Tchernihiv : la ville des légendes, des fantômes et des chevaliers de la Rus’de Kiev

Parmi toutes les villes ukrainiennes, Tchernihiv est une des plus légendaires, plus mystérieuses. La ville est mentionnée pour la toute première fois dans les Chroniques du Traité du Prince Oleg, par les Grecs, en 907, mais les gens ont commencé à y habiter dès le VIIème siécle. Au début du Moyen-âge, Tchernihiv était la capitale de la tribu des Séverianes, peuplade de Slaves orientaux qui payaient leur dîme aux Khazars, mais qui ont fini par reconnaître l’autorité du Prince Oleg le Sage en 882 et ont ainsi rejoints la Rus’ de Kiev. Au sein de la Rus’ de Kiev, Tchernihiv devint une des villes les plus riches et des plus importantes, au même niveau que Kiev et Novgorod.

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À cette époque, la Rus’ de Kiev subissait constamment les attaques des Tatars. La ville de Tchernihiv a été endommagée et brûlée à plusieurs reprises. Heureusement, il y avait des personnes qui pouvaient protéger la Rus’de Kiev : les Bogatyrs, chevaliers puissants et forts qui défendaient leurs compatriotes du jugement des Tatars et d’autres ennemis qui venaient s’emparer des richesses de l’État kiévien.

Un des plus célèbres Bogatyrs est Ilya de Mourom. La légende dit qu’il fut très malade durant sa jeunesse et ne put marcher avant l’âge de 33 ans, âge auquel il fut miraculeusement soigné par deux pèlerins. Une fois guéri, Ilya partit en voyage au cours duquel il rencontra Sviatogor, chevalier mourant qui lui transmit sa force surhumaine. Ensuite, Ilya de Mourom continua son chemin et affronta le terrible Brigand Rossignol, mi-homme, mi-oiseau, capable de voler. Installé dans un chêne imposant au bord de la route de Kiev, le Brigand Rossignol paralysait les voyageurs par son puissant sifflement. Selon une légende, lorsqu’il se mettait à siffler et à crier, «toutes les herbes et les prairies s’emmêlaient, les fleurs d’azur perdaient leurs pétales, les bois sombres se pliaient jusqu’à terre, et les êtres humains gisaient, tous morts! ». Néanmoins, Ilya réussit à vaincre ce monstre en lui tirant une flèche dans l’oeil.

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Par la suite, Il arriva à Tchernihiv assiégé par les Tatars, il les combattit et les chassa. Après cet exploit, Ilya s’installa à Kiev et offrit ses services à Volodymyr le Soleil rouge, Grand Prince de Kiev,  en le servant et en protégeant Kiev de Batu Khan, fondateur de la Horde d’or. Selon la version officielle, les reliques d’Ilya de Mourom ( il a été canonisé par l’Église orthodoxe) sont conservées dans la Laure des Grottes de Kiev. Au début du XXème siècle, l’archéologue Dmytro Samokvasov a découvert, à Tchernihiv, au Mont Boldino, une inhumation avec les restes d’un homme incroyablement grand ( 2,5 mètres d’hauteur) et fort,  enterré avec des armures et une épée qui pourraient être ceux d’Ilya de Mourom.

Le Mont Boldino cité ci dessus est un lieu culte des païens et représente un des plus importants complexes funéraires du territoire ukrainien, avec 230 monticules. Après le baptême de la Rus’de Kiev, le Mont Boldino a abrité des moines. L’un d’eux, St-Antoine dit de Caverne, avait fondé un monastère de cavernes, appelé désormais les Cavernes d’Antoine. Plus tard, il partit à Kiev ou il créa un autre monastère de cavernes, connu désormais dans le monde entier sous le nom des “Grottes de Laure”.  Aujourd’hui, les cavernes de Tchernihiv sont ouverts aux visiteurs. C’est un complexe important comprenant plusieurs salles et couloirs. Dans une des salles, on peut voir l’inhumation des moines tués lors de prise de Tchernihiv par les Tatars. Plusieurs visiteurs, mais aussi le personnel, affirment avoir vu le fantôme de prêtres rôdant dans les couloirs des cavernes.

