Burisma, Zlochevsky et le «gentil procureur» : de quoi Trump et Zelensky ont-ils parlé ?

Burisma, Zlochevsky et le «gentil procureur» : de quoi Trump et Zelensky ont-ils parlé?

La publication de la transcription de la conversation téléphonique du mois de juillet entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky, la demande de destitution du président américain et la réunion entre les présidents américain et ukrainien sont devenus le sujet principal de la semaine en Ukraine et dans de nombreuses publications internationales. Dans le même temps, alors que l’attention se portait sur la possible pression exercée parle président américain sur son homologue ukrainien, l’enquête sur la société ukrainienne Burisma, pour laquelle travaillait Hunter Biden, le fils de Joe Biden, sans doute le principal rival de Donald Trump lors des prochaines élections, a été moins prise en compte. Les médias ukrainiens rappellent les faits fondamentaux de cette affaire. L’UCMC publie les faits essentiels.

Qu’est-ce que Burisma? Burisma est l’une des plus grandes sociétés de gaz privées en Ukraine. Son propriétaire est Mykola Zlochevsky, un ancien ministre de l’Écologie sous la présidence de Victor Yanoukovytch. Les licences de développement des champs de gaz des entreprises de Zlochevsky, y compris Burisma, ont été approuvées par le ministère qu’il dirigeait.

Qui est Zlochevsky? L’homme d’affaires du secteur du pétrole et du gaz, Mykola Zlochevsky, est l’un des partisans de l’ancien président Viktor Yanoukovytch, qu’il a soutenu lors des élections de 2009. Zlochevsky est ensuite devenu ministre de l’Ecologie et des Ressources naturelles au sein du gouvernement. Cette nomination a eu un impact positif sur ses sociétés pétrolières et gazières.

La plupart des domaines actuellement exploités par Burisma Holdings ont obtenu leur licence d’exploitation en deux étapes.

La première a eu lieu en 2003-2004, c’est-à-dire à lʼépoque où Viktor Yanoukovytch occupait le poste de Premier ministre de l’Ukraine. Zlochevsky était alors à la tête du Comité d’État pour les ressources naturelles, qui délivrait des permis spéciaux (licences) pour le droit d’utiliser le sous-sol. La deuxième a eu lieu en 2010-2012, à l’époque même où Zlochevsky était à la tête du ministère de la Protection de l’environnement, responsable du Service géologique national et du sous-sol, responsable des autorisations spéciales d’utilisation du sous-sol dans le pays.

En avril 2012, pendant la présidence de Yanoukovytch, Zlochevsky a été transféré au Conseil de securité nationale et de défense de lʼUkraine. Après son départ du ministère, Mykola Zlochevsky s’est concentré encore plus sur ses affaires et il a acquis plusieurs autres sociétés pétrolières et gazières.

Quelles accusations sont portées à l’encontre de Burisma en Ukraine? Les problèmes de Burisma ont commencé après la Révolution de la dignité et le changement de gouvernement. La fuite de Viktor Yanoukovytch du pays a tout changé pour Mykola Zlochevsky. Au printemps 2014, une affaire pénale de blanchiment d’argent a été ouverte contre Mykola Zlochevsky. L’Office of Economic Crimes du Royaume-Uni a gelé plus de 23 millions de dollars dans les comptes de Brociti Investments Ltd.
Zlochevsky a quitté l’Ukraine à la fin de 2014 après avoir reçu le statut de suspect d’enrichissement illégal dans le cadre d’une enquête du bureau du procureur général. Au total, 5 poursuites pénales ont été engagées contre lui en Ukraine.

Burisma a été soupçonné d’évasion fiscale, de blanchiment d’argent et de vol de ressources de l’État. En janvier 2015, le Bureau du Procureur général, sous la direction de Vitaliy Yarema, a lancé un mandat de recherche de Mykola Zlochevsky.
Le 7 juillet 2016, un nouveau procureur, Yuriy Lutsenko, a déclaré que le Bureau du procureur général enquêtait sur une nouvelle filière de vol du gaz ukrainien dans laquelle Zlochevsky pouvait être impliqué. A cette époque, le tribunal du district de Pechersk à Kyiv avait saisi 20 puits des sociétés de production de gaz «Esco-North», dans lesquels l’ancien ministre était impliqué.

