Сe que Poutine tente de dire à Zelensky

Chantage économique et occupation par le passeport: ce que Poutine tente de dire à Zelensky

Quelques jours avant le second tour des élections, la Russie a interdit l’exportation de charbon, de pétrole et de produits pétroliers vers l’Ukraine, ainsi que l’importation de certains types de tuyaux, de papier, de carton et de vêtements en provenance d’Ukraine. Et le 24 avril 2019, le président russe Vladimir Poutine a signé un décret sur la procédure simplifiée d’obtention de la citoyenneté de la Fédération de Russie pour les habitants des territoires des régions de Donetsk et Louhansk occupés par la Russie. Le 1er mai, un autre décret a été publié sur le site Web du Kremlin, relatif à la procédure simplifiée d’obtention de la citoyenneté pour d’autres catégories d’Ukrainiens également.
Ce que cachent ces décisions russes, ce que cela signifie pour le Donbass occupé et à quoi s’attendre d’autre dans les relations russo-ukrainiennes, voilà les thème de l’article de l’UCMC.

À la veille des élections présidentielles en Ukraine et immédiatement après, le président russe Poutine a commencé à envoyer des «signaux» à son homologue ukrainien, le plaçant d’emblée dans la position du perdant.

Le défi économique: l’interdiction d’exporter du charbon et du pétrole

Le premier signal est un signal économique. À la veille du second tour des élections, la Russie a interdit l’exportation de charbon, de pétrole et de produits pétroliers vers l’Ukraine, ainsi que l’importation de certains types de tuyaux, de papier, de carton et de vêtements en provenance d’Ukraine.

La limitation du charbon crée des problèmes pour la métallurgie et peut affecter les exportations d’acier en provenance d’Ukraine. En 2018, selon le Comité national des statistiques, la part du charbon en provenance de Russie dans la structure de sa consommation en Ukraine atteignait 70%. S’il n’y a pas d’approvisionnement, il faudra réorienter les marchés vers l’Australie, les États-Unis et d’autres pays et le faire venir par la mer.

Certes, cette exportation n’est pas totalement interdite. Elle peut se faire par des entreprises qui reçoivent des autorisations spéciales. Selon des experts, il est un peu plus facile pour l’Ukraine de trouver une alternative au diesel et au gaz liquéfié russes.

La phase du passeport d’occupation

Un autre défi important de la Russie pendant la période électorale a été la phase du passeport de l’occupation dans le Donbass. Des informations sur la possible distribution de passeports russes dans le Donbass ont été transmises avant même l’élection présidentielle. Et trois jours après la victoire du nouveau président ukrainien, Poutine a signé un décret prévoyant une procédure simplifiée pour l’obtention de passeports russes pour les résidents des soi-disant Républiques populaires de Donetsk et de Louhansk.

Poutine a admis que la décision d’octroyer de manière simplifiée la citoyenneté de la Fédération de Russie aux résidents de l’ORDLO n’était pas «spontanée».

«Avant de signer ce décret, nous avons tout calculé: le nombre de demandeurs de notre passeport, et parmi eux le nombre de retraités, soit environ un tiers du contingent qui, à notre avis, pourrait vouloir demander notre citoyenneté», a déclaré Vladimir Poutine.

Le ministre des Affaires étrangères de l’Ukraine, Pavlo Klimkine, a qualifié la démarche de la Russie de «nouvelle étape du passeport d’occupation du Donbass» et a exhorté les résidents des pseudos Républiques à ne pas recevoir de passeports russes. Dans le même temps, le ministère des Territoires occupés a déclaré que les résidents des pseudos Républiques populaires qui recevront des passeports russes pourraient être privés de la citoyenneté ukrainienne.

Comment le président nouvellement élu, Zelensky, a-t-il réagi?

Volodymyr Zelensky a conseillé aux autorités russes de «ne pas perdre leur temps à tenter de séduire les citoyens ukrainiens avec des passeports de la Fédération de Russie».

Le vainqueur de l’élection présidentielle a écrit sur sa page Facebook, commentant les propos de Vladimir Poutine selon lesquels la Russie envisage de simplifier l’obtention de la citoyenneté de la Fédération de Russie, non seulement aux habitants des soi-disant Républiques mais également aux citoyens de toute l’Ukraine:

«Nous savons très bien ce que le passeport russe offre en vérité. Il offre le droit d’être arrêté pour une manifestation pacifique, le droit de ne pas organiser d’élections libres et compétitives, ainsi que de nier l’existence des droits et libertés naturels en général», a déclaré Zelensky.

Dans sa déclaration, Volodymyr Zelensky a également ajouté: «Nous accorderons la citoyenneté ukrainienne aux représentants de tous les peuples victimes des régimes autoritaires et corrompus. Nous l’accorderons en priorité aux Russes qui souffrent le plus».

«Un seul peuple» et de nouvelles catégories de «Russes potentiels»

Poutine a répondu à la déclaration de Zelensky en prétendant que les Ukrainiens et les Russes avaient beaucoup en commun: «si nous avons une citoyenneté commune, les Russes et les Ukrainiens y trouveront des bénéfices».