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Le Mont Boldino est couronné par le monastère de la Ste-Trinité, dont la première église, l’Église de St-Élie, a été construite en XIIème siècle. Elle est reliée par des passages souterrains avec les Cavernes d’Antoine. Près du monastère, il y a un petit cimetière où se trouvent les tombes de Leonid Hlibov, écrivain, journaliste et professeur, auteur de poèmes lyriques romantiques et de fables, et de Mykhailo Kotsiubynsky, écrivain, auteur de «Fata Morgana» et «Chevaux de feu».

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Pas loin du Mont Boldino se trouve le monastère Yeletsky, fondé par Svyatoslav, Grand Prince de Tchernihiv. La légende veut que ce monastère ait été fondé dans la forêt en raison d’une icône trouvée miraculeusement sur un des sapins, d’ou vient le nom du monastère (yel (ель) veut dire un sapin en slavon). C’est dans ce monastère-là que Constantin Erchov et Gueorgui Kropatchev, réalisateurs soviétiques, ont tourné «Vij», premier  film d’horreur soviétique, adapté d’un récit fantastique de Nicolas Gogol.

L’endroit le plus célèbre de Tchernihiv est sans aucun doute Dytynets, ancienne forteresse située sur le mont. Au XIème siècle, c’était le centre administratif, politique et religieux de la ville. Cettte forteresse était entourée d’un fossé profond, d’un haut rempart de terre avec des murs et des tours en bois. Sur le territoire de Dytynets s’élèvent des monuments uniques, notamment la cathédrale de la Transfiguration-du-Sauveur. C’est une église orthodoxe de l’époque de la Russie kiévienne datant du XIème siècle. C’est le monument le plus ancien conservé de l’Ukraine de la rive gauche.  Il reste des fragments de fresques de cette époque lointaine. Quant à l’édifice, il est resté presque intact jusqu’à nos jours. Certains experts estiment que l’église a été construite par les mêmes artisans byzantins que Sainte-Sophie de Kiev.

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Un autre monument remarquable situé à Dytynets est la cathédrale Saint-Boris-et-Saint-Gleb, construite comme église funéraire des princes Davidovitch, entre 1120 et 1123. Plus tard, elle est devenue l’église abbatiale du monastère de Saint-Boris-et-Saint-Gleb de Tchernigov, fermé sur ordre de Catherine II, en 1786.

Le beau bâtiment près de la cathédrale Saint-Boris-et-Saint-Gleb est le Collège de Tchernigov – une des plus anciennes écoles secondaires d’Ukraine, fondée en 1700. L’institution enseigne le latin, le grec, l’histoire, la géographie, les mathématiques et la philosophie.

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La maison d’Ivan Mazepa se trouve à côté. Hetman des cosaques d’Ukraine, il était le vassal  de Pierre le Grand et s’est rebellé contre lui pour rejoindre ensuite l’armée suédoise pour se battre avec elle contre l’armée russe. C’est dans cette maison qu’il vivait avec sa maîtresse, la jeune et jolie Motrya Kotchoubey, qui, maudite par sa mère, s’est suicidée mais n’a jamais retrouvé la paix. Il paraît que son fantôme rôde toujours aux alentours de la maison de Mazepa pour garder les trésors cachés de son amant.

Aujourd’hui, le territoire de Dytynets est un des lieux de promenade préféré des habitants de Tchernihiv et des touristes. Un beau jardin donne sur les bords de la Desna, rivière ukrainienne si joliement décrite dans les oeuvres d’Olexandre Dovjenko, écrivain et metteur en scène ukrainien.  Du haut de Dytynets, 12 canons de bastion en fer gardent la ville. Selon la légende, ils ont été offerts à Tchernihiv par Pierre le Grand, comme cadeau de reconnaissance pour le courage des Cosaques de Tchernihiv lors de la bataille de Poltava.

Cette ville contemporaine de Kiev est à visiter absolument par tous les amateurs d’histoire, de culture et de légendes mystérieuses. De belles légendes ont littéralement imprimé chaque rue, chaque monument de Tchernihiv, ancien centre religieux de la Grande Rus’ de Kiev.