Le populisme hollandais et la corruption ukrainienne : 5 faits sur le referendum aux Pays-Bas

Le 6 avril est devenu un jour historique pour lUkrainece jourlà, les hollandais ont exprimé leur opinion sur lAccord dassociation entre lUnion Européenne et lUkraine lors d’un réferendum national. Il est à noter que c’est le refus de lexPrésident Ukrainien Ianoukovich de le signer qui a provoqué les premières manifestations à Kiev à l’automne 2013, ayant menées à la révolution de Maidan. 

Le résultat du réferendum a été étourdissant – 64% «contre», 36% «pour», avec un taux de participation de 32%. Le sondage conduit par la compagnie IPSOS le 4 avril dernier avait pronostiqué 30% «pour» et 37% «contre». Le nombre de ceux qui hésitaient a été traditionnellement haut; au final, ils ont rajouté leurs votes à ceux du camp contre cette Association. Les taux de participations dépassant 30%, cela légitimise le réferendum: maintenant les officiels doivent s’en rendre compte dans leurs décisions, malgré le statut «consultatif» de cette expression de volonté.  

En langage de statistique: la victoire de l’indifférence

Malgré le fait que la victoire des adversaires de l’Association semble convaincant, il faut se rendre compte que  68 % des Hollandais ne sont pas venus au réferendum ; 13% ont appuyé l’Ukraine et 19% ont voté «contre». Ainsi, statistiquement, ce réferendum représente surtout une victoire le l’indifférence, de la méconnaissance du sujet de l’association et de l’absenteisme politique de la plupart des citoyens du pays, provoqués par des raisons très différentes.

La victoire des peurs, de l’indignation et du mécontentement envers l’Union Européenne

Une des raisons de la réussite des eurosceptiques est ce qu’ils ont fait de l’objet du référendum, la question intéressait peu la majorité libérale du pays. En même temps, ils ont réussi à mobiliser tout le camp électoral des adversaires de la coalition gouvernementale pro-européenne et de l’Union Européenne.

Les socialistes, les activistes des cercles différents des eurosceptiques, les membres du parti d’Geert Wilders ont bien joué la carte des questions de l’association politique avec l’Ukraine qui provoquent le plus d’inquiétude, mais ne reflètent pas les points clés de l’association avec l’Ukraine. Ce sont surtout celles de la menace de la migration et de la coopération pour la sécurité.

Des formules modestes et abstraites sur la coopération pour la sécurité ont été mises presque au même niveau que l’article 5 du Traité de l’Atlantique nord sur le système de sécurité colléctive. Conformément à l’article 5, l’agression militaire contre un pays-membre est égal à l’agression contre tous. Cette agitation a été accompagnée par des affiches où on augurait le destin de Marioupol ukrainien aux villes néerlandaises, c’est à dire, «si vous ne voulez pas de guerre et de bombardements dans votre ville, ne votez pas pour l’association avec l’Ukraine».

Les débats ont été compliqués par le fait que la campagne «contre» se basait sur des arguments égoïstes, tandis que la campagne «pour» l’association – sur des arguments altruistes. «Ceux qui menent la campagne pour l’association ont un grand problème : en fait, ils veulent aider l’Ukraine et contribuer au développement de la démocratie de type occidentale. Mais c’est beaucoup plus difficile à «vendre» aux votant que l’argument égoïste des adversaires de l’association qui disent :  «à quoi bon aider ces gens si nous avons assez de problèmes ici» , a expliqué dans une conversation avec le journal « Europeiska Pravda» Ernest Klassen, éditeur du département international de NOS, la chaîne de télévision néerlandaise.

Le référendum prouve que l’Europe rentre de plus en plus à l’époque de la politique populiste. Les principales décisions sont de plus en plus influencées non pas par des raisonnements rationnels, mais plutôt par des émotions,  ou même les instincts des électeurs. Nous pouvons donc nous attendre à ce que cela renforce les positions des populistes européens à l’avenir : UKIP au Royaume-Uni, le Front national en France, «Alternative pour l’Allemagne» et «Gauche » en Allemagne, «Démocrates suédois», «Fidos» et «Jobbik»  hongrois et  d’autres parties.

Il parait que l’Europe entre dans une l’époque ou l’opposition principale n’est plus une controverse traditionnelle entre les gauches et les droites, mais l’opposition entre les liberaux et radicaux, entre la politique d’esprit et celle d’instinct.

Pourquoi «pour», pourquoi «contre»? La corruption en tant qu’une «ligne rouge»

Au dela des phobies et du populisme, il y a eu aussi des arguments tout à fait raisonables contre l’Ukraine. Selon un sondage d’IPSOS, réalisé la veille du référendum, ceux qui déclaraient leur intention de voter contre l’Ukraine, ont déclaré les arguments suivants :

49%      –    L’Accord d’Associations facilitera le commerce entre l’Ukraine et les Pays-Bas
41%      –      C’est avantageux pour l’économie des Pays-Bas
33%      –      L’Ukraine sera plus forte dans sa confrontation avec la Russie
30%      –      C’est avantageux pour l’économie
30%      –      L’Ukraine sera plus proche des valeurs européennes

