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Réunion au format Normandie des conseillers politiques: pourquoi aucun accord n’a-t-il été trouvé (et pourquoi c’est bien pour l’Ukraine)

Une réunion au format Normandie au niveau des conseillers politiques a eu lieu à Berlin le 10 février. Larencontre s’est déroulée dans une période d’activité diplomatique extrêmement intense : entre la visite duprésident Macron à Kyiv et à Moscou et des visites similaires du chancelier Scholz prévues en début desemaine prochaine. Cette réunion au format Normandie à Berlin était importantecompte tenu de laconcentration des troupes russes à la frontière avec l’Ukraine et de l’attente d’une escalade du conflit, la voiediplomatique reste une composante importante du règlement de la situation. Il est à noter qu’il s’agit de ladeuxième réunion des représentants de l’Allemagne, de la France, de l’Ukraine et de la Russie depuis le débutde cette année, après les entretiens qui ont eu lieu le 26 janvier à Paris.

Dans quel but l’Ukraine s’est-elle rendue à Berlin ? Lors de la réunion à Berlin, la partie ukrainienne espérait débloquer les travaux du Groupe de contact tripartite qui concerne le règlement du conflit dans le Donbass. Il était prévu que l’Ukraine propose des options pour améliorer la vérification du régime du « cessez-le-feu » dans le Donbass ainsi que pour aborder  la question de l’ouverture d’un point de passage et de l’échange de prisonniers.

Par ailleurs, la veille de la réunion des conseillers politiques, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait exprimé l’espoir que ces pourparlers conduisent à un rapprochement en vue du  sommet des dirigeants des pays du format Normandie.

Aucun document n’a été approuvé. Selon Andriy Yermak, représentant de la délégation ukrainienne à la réunion, les conseillers politiques des dirigeants des pays du format Normandie n’ont approuvé aucun document après neuf heures de pourparlers.

«Aujourd’hui nous n’avons pas pu aboutir à un document commun, en effet, ces échanges ont duré près de 9 heures… Il aurait été souhaitable que nous nous soyons accordés sur quelque point lors de cette deuxième réunion du format Normandie; après une longue pause, une volonté est apparue, mais en vain, aujourd’hui c’est ainsi». 

Il n’a pas précisé la date et le lieu exacts de la nouvelle réunion. En outre, selon le chef de l’Office du président de l’Ukraine, lors des entretiens, toutes les parties ont exprimé leur plein soutien au cessez-le-feu dans le Donbass.

Selon le service de presse présidentiel, Andriy Yermak a souligné lors des négociations que l’Ukraine avait toujours prôné un règlement politique et diplomatique du conflit, de sorte que «la partie ukrainienne continuera à prendre des mesures pour intensifier tous les formats de négociation existants afin de promouvoir le processus de paix ».

«L’Ukraine a besoin de garanties de sécurité», selon Andriy Yermak. Lors de la conférence de presse, Yermak a ajouté qu’il fallait déjà penser à doter l’Ukraine de garanties de sécurité. La sécurité européenne est impossible tant que les combats dans le Donbass ukrainien perdurent.

« Nous pensons que tout doit être fait avant, et non pas après ce qui peut arriver. Nous pensons que nous devons parler aujourd’hui de garanties de sécurité pour l’Ukraine. Vous n’avez rien à attendre … Et nous avons évoqué cela clairement et à plusieurs reprises aujourd’hui. Aujourd’hui, on ne peut pas parler de sécurité en Europe sans mettre fin à la guerre en Europe centrale et sans assurer une sécurité réelle et effective à l’Ukraine. Je pense que cela intéresse tous nos partenaires et tous les partenaires européens», a résumé Yermak.

Le Nord Stream-2  fait partie de la sécurité énergétique,  insiste Yermak. Lors du briefing, Andriy Yermak a également évoqué Nord-Stream 2 et la prochaine visite d’Olaf Scholz en Ukraine. Il est à noter que le chancelier allemand avait précédemment eu une conversation avec Joe Biden. « Et, bien sûr, aujourd’hui, la sécurité énergétique de l’Ukraine fait partie de la sécurité commune. Nous considérons Nord Stream 2 comme faisant partie de cette sécurité énergétique. L’Ukraine doit recevoir certaines garanties. Nous pensons que nos partenaires rempliront leurs obligations et que l’Ukraine recevra des garanties, non seulement en ce qui concerne la sécurité économique, mais aussi la sécurité générale », a-t-il ajouté.

Le représentant de la Russie Dmitri Kozak évoque la fermeté de l’Ukraine. Le représentant de la Russie aux pourparlers des conseillers politiques des dirigeants  des pays du format Normandie, Dmitry Kozak, a déclaré que près de 9 heures d’entretiens n’avaient pas donné de résultats en raison de l’intransigeance de l’Ukraine.

« Malheureusement, près de 9 heures de pourparlers se sont terminées sans aucun résultat visible et tangible exprimé dans les documents … Les contradictions n’ont pas pu être résolues. En fait, nous avions une compréhension commune avec l’Allemagne et la France sur la manière d’avancer dans la sphère politique, mais la position de l’Ukraine est restée inébranlable.