«S’ils donnent la citoyenneté aux Russes en Ukraine et si nous donnons la citoyenneté aux Ukrainiens en Russie, nous arriverons rapidement à un dénominateur commun et au résultat que nous recherchons – nous aurons une citoyenneté commune», a déclaré Vladimir Poutine.

Il a ajouté qu’il considérait toujours les Ukrainiens et les Russes «comme un peuple unique», avec des particularités culturelles, linguistiques et historiques.

Immédiatement après le 1er mai, le président russe Vladimir Poutine a introduit une procédure simplifiée d’obtention de la citoyenneté russe pour des catégories supplémentaires de citoyens ukrainiens.

Selon ce deuxième décret sur les passeports, les Ukrainiens nés et résidant de manière permanente en Crimée et ayant quitté la péninsule jusqu’au 18 mars 2014, ainsi que leurs enfants, leurs conjoints et leurs parents, ont reçu le droit d’obtenir la citoyenneté russe. En outre, les citoyens ukrainiens titulaires d’un permis de séjour temporaire en Russie, d’un permis de séjour en Russie, d’un certificat de réfugié ou d’un certificat de refuge temporaire en Russie auront la citoyenneté par une procédure simplifiée.

Le 29 avril, à Novoshakhtinsk, un centre de délivrance de passeports russes aux résidents de certains territoires de la région de Louhansk s’est ouvert dans la région de Rostov. Et le 30 avril, un tel centre s’est ouvert dans le village de Pokrovsky dans la région de Rostov.

Des méthodes anciennes dans de nouvelles conditions
La distribution de passeports dans les territoires occupés des pays voisins est une pratique ancienne de la Fédération de Russie.

La Russie, qui délivre des passeports, se prépare à une nouvelle escalade. Un tel scénario a été mis en œuvre en Géorgie, en Ossétie du Sud et en Abkhazie.

Georgyi Tuka, vice-ministre des Territoires temporairement occupés, a déclaré: «Le décret de Poutine signifie la prochaine répétition du scénario mis en œuvre dans la «République moldave de Transnistrie», en Ossétie du Sud et en Abkhazie. Lorsque les hostilités ont commencé, plus de 90% de la population y était composée de citoyens russes. C’est ce qu’ils sont en train de mettre en œuvre actuellement également dans le Donbass».

Mais il y a une différence. En Ossétie du Sud, en Abkhazie et en Transnistrie non reconnues, de tels passeports russes ont été délivrés dès les années 90. En fait, la population locale était principalement composée de citoyens russes.

Les experts prévoient que la situation dans le Donbass ne sera que partiellement similaire. Les «Républiques» sur le territoire géorgien sont sorties du contrôle de Tbilissi au début des années 90, avant que la plupart des résidents locaux aient pu recevoir un passeport géorgien.

Contrairement à cette situation, tous les habitants des territoires occupés du Donbass possèdent un passeport ukrainien.

Et il est fort probable qu’ils vont le garder. Cependant, cela ne neutralise pas le principal défi dans cette situation. La démarche de Poutine conduira probablement à ce que des centaines de milliers de citoyens russes vivent sur les territoires du Donbass ukrainien. Et la Russie se réserve le droit de protéger ses citoyens à l’étranger d’une attaque armée.

Qu’est-ce que cela signifie pour Zelensky, le président nouvellement élu?

Avant l’investiture, le nouveau président doit «lire» le message de Vladimir Poutine.

Malgré le fait que le président russe ait déclaré «qu’il ne souhaitait pas créer de problèmes au nouveau gouvernement ukrainien», il s’agit d’une rhétorique formelle qui cache d’autres significations.

Une conduite aussi dure du président de la Fédération de Russie immédiatement après les élections signifie pour le moins une élévation des taux pour d’éventuelles négociations et le désir de dicter ses conditions en se basant sur la force. Cela pourrait constituer une pression pour résoudre le problème du Donbass afin d’inclure à la fois un statut spécial et une fédéralisation, ainsi qu’un refus de rendre la Crimée.

L’espace de Zelensky pour conclure des arrangements est ainsi réduit.

«Le Kremlin laisse entendre que le nouveau gouvernement proposera un ensemble de compromis et en fait un ensemble de concessions, ce qui montre que le nouveau président devra se débrouiller», a déclaré Serhyi Solodky, directeur adjoint du centre «Nouvelle Europe».

Selon Denis Rybatchok, expert du Comité des électeurs, l’objectif minimal de cette pression sur le président nouvellement élu est de le forcer à abandonner le cours vers l’OTAN et l’UE.

L’objectif maximal consiste à inciter les nouveaux dirigeants du pays à aller vers une fédéralisation de l’Ukraine, ce qui confèrera un statut spécial au Donbass non contrôlé avec des apports budgétaires appropriés, une amnistie pour les combattants pro-russes et des élections locales sans rétablissement du contrôle de l’Ukraine sur la frontière avec la Russie.

«La Russie utilise la méthode de la carotte et du bâton: d’un côté, il y a une «carotte» sous la forme de l’essence bon marché, exprimé par Viktor Medvedchuk. Précédemment, Yuryi Boyko s’était rendu à Moscou pour en discuter. La Russie montre que si vous ne voulez pas accepter de votre plein gré, elle a les moyens suivants: interdiction d’exportation, délivrance de passeports», – note Denis Rybatchok.