Stephane Siohan : les deux parties du conflit en Ukraine compliquent le travail des médias dans la zone de combats

Stephane Siohan, journaliste qui travaille pour des éditions renommées comme Le Figaro, Le Soir et Le Temps a raconté en direct de Hromadske International que les journalistes internationaux avaient accès plus facilement à la zone de l’opération anti-terroriste que les journalistes ukrainiens. «Les médias internationaux ont le droit de travailler de deux côtés de la ligne du front, contrairement aux médias ukrainiens. On peut dire que les deux parties du conflit tolèrent plus ou moins la présence des médias étrangers».

Parallèlement, Stephane Siohan a souligné que depuis le cessez-le-feu relatif, les conditions de travail des journalistes s’étaient considérablement dégradées. Paradoxalement, à l’époque des affrontements actifs en 2014, les journalistes pouvaient travailler plus facilement que maintenant. En 2014, aucune partie du conflit n’avait suffisamment de temps et de ressources pour contrôler la presse. Maintenant que la situation s’est calmée, les Ukrainiens et les séparatistes ont beaucoup plus de temps à consacrer aux procédures bureaucratiques, aux accréditations et aux délivrances des laissez-passer. «Si avant, on devait prévenir l’État-major à Kramatorsk de nos déplacements du jour au lendemain, désormais, il faut le faire une semaine à l’avance. Cela complique vraiment notre travail», explique Stephane.

Les militaires ukrainiens tolèrent la presse étrangère mais ne l’apprécient pas vraiment, car les journalistes décrivent la réalité de manière critique. Les autorités des Républiques auto-proclamées de Donetsk et Lougansk lisent ce que les journalistes écrivent et si cela ne leur plaît pas, ils n’accordent plus l’accréditation au journaliste qui a écrit le matériel.

Stephane Siohan a aussi souligné que les journalistes ukrainiens et la société ukrainienne ne voulaient pas connaître l’opinion de la population restant dans les territoires occupés. « Ces gens-là sont enfermés dans le silence. Ils sont restés sur les territoires contrôlés par les séparatistes ou les terroristes et pour beaucoup d’Ukrainiens cela signifie automatiquement qu’ils soutiennent les Républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk. Mais, en vérité, c’est loin d’être le cas», estime Stephane.

D’ailleurs, si l’Ukraine estime que toutes les personnes qui sont restées sur les territoires occupés soutiennent les séparatistes à 100%, alors il est incompréhensible de continuer à se battre pour eux. Le projet d’avenir que l’Ukraine compte proposer aux territoires occupés, censé être le moteur de l’action ukrainienne, reste également imprécis.

L’intégrité de l’interview de Stéphane Siohane en français avec la traduction simultanée est disponible ici.

 

Hromadske International, le 4 novembre 2015.