«…Pour que ma foi soit semblable au granit ». Comment les recrues sont entrainées dans le régiment «Azov»

Samedi. Il fait gris. On se trouve sur le territoire d’une usine abandonnée du quartier industriel de Kiev. Depuis février, c’est le camp d’entraînement d’ «Azov», régiment de volontaires, créé en mai 2014 afin de défendre Marioupol, ville stratégique de la région de Donetsk. L’année dernière, «Azov» a participé aux combats à Marioupol, Illovaїsk, Novoasovsk, Préobragensk et Shirokino. En septembre 2014, le bataillon «Azov» est transformé en régiment. Depuis le 10 novembre 2014 il fait partie de la Garde Nationale de l’Ukraine.

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C’est un jour spécial pour les recrues désirant rejoindre les rangs du régiment : aujourd’hui, après trois semaines d’entraînement, ils passent l’examen «Spartan» pour obtenir un insigne d’honneur.

Les recrues se mettent en rang, tous vêtus d’un uniforme vert et d’un maillot orange, leurs numéros d’identification inscrits sur leurs manches et leurs mains. L’appel. Les instructeurs annoncent l’objectif. Après un petit échauffement, un coup de pistolet annonce le début de l’examen. La première épreuve : cinq tours en courant autour du bâtiment de l’usine, soit dix kilomètres. Les recrues ont 2 heures 45 minutes pour accomplir toutes les épreuves, alors il est très important qu’ils finissent la première le plus rapidement possible afin d’avoir assez de temps pour les suivantes.

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Pendant que les recrues courent, nous nous entretenons avec Ivan, dit «Gratch», chef instructeur  du camp, qui nous énumère les qualités requises pour rejoindre les rangs de l’une des unités les plus célèbres du pays. «Nous choisissons les gens selon des critères physiques et psychologiques. Il est très important qu’ils puissent souffrir de privations, surmonter les obstacles, endurer les exercices physiques, qu’ils sachent se plier aux ordres, qu’ils soient prêts à faire face aux difficultés. Les gens faibles physiquement ou moralement ne peuvent être acceptés. Il arrive que nous devions refuser entre 20 – 30% des candidats parmi ceux qui ont été admis après avoir rempli un questionnaire Depuis la fondation du camp, 300 bénévoles y ont été entraînés». L’origine ethnique des bénévoles est sans importance : dans les rangs d’«Azov» on peut voir des Russes, des Biélorusses, des Géorgiens, des Italiens, des Français et même des Suédois.

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L’un d’eux, Michael Skilt, militaire de métier, tireur d’élite, a servi sept ans dans l’armée suédoise. Selon les rumeurs, les militants de la soit disant «République populaire de Donets » ont mis sa tête à prix pour une d’une somme allant de 5000 à 1 000 000 de dollars. Michael, avec une apparence de viking sévère, est assez réservé. Depuis un an déjà il combat aux côtés des soldats ukrainiens contre les séparatistes prorusses, éveillant l’intérêt de plusieurs journalistes. Son assistant Jonas se laisse interviewer plus volontiers. Jonas est venu en Ukraine dans le cadre de son programme de formation : il fait ses études à l’Université suédoise de défense «Ce qui m’a frappé, c’est l’existence de deux Ukraines : l’une de la guerre et l’autre de la paix». Jonas, comme Michael, n’essaie pas de cacher qu’il a choisi ce régiment pour des raisons idéologiques. «J’ai remarqué que la plupart des bénévoles qui désirent lutter pour la liberté de l’Ukraine préfèrent les bataillons de volontaires à l’armée. Cette situation ressemble beaucoup à celle de l’Empire romain, quand les différentes légions se choisissaient une religion» explique Jonas. «Comment décrire cette guerre ? Elle ressemble à la guerre d’Afghanistan, quand tout le monde supposait que les Américains apportaient une aide militaire aux moudjahidins, mais il n’y avait guère de preuves. Maintenant ces preuves sont dévoilées. De nos jours, tout le monde suppose que la Russie apporte en sous-main une aide militaire aux séparatistes prorusses, mais il faut du temps pour que ce fait devienne évident».

