semaine dernière, le Conseil de surveillance de la Société nationale de radiodiffusion publique ukrainienne a destitué Zurab Alasania de ses fonctions de président du conseil. La décision a été prise lors d’une réunion du conseil de surveillance à huis clos. Avec neuf voix «pour», il a été décidé de mettre fin à l’accord avec Alasania avant la date prévue. Le protocole, qui expliquerait la décision, n’a pas encore été publié, donc la raison officielle est inconnue. Cette décision était au centre de l’attention du public, car les changements de personnel au sein du radiodiffuseur public, pendant la campagne électorale, pourraient potentiellement indiquer des motifs politiques. En particulier, ce président a été maintes fois critiqué pour ne pas avoir couvert certaines activités des autorités ukrainiennes de l’État et refusé de «faire de la publicité au pouvoir».

La position de Zurab Alasania. Zurab Alasania affirme qu’il a été limogé pour ne pas avoir diffusé une marche en faveur de l’Église locale ukrainienne, une réunion de l’Assemblée générale des Nations Unies et l’un des forums économiques où le président était présent. Alasania a signalé ce fait en publiant dans le réseau social une partie du projet de la décision du conseil de surveillance, sur lequel était fondé son licenciement. Le document indiquait que «la chaîne ne couvrait pas assez rapidement ou pas du tout, sauf pour une brève mention lors de  poursuites en justice après l’annonce officielle des motifs.

Commentaire du président du Conseil de surveillance. Le président du Conseil de surveillance de la Société nationale de radiodiffusion publique d’Ukraine, Tetyana Lebedeva, a assuré que l’absence de couverture d’événements importants, avec la participation des premières personnes du radiodiffuseur public, n’a pas motivé la décision de révoquer Zurab Alasania. Elle a noté cela sur sa page Facebook.

Elle a exposé le texte intégral de «l’un des projets de la décision» afin «d‘éviter des insinuations». Dans le document publié, parmi les raisons de la destitution d’Alasania, la création d’une «structure exécutive dirigée par un producteur exécutif» a été identifiée, ce qui, selon le document, fait double emploi avec les activités d’autres structures de la Télévision publique de l’Ukraine. En 15 mois, cette structure a dépensé 8 millions de hryvnias. En outre, le conseil s’interroge sur la politique financière de la Télévision, en particulier sur le régime d’«économie stricte», introduit en octobre 2018, ainsi que sur l’audit Ernst and Young qui a refusé de conclure, car « Alasania n’a pas pu rationaliser les rapports financiers de la société».

La réaction du président. Commentant la résiliation du contrat avec Zurab Alasania, l’Administration présidentielle a seulement déclaré que Petro Porochenko avait soutenu la radiodiffusion publique: «La création d’un service public de radiodiffusion indépendant a été et reste une valeur considérable pour l’Ukraine. La télévision publique est un accomplissement conjoint du pouvoir et de la société civile et a toujours été soutenu par le président», peut-on lire dans le commentaire.

Les commentaire d’autres politiciens. Le ministre de l’Intérieur ukrainien, Arsen Avakov, estime que le licenciement anticipé de Zurab Alasania du poste de président du conseil d’administration de la radiodiffusion publique est une provocation. « Je ne pense pas que ce soit une bonne idée de limiter la presse en ce moment. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée de renvoyer le président de la télévision publique de manière obscure deux mois avant les élections, et nous surveillons cela de près maintenant», a déclaré Avakov.

Ioulia Timochenko, candidate à la présidence de l’Ukraine, chef du parti «Batkivshchyna», a déclaré que le licenciement de Zurab Alasania du poste de président du conseil d’administration de la Société nationale de radiodiffusion publique d’Ukraine (NSTU) n’était pas accidentelle et était liée au processus électoral.

Commentaire du ministre des Affaires étrangères. Le ministre des Affaires étrangères ukrainien, Pavlo Klimkin, estime que le Conseil de surveillance de la Société nationale de radiodiffusion publique doit rendre publiques ses revendications à l’égard de Zurab Alasania, pour lesquelles le Conseil a voté sa démission du poste de président du conseil de la radiodiffusion publique.

