“Libérez tous”: Oleg Sentsov, un des prisonniers du Kremlin, a entrepris une grève de la faim

Le 14 mai 2018, Oleg Sentsov, réalisateur de films ukrainien, emprisonné illégalement en Russie, a annoncé une grève de la faim illimitée. Les faits, ses exigences, sa condition physique et les conséquences de cette décision sont relatés dans l’article de l’UCMC.

Qui est Oleg Sentsov et pourquoi est-il en prison en Russie?

Le directeur ukrainien Sentsov auteur de plusieurs films, dont deux courts-métrages, «Le poisson-banane» (2008) et «La corne d’un boeuf» (2009), du long-métrage «Gaamer» (2011) et du film inachevé «Rhinocéros» (2013). Sentsov est aussi l’auteur d’un recueil d’histoires courtes traduit en francais.

Oleg Sentsov et l’activiste Olexandre Koltchenko, accusés de préparer une série d’attaques, ont été arrêtés en Crimée le 10 mai 2014. Malgré le caractère politique avéré de cette arrestation, l’absence de preuves directes et la résonance internationale, en août 2015, le tribunal a condamné Sentsov et Koltchenko respectivement à 20 et 10 ans d’emprisonnement avec un régime strict. Gennady Afanasyev et Olexiy Tcherniy ont également été arrêtés avec ces personnes. Afanasyev a été échangé en 2016 et Tcherniy est resté dans une prison à Magadan. Sentsov et Koltchenko ont été emprisonnés à Moscou, jugés à Rostov, transférés dans l’Oural et ainsi de suite jusque dans l’Arctique russe.

Le film documentaire de Hromadske sur Sentsov et Koltchenko, version en anglais (2018)

Selon Oleg Sentsov, la motivation qui l’a poussé à la grève de la faim est simple: il exige la libération de tous les Ukrainiens détenus en Russie et en Crimée annexée.

«Je, soussigné Sentsov Oleg, citoyen de l’Ukraine, condamné illégalement par le tribunal russe et détenu en prison à Labytnangui, annonce une grève de la faim à partir du 14 mai 2018, ma seule condition est la libération de tous les prisonniers politiques ukrainiens. Ensemble et jusqu’à la fin! Gloire à l’Ukraine!», a écrit Sentsov dans un communiqué.

Il a annoncé à son avocat qu’il s’était préparé à cette grève pendant deux mois. L’avocat de Sentsov, Dmitry Dinze, a averti son client de toutes les conséquences possibles, y compris les effets irréversibles sur la santé. Cependant, Sentsov a déclaré qu’il était prêt à mourir si ses exigences n’étaient pas remplies.

Des chiffres qui doivent être connus
 La Russie et la Crimée annexée détiennent 64 prisonniers politiquesukrainiens. Ensemble, ils ont été condamnés à 189 ans d’emprisonnement. Parmi eux, 8 prisonniers ont été libérés. La liste de tous les prisonniers, leurs histoires, leurs nouvelles ainsi que des informations sur des aides possibles sont disponibles sur le site anglophone Let My People Go.

Comment réagit la famille de Sentsov?

La famille du réalisateur vit actuellement en Crimée. La mère de Sentsov a 75 ans.

Depuis 2016, il est connu que Alla, son épouse depuis 15 ans, prévoit de divorcer. Selon un autre prisonnier du Kremlin, Gennady Afanasyev, le couple aurait prévu de divorcer avant l’arrestation d’Oleg en 2014, mais ils n’ont pas eu le temps de terminer la procédure. A partir de 2016, Alla a déclaré que son statut d’épouse du prisonnier de Crimée avait rendue impossible la possibilité d’obtenir un prêt et d’acheter une maison pour elle et les deux enfants qu’elle a eu avec Oleg. On dit qu’Oleg refuse catégoriquement de recevoir ses proches en prison.

Sa cousine Natalia Kaplan craint que cette grève de la faim n’apporte aucun résultat.