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Entre temps les recrues, l’une après l’autre, finissent la course. La deuxième épreuve consiste en un parcours de 2 kilomètres en portant un sac de 60 kilos sur le dos (le sac imite un camarade blessé) .Pour prendre le sac sur son dos, la recrue le met, allongé sur son dos, puis il se renverse lentement et se met, d’abord à genoux, ensuite debout. Peu de recrues réussissent du premier coup. Plusieurs d’entre eux ne peuvent pas se mettre à genoux, ils tombent par terre. Les instructeurs les encouragent  et leur donnent des conseils techniques pour porter cette charge lourde. L’une des recrues sous le numéro 14 a des difficultés particulières : il a mal au genou et souffre beaucoup après la course. Cependant, il ne recule pas et, après plusieurs échecs, il se met debout, le sac sur le dos. L’un des instructeurs lui propose de renoncer à cette épreuve, mais la recrue persiste. Il est évident que cet insigne d’honneur et la chance de rejoindre « Azov » revêtent une importance particulière pour lui. Parmi les recrues il y a aussi de vrais « hercules » qui lèvent le sac du premier coup et finissent le tour pendant que leurs camarades se tordent par terre en essayant de se mettre debout.

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Ceux qui sont déjà revenus passent à la troisième épreuve. Il faut ramper 70 mètres, un sac à la main, puis revenir sans sac. Et voilà la partie la plus spectaculaire de l’examen : le parcours d’obstacles. A première vue, il semble assez facile, mais quand on essaie de le franchir, on se rende compte à quel point c’est difficile : diverses fortifications, des rondins, des voies téléphériques, des filets…. et même la descente en rappel du troisième étage d’un bâtiment proche. Et les recrues  font ce parcours d’obstacles alors ils sont déjà fatigués après avoir couru 10 kilomètres et porté un sac extrêmement lourd! Cela dit, leurs efforts seront bien récompensés  lorsque les recrues se retrouveront sur la ligne du front. Il est très probable que l’expérience ainsi acquise sauvera la vie de plusieurs d’entre eux. En général, « Gratch » avait raison : ceux qui sont faibles physiquement ou moralement ne passeront jamais toutes les épreuves.

La recrue numéro 14 qui a mal au genou passe les épreuves malgré la douleur. Il veut même descendre du troisième étage, mais les instructeurs l’arrêtent : cela peut être trop pour sa santé. De plus, il a déjà prouvé sa volonté de gagner. «Tu recevras bien ton insigne, je te donne ma parole», lui dit l’un des instructeurs.

Et finalement, la dernière épreuve : 6 minutes de combat à mains nues sur le terrain sablé. D’abord les recrues se battent l’une  contre l’autre, puis contre les instructeurs. Fatigués, épuisés, sales, ils peuvent à peine tenir le coup face aux combattants expérimentés et seuls quelques uns d’entre eux gagnent. Pendant tout ce temps, l’arène est entourée par des médecins et les enfants des recrues qui crient et applaudissent pour les encourager.

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Le temps a passé sans qu’ils s’en aperçoivent. Les recrues se mettent en rang sur la place pour la cérémonie de remise des prix. Trois recrues qui ont obtenu le meilleur résultat  reçoivent des prix d’honneur. Les autres obtiennent l’insigne tant espéré. La recrue numéro 14 qui a passé toutes les épreuves malgré la blessure et la douleur le recoit en premier. À la fin de la cérémonie, on prête serment.

Après la cérémonie officielle, vient le temps de l’accolade amicale et des félicitations. Dès ce moment-là, les recrues sont devenues des soldats d’ «Azov». Après avoir subi l’examen médical et préparé tous les documents nécessaires, ils se rendront dans le camp d’entraîmement militaire pour apprendre le métier de militaire. Ensuite, ils se mettront à la réalisation de l’objectif auquel ils ont décidé de consacrer leur vie : défendre l’Ukraine, leur pays natal.

Olena Gorkova

L’article original en ukrainien est disponible sur Ukrinform