L’Ukraine n’a élaboré aucune stratégie pour le retour de la Crimée et la société civile reste la force motrice de toutes les initiatives

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Kiev, le 10 mars 2016 – La position solidaire des Ukrainiens et des Tatars de Crimée doit être inscrite dans un mémorandum. Pour le moment, la société ukrainienne n’est pas solidaire des problèmes de la Crimée; l’Etat avait initialement prévu cette solidarité mais cela n’a pas été suivi d’effets. «Nous ne nous sommes pas battus pour la Crimée, nous n’avons même pas trouvé le temps de prendre une décision : fallait-il se battre ou non? Et l’absence de cette décision pèse toujours. Nous n’avons pas non plus décidé d’une stratégie pour la Crimée. Il faut dire que la Crimée n’est plus ukrainienne, car nous avons autorisé l’adoption d’une loi tout à fait scandaleuse qui la détache de l’Ukraine sur le plan économique. Même si notre pouvoir déclare que la Crimée n’est pas à vendre, il s’avère que les entreprises ukrainiennes ont permis de la vendre. Toutes les réclamations déposées dans les tribunaux, en contournant l’Ukraine, par nos oligarques, concernant leurs biens en Crimée, ne sont que des tentatives de marchandage», a déclaré Sergyї Datsuk, philosophe, théoricien, écrivain, lors d’un débat à l’Ukraine Crisis Média Center.

Joseph Zysels, vice-président du Congrès des communautés nationales d’Ukraine, estime que l’Ukraine avance surtout grâce à la société civile et cette différence fondamentale est une conséquence de la Révolution de la Dignité, mais elle a commencé a apparaître après la Révolution Orange, quand la société civile s’est appropriée des fonctions du pouvoir. «Quand on parle du retour de la Crimée, il faut considérer que l’identité des habitants compte des  pro-ukrainiens et des pro-russes… Cette divergeance complique la réintégration de la Crimée, compte tenu du fait que la péninsule devient peu à peu un territoire militarisé et criminalisé et, en attendant, une nouvelle génération grandit». Joseph Zysels a aussi souligné que les États-Unis ne souhaitaient pas la désintégration de la Russie, car «ils redoutent d’être confrontés aux éclats destructeurs des armes nucléaires, donc les Américains feront tout pour que ces ressources nucléaires restent sous le contrôle d’une seule personne».

Selon Valeryї Pekar, entrepreneur, activiste civil, les problèmes de la Crimée sont liés au fait que l’Ukraine «ne sait pas qui elle est et ce qu’elle fait». À titre d’exemple, l’absence d’une réponse à la question «nous sommes en guerre ou en paix » est à l’origine d’une perte de territoire, mais aussi de millions de personnes et d’une image positive aux yeux de la communauté internationale. Un autre problème important selon l’activiste est le fait que l’Ukraine ne se reconnaît pas en tant que sujet du processus géopolitique.  «Les élites politiques ukrainiennes ne veulent pas faire entendre la voix de l’Ukraine dans le monde, ils ne font qu’obéir aux ordres des autres pays. La Russie nous demande de faire ceci, l’Union Européenne nous demande de faire cela, les États-Unis nous demandent de faire encore autre chose….Si cela continue ainsi, nous n’allons pas résoudre nos problèmes».

«Quand on parle de la Crimée, on parle surtout des gens », a souligné Georgyї  Kovalenko, archiprêtre orthodoxe. «Le problème de la Crimée doit être résolu par les moyens reconnus dans le monde moderne avec la participation de tous les habitants du pays, avec la voix décisive des Tatars de Crimée. Selon Ahtem Seytablaev, metteur en scène, scénariste et artiste, il est essentiel de créer des conditions favorables pour la préservation et le développement de la langue et de la culture des Tatars de Crimée, et aussi d’attribuer une autonomie nationale aux Tatars de Crimée au sein de l’Ukraine. «Si le Parlement ukrainien vote une loi reconnaissant que la Crimée est un territoire autonome nationale des Tatars de Crimée en Ukraine, ce serait une motivation très importante pour les Tatars, afin qu’ils continuent leur combat».  L’artiste estime que cette loi aidera les Tatars à être mieux représentés dans des organisations internationales, y compris à l’ONU.