“Je ne peux pas supporter la décision d’Oleg. Il me semble que c’est imprudent et qu’une grève de la faim fait plus de mal que de bien. J’ai très peur pour lui. Depuis 4 ans, Oleg vit dans des conditions d’enfer, sans vitamines, sans soleil, sans alimentation normale, sous une pression psychologique terrible. Cette étape le rend nerveux, mais je connais Oleg et je sais qu’il ne reculera pas. Je ne peux qu’espérer qu’il survivra et atteindra son objectif», a-t-elle commenté.

Oleg Sentsov avec son épouse, archive privée


Le président ukrainien, Petro Porochenko, a appelé la communauté internationale à poursuivre ses pression sur le Kremlin après qu’il est devenu connu que le prisonnier politique ukrainien Oleg Sentsov a entrepris une grève de la faim illimitée.

“Je demande à la communauté internationale de continuer à faire pression sur le Kremlin afin que les prisonniers politiques ukrainiens puissent revenir au plus vite chez eux. Nous continuons à nous battre pour la libération de tous les prisonniers ukrainiens qui sont détenus illégalement sur le territoire occupé de Crimée, du Donbass, ainsi que sur le territoire de la Fédération de Russie”, peut- on lire dans le communiqué publié sur la page Facebook du Président.


Déroulement de cette grève selon l’avocat de Sentsov

Maintenant Sentsov est assis, seul, dans une cellule. Son avocat n’exclut pas que Sentsov soit obligé de subir un examen psychiatrique et forcé à manger.

«Il est transféré dans un endroit réservé aux persones qui refusent de manger et qui entreprennent une grève de la faim. Il se trouve dans cet endroit, seul, et a déjà reçu la visite du chef de la prison qui a discuté avec lui. Mais Oleg est déterminé à poursuivre la grève de la faim jusqu’à la fin, jusqu’ à ce que cela donne des résultats», a-t-il expliqué aux journalistes de Hromadske.

Que fait l’État ukrainien pour les prisonniers du Kremlin?

Les autorités ukrainiennes n’ont pas beaucoup d’instruments pour la libération des prisonniers politiques ukrainiens. L’un des plus efficaces est d’échanger des Russes détenus en Ukraine. C’est ainsi que Nadia Savtchenko, Yuriy Soloshenko et Gennadiy Afanasyev ont été libérés.

L’Etat ukrainien, selon une récente décision du gouvernement, prévoit d’allouer près de 97 millions d’UAH aux avocats des prisonniers politiques ukrainiens qui se trouvent actuellement en prison en Russie, dans les territoires occupés du Donbass et en Crimée. Jusqu’à maintenant, les proches des prisonniers politiques ont payé des services juridiques de leurs propres deniers. Il est parfois possible de compter sur des fonds pour les droits de l’homme, sur des personnes bienfaisantes et d’autres sources non étatiques.

Malheureusement, jusqu’à présent, l’argent public pour les services juridiques destinés aux prisonniers politiques n’est alloué que sur papier. Pour le moment, le gouvernementn’ a pas encore créé de commission qui prendra en charge la distribution des fonds. Le document prévoit que la Commission incluera des représentants du ministère de la Justice, du ministère des Finances, du ministère de la politique sociale, du ministère de l’Intérieur et du Service de sécurité de l’Ukraine. Cependant, aucun de ces départements ne participe pleinement aux affaires des prisonniers politiques et ne peut, par conséquent, suivre les litiges en Fédération de Russie. De plus, les organisations de défense des droits de l’homme, qui surveillent la situation depuis le début de l’annexion de la Crimée et du conflit militaire, sont restées en dehors de ce problème. Enfin, le critère de reconnaissance des droits du prisonnier politique n’est pas très clair non plus; pour le moment, ce statut n’existe pas au niveau de l’État. Jusqu’à maintenant, les proches continuent de chercher des financements par leurs propre moyens.