Comment cela s’est-il terminé pour Zlochevsky et Burisma? Le 13 septembre 2016, le tribunal du district de Pechersk a ordonné au Bureau du Procureur général de prendre une décision de suspension de la recherche de Zlochevsky.

Finalement, le Bureau du procureur a classé l’affaire sur l’évasion fiscale. «Selon les résultats des enquêtes, la société Burisma a payé le montant le plus élevé à l’époque, à savoir 180 millions de hryvnias d’impôts et de pénalités », a déclaré le procureur général de l’époque, Yuriy Lutsenko.

L’affaire de blanchiment d’argent a été gagnée par Zlochevsky devant un tribunal de Londres. Et le cas concernant le vol de ressources de l’État – en fait, la délivrance d’une licence à lui-même – a été transféré à la Agence nationale de la lutte contre la corruption et clôturé là-bas, affirme le procureur général.

Quant à Mykola Zlochevsky, il a déclaré que la fin de toutes les actions en justice concernant le groupe Burisma «permettra d’accroître la production, d’accroître les investissements dans la production et d’attirer des entreprises internationales en Ukraine».

L’entreprise Burisma a également signalé qu’au cours des deux dernières années, elle avait versé plus de 5 milliards de dollars en impôts à des budgets de tous niveaux.

Pourquoi le fils de Joe Biden est-il impliqué dans cette affaire? En 2014, Hunter Biden, fils du vice-président américain, avocat du cabinet d’avocats Boies National, Schiller & Flexner LLP, est devenu membre du conseil d’administration de Burisma, qui appartient au millionnaire ukrainien Mykola Zlochevsky. Le New York Times a annoncé que Burisma avait payéà Hunter Biden jusqu’à 50 000 dollars par mois. Le conseil d’administration comprend également l’homme politique polonais Alexander Kwasniewski, ainsi que le banquier d’investissement Alan Apter. Le recrutement d’experts étrangers était dicté sans aucun doute par le besoin de protéger la réputation de l’entreprise.

Le «Gentil procureur», ou pourquoi l’histoire ne s’est-elle pas terminée? Dans sa conversation avec Volodymyr Zelensky, Donald Trump a fait référence à plusieurs reprises à un «procureur honnête» qui a été «très mal traité». Le président américain n’a pas précisé son nom, du moins ce n’est pas dans la transcription. Mais il est évident qu’il se réfère à Victor Chokine, procureur général sous la présidence de Petro Porochenko, qui a été limogé en 2016 sous la pression de Joe Biden.

En particulier, le 23 janvier 2018, l’ex-président américain Joe Biden a déclaré lors d’une réunion du Conseil des relations internationales à Washington qu’en 2016, alors qu’il séjournait à Kyiv, il avait exigé la révocation de l’ancien procureur général Viktor Chokine.

«Je leur ai dit, nous ne vous donnerons pas un milliard de dollars. Ils me répondent: «Mais vous n’avez pas une telle autorité, vous n’êtes pas le président, tandis que le président a dit qu’il le ferait. J’ai dit: «Appelez-le. Je vous dis que vous n’obtiendrez pas un milliard de dollars». Je les ai regardés et leur ai dit: «Je pars dans 6 heures et, à moins que votre procureur général soit limogé d’ici là, vous ne recevrez pas d’argent», a-t-il raconté.

Nous rappelons que, le 29 mars 2016, la Verkhovna Rada a limogé le procureur général de l’Ukraine, Viktor Chokine. Victor Chokine a essayé de retrouver son poste via le tribunal, mais il a perdu.

C’est Victor Chokine que Donald Trump aurait probablement mentionné dans sa conversation téléphonique avec Volodymyr Zelensky, le décrivant comme un «très bon procureur».

Que sont devenus Burisma et Mykola Zlochevsky? En 2018, le groupe Burisma a été primé dans la catégorie «Charité des grandes entreprises» lors du concours «L’Ukraine caritative 2017».

Au printemps 2019, Mykola Zlochevsky a organisé le quatrième Forum sur la sécurité énergétique à Monte-Carlo.