24%       –       L’Accord d’Association avec l’UE aidera à lutter contre la corruption en Ukraine
18%       –      L’Union Européenne sera plus forte dans l’opposition à la Russie
17%       –     Ce document est déjà approuvé par l’Union Européenne et les pays membres de l’UE
12%       –     Car le parti politique pour lequel je vote, soutient l’Accord

3%       –       En raison de la catastrophe du vol MH17

Ceux qui avaient l’intention de voter contre l’Accord d’Association ont choisi les arguments suivants :

59% –  Je ne crois pas en Ukraine, car il y a notamment trop de corruption,
34% –  L’Accord d’Association sera un premier pas vers l’adhésion de l’Ukraine à l’Union Européenne
31% –  Je ne partage pas les valeurs européennes
30% –  L’Accord est désavantageux à l’économie des Pays-Bas, car les producteurs ukrainiens viendront chez nous

26% –  L’Accord est nuisible aux relations entre les Pays-Bas et la Russie
23% –  Je suis contre l’Union Européenne
19% –  À cause de la catastrophe du vol MH17
13% –  L’Accord est nuisible aux relations entre l’Ukraine et la RussieУгода
4% –  Le parti politique que j’ai choisi, ne soutient pas l’Ukraine

Il est evident que la raison principale pour laquelle les Hollandais ont préféré voter contre l’Ukraine est la corruption et non pas la guerre. La publication de « Panama Papers »  dans de differents médias hollandais trois jours avant le référendum n’a fait que renforcer les Hollandais dans leur opinion.

C’est la raison pour laquelle l’echec du référendum est une ligne rouge pour l’Ukraine. L’Europe refuse désormais de tolérer la corruption en Ukraine. Le temps des compromis et des avances de l’époque de Maidan est passé.

Ensuite, à chaque argument de Kiev sur la lutte des Ukrainiens pour les valeurs européennes, l’Europe répondra en montrant du doigt le niveau exhorbitant de la corruption et le manque de progrés dans la lutte contre elle. Et s’il n’y a pas de progrés dans ce domaine, plus aucun argument ne sera en faveur de l’Ukraine.

Les points positifs : l’Ukraine apprend petit à petit à communiquer

Parallèllement, la campagne d’information du soutien de l’Association a été une des plus importantes durant toute la période d’indépendance. Le rôle le plus important appartenait à la société civile, mais la campagne reste un exemple de coopération entre la société civile et l’État.

La diaspora ukrainienne s’est mobilisée : les activistes ont créé un site «Ukraine, référendum» (Oekraïne referendum). Le site et la page du projet sur Facebook ont couvert 3% des électeurs hollandais.

La campagne lancée par l’Ukraine Crisis Média Center Hop Nederland Hop ( une séléctione des vidéos d’enfants talentueux qui appellent les Hollandais à voter pour l’Ukraine) a été vue par plus de 3 000 000 de personnes durant deux semaines, dont 85% de Hollandais.

La vidéo de Yulia Marouchevska «Je suis Ukrainienne» enregistrée spécialement pour les Pays-Bas a été vue plus d’un million de fois, dont 85% de Hollandais.

En outre, il faut évoquer un projet créatif et intéressant «Tak est Ja», un site où les Ukrainiens diffusent leurs propres vidéos, appelant les Hollandais à soutenir l’Ukraine, ainsi que «la diplomatie culturelle» si populaires. Pour la première fois, les journées du cinèma ukrainien ont eu lieu aux Pays-Bays.  Et pour les personnes liées au monde de culture, ceci est bien plus important que tous les arguments sur le commerce.

L’experience de la campagne aux Pays-Bas pourrait devenir le premier pas pour l’Ukraine sur le chemin vers la formation de l’image du pays.

Le référendum n’est pas un point barre dans l’Accord de l’Association.

Malgré les conséquences négatives du référendum pour l’Ukraine, la zone de libre échange entre l’UE et l’Ukraine. La raison est simple : plus de 90% du contenu de l’Accord d’Association reléve de la competence des institutions supranationales de l’UE, à savoir la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil, et non dans la competence des pays de l’Union Européenne, y compris l’Accord sur la zone de libre échange.

Le 12 avril, le gouvernement des Pays-Bas devrait annoncer que l’Accord sera à nouveau soumis au vote du Parlement, car cela est exigé par la loi sur les référendums. Actuellement, le gouvernement et le parlement des Pays-Bas se retrouvent confrontés à un sérieux dilemme.

D’une part, ils ne peuvent pas ignorer les résultats du vote, car les electeurs ne le leur pardonneront pas. Mais les résultats du référendum ne représentent pas l’opinion des Hollandais, car 68% Hollandais ne se sont pas présentés aux urnes. La question est de savoir si les partis parlementaires estiment que leur électorat a voté contre la ratification. Selon les sondages, 92% des partisants du parti PvdA et 53% des partisants de VVD (deux membres de la coalition gouvernante) soutiennent l’Accord d’Association. Donc, ces deux partis sont confrontés à un dilemme : faut-il voter comme leurs partisants le souhaitent ou comme les résultats du référendum le «recommendent».

De toute manière, cette situation délicate force les politiciens hollandais à chercher l’équilibre politique qui prendra en compte l’opinion de l’électorat, et, en même temps, restera dans l’histoire de la politique interieure et européenne.