Le projet de déclaration proposé à l’examen a été rejeté, citant même les accords de Minsk qui stipulent que les questions du futur statut post-conflit de ces territoires devraient être résolues dans des consultations et des discussions avec les représentants de certains districts (territoires occupés des régions de Donetsk et de Louhansk – éd.). C’est une contradiction clé que l’Ukraine a refusé de concéder», a déclaré Kozak.

Selon Kozak, les parties à la réunion avaient l’intention de surmonter les divergences sur l’interprétation des accords de Minsk et « ont essayé de trouver différentes formulations de compromis jusqu’à la dernière » pour la déclaration finale.

«Ces formulations étaient censées contenir des citations, nous avons même proposé de les écrire entre guillemets dans notre déclaration finale, mais l’Ukraine a catégoriquement refusé de le faire. C’est pourquoi les négociations ont duré si longtemps », a déclaré Kozak.

Selon lui, «la situation est dans l’impasse » et dans une situation d’incertitude « tout dépend des actions des autorités ukrainiennes». 

L’Allemagne et la France refusent de faire pression sur Kyiv, affirme Dmitri Kozak. Dmitri Kozak a également déclaré qu’il ne voyait pas la volonté de l’Allemagne et de la France de « faire pression sur Kyiv », mais qu’il avait plutôt vu « des tentatives pour trouver un créneau confortable pour que l’Ukraine poursuive la ligne qu’elle observe depuis 8 ans ».

Selon le porte-parole du Kremlin, il a été convenu que la Russie, l’Allemagne et la France au format Normandie « surveilleront le comportement de l’Ukraine lors d’une réunion régulière ou extraordinaire du groupe de contact ».

Moscou tente à nouveau de persuader Kyiv de résoudre les problèmes avec les alliés de la Russie dans les soi-disant Républiques populaires de Donetsk et de Louhansk. 

«J’ai même appelé les Ukrainiens, s’ils ont des idées et des opinions pour faire avancer la mise en œuvre des accords de Minsk, à convoquer immédiatement une réunion extraordinaire du groupe de contact – car la prochaine aura lieu dans trois semaines – et à faire leurs suggestions  sur le statut futur du Donbass, ou répondre aux propositions concernant le Donbass. L’Ukraine a pris une pause silencieuse pour réfléchir ». 

Pourquoi le manque de progrès n’est-il  pas si grave?

L’absence de progrès dans le format Normandie jusqu’à présent indique que l’Ukraine continue de défendre, de manière cohérente et résolue, la position selon laquelle le protocole de Minsk doit être mis en œuvre dès les premiers points, c’est-à-dire sur les questions de sécurité. L’Ukraine rejette toutes les tentatives de la Russie d’entamer un règlement, du point de vue  politique, des conditions des élections et des réflexions sur l’avenir de la région. « Pendant de nombreuses années, les accords de Minsk ont ​​été qualifiés de cadre pour un futur règlement du conflit dans l’est de l’Ukraine. En effet, aujourd’hui ni l’Ukraine ni les parties qui ont engagé une médiation dans les formats Normandie et Minsk n’ont dans leur arsenal un autre document qui permettrait à la Russie d’être impliquée dans des négociations sur un règlement. Mais cela signifie-t-il que la Russie puisse être autorisée à déformer ce document en échange de sa simple présence dans le processus de négociation ? Après tant d’années d’efforts vains pour forcer la Russie à mettre en œuvre au moins les trois premiers points des accords de Minsk, la réponse est évidente – non », a déclaré Maria Kucherenko, analyste au Centre d’études sur la société civile dans une colonne pour Radio Svoboda. 

Il est à noter qu’un cessez-le-feu complet et global n’a pas été obtenu au cours des 8 dernières années. De plus, les rapports de la mission de l’OSCE contiennent constamment des informations sur l’équipement des groupes armés illégaux contrôlés par la Russie en dehors des zones de stockage et des informations sur l’utilisation de calibres interdits par « Minsk » sont publiées chaque semaine par l’état-major des Forces conjointes de l’Ukraine. 

Et cela malgré le fait que l’OSCE ne surveille pas efficacement aujourd’hui la mise en œuvre des premières clauses des accords de Minsk car les combattants pro-russes créent de sérieux obstacles à leur travail.

La Fédération de Russie procède également à la « passeportisation» des résidents des territoires occupés. Les 800 000 passeports, déjà été distribués aux résidents des territoires occupés, changent évidemment la donne par rapport à 2015 lorsque le protocole de Minsk a été signé.

C’est pourquoi il n’est pas possible de passer au quatrième point du paquet de mesures de mise en œuvre des accords de Minsk, c’est-à-dire au début du dialogue sur les modalités des élections locales et de l’avenir de ces circonscriptions, compte tenu de l’échec de la mise en œuvre des trois premiers points.

« Forcer l’Ukraine à faire des concessions politiques n’est pas un règlement ou un dialogue. C’est une parodie et la preuve de l’impuissance du très « Occident collectif » si populaire en Russie, face à la loi de la force.

La pression sur l’Ukraine pour mettre en œuvre la partie politique des accords de Minsk dans la lecture russe, ici et maintenant, ne mènera qu’à une crise politique », a déclaré Maria Kucherenko, analyste au Centre d’études sur la société civile, dans une colonne pour Radio Svoboda.