Réponse des journalistes: les accusations de censure et «Initiative 34». Un groupe de journalistes ukrainiens indépendants considère les actions du Conseil de surveillance de la Société nationale de radiodiffusion publique comme « une manifestation directe de la censure et un précédent extrêmement dangereux pour le pays». Kateryna Gortchynska, une ancienne directrice exécutive de «Hromadske» a publié un appel ouvert sur Facebook. « Le licenciement de Zurab Alasania le 31 janvier 2019 a été effectué suite à un scrutin secret opaque qui a clairement violé la procédure, l’esprit de la loi sur le service public de radiodiffusion, les fonctions d’un conseil de surveillance indépendant et le sens commun. C’est inacceptable», estiment les auteurs.

Ils ont noté que la partie publiée des revendications, concernant Alasania, témoignait d’un engagement politique. En outre, en relation avec les nouveaux défis, les signataires ont annoncé la création d’une communauté informelle de journalistes indépendants  Initiative 34», en référence à l’article 34 de la Constitution de l’Ukraine garantissant le droit d’exprimer librement ses opinions et ses convictions.


Ianoukovitch a été reconnu coupable de trahison et condamné à 13 ans d’emprisonnement

La 24 janvier, le tribunal a reconnu l’ex-président Viktor Ianoukovitch coupable de haute trahison et d’aide à une guerre d’agression. C’est alors qu’il a été condamné à  une peine définitive de 13 ans d’emprisonnement. En  même temps, le tribunal a rejeté l’article “aidant à commettre des actes intentionnels commis pour modifier les frontières du territoire et la frontière de l’État”, dont Ianoukovitch avait été également accusé. Dans cette affaire, les juges ont acquitté l’ex-président ukrainien, faute de  preuves convaincantes stipulant que Viktor Ianoukovitch avait été informé de l’objectif ultime des actions illégales des Russes, à savoir l’annexion de la Crimée. La cour a également jugé que le bureau du procureur n’avait pas fourni la preuve que Ianoukovitch avait agi pour modifier les frontières de l’Ukraine. Le tribunal n’a pas établi que Ianoukovitch avait exhorté ses affidés à  de telles actions.


“Qui est contre?”: Radicalisation des médias russes
La chaîne fédérale russe “Russie 1″ a lancé un nouveau débat politique intitulé “Qui est contre” (en russe “Kto protiv”). Bien que la plupart de ces émissions soient diffusées le soir, cette émission est destinée au public l’après-midi, ce qui élargit l’influence du public concernant les messages que le gouvernement veut promouvoir.

Le programme est animé par Sergei Mikheev – l’un des politologues les plus populaires du Kremlin. Mikheev s’attaque souvent à l’Ukraine et aux  autorités ukrainiennes, et a également des points de vue ouvertement négatifs sur l’UE et les États-Unis. Ces points de vue, étayés par de nombreux messages radicaux avec l’utilisation fréquente d’un langage hostile, ont conduit à ce que Mikheev soit devenu la  personne non grata au sein de l’Union européenne depuis 2014.

Bien que l’émission se positionne comme une alternative aux émissions déjà existantes, la première édition a prouvé qu’il ne s’agissait en réalité que d’une autre plate-forme offrant au Kremlin une nouvelle occasion de promouvoir les informations souhaitées. Une grande partie de la première édition du programme a été consacrée à une discussion concernant l’Ukraine comme un État nazi. De plus, la première émission de “Kto protiv” a été soutenue par Volodymyr Solovyev, l’un des plus célèbres présentateurs de la télévision russe au discours pro-gouvernemental, anti-ukrainien et anti-occidental.

Le lancement de “Kto protiv” marque une tendance à la radicalisation des médias russes, attendue avant l’élection présidentielle en Ukraine qui se déroulera le 31 mars 2019. Moscou a déjà mobilisé des ressources importantes, y compris des médias, pour tenter d’influencer le processus politique en Ukraine.