Hanna Hopko, députée ukrainienne sur les élections en Crimée: Cette guerre n’est pas que la nôtre, c’est celle de la Russie contre la civilisation mondiale

Le texte original est publié sur la page Facebook de Hanna Hopko

Les élections législatives à la Douma d’Etat de Russie ont eu lieu 18 septembre 2016. La Сrimée ukrainienne occupée par la Russie a aussi figuré sur la carte des circonscriptions. Ceci est évidemment illégal. Le Parlement ukrainien a exhorté la communauté internationale à ne pas reconnaître la légitimité des élections russes car ce serait une étape vers la légitimation de l’annexion de la péninsule. Reconnaître ces élections, signifierait que les élites politiques de certains pays s’accordent sur le fait que la primauté du droit n’existe plus. Qui aura alors la primauté ? La loi du plus fort et du voleur !

Tous les pays occidentaux et les organisations internationales ont exprimé leur refus d’observer les élections dans la partie occupée du territoire ukrainien en Crimée. Il est évident que le Kremlin a fait en sorte que les élections en Crimée se sont tenues en créant ainsi un nouveau piège pour la prise de décisions par les puissances occidentales. Une question se pose : “est-ce que ce Parlement sera légitime du point de vue de la communauté internationale, alors qu’il est constitué en violation des lois, et quel sera le statut juridique des députés “élus” sur les territoires occupés ?”

Le Parlement d’Ukraine a lancé un appel aux Parlements des États étrangers, aux Assemblées Parlementaires et aux organisations internationales en leur demandant de publier des déclarations officielles sur la reconnaissance de l’illégitimité des élections à la Douma à cause de leur tenue en Crimée occupée. Les députés russes «élus» en Crimée auront un statut illégal et ne devraient jamais faire partie de la délégation parlementaire russe à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, l’OSCE, l’OCEMN, сar une telle participation pourrait indirectement signifier la légitimation de l’occupation et de l’annexion de la péninsule ukrainienne.

Les États européens et les États transatlantiques en répondant positivement à l’appel du Parlement d’Ukraine ne feraient qu’adhérer à leurs propres lois et à leur position constante sur la condamnation de l’agression de la Russie contre l’Ukraine et sur la non-reconnaissance de l’annexion de la République autonome de Crimée et de Sébastopol.

La guerre menée par la Russie contre l’Ukraine est réelle et très intense avec son lot de bombardements quotidiens qui provoquent des morts chaque jour. La Russie continue à envoyer ses armes et ses militaires en Ukraine à travers la partie de la frontière qui n’est pas contrôlée par l’Ukraine et dont la Russie empêche l’observation par les représentants de l’OSCE. Comment obliger les troupes russes à quitter l’Ukraine et contraindre Vladimir Poutine à remplir ses obligations ?

Il y a une semaine les Ministres français et allemand des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault et Frank-Walter Steinmeier, sont venus à Kiev. Lors d’une réunion avec eux, je leur ai fait part des problèmes les plus urgents et rappelé que la responsabilité dans le rétablissement de la paix en Ukraine est commune.

Hier, M. Steinmeier a déclaré que des progrès avaient été obtenus en matière de respect du cessez-le-feu dans l’Est de l’Ukraine, alors qu’aujourd’hui M. Lavrov a fait savoir que la Russie “n’avait rien promis”. Nous ne posons plus la question de savoir quand Moscou va cesser de mentir mais plutôt quand MM. Ayrault et Steinmeier seront lassés d’être pris pour des imbéciles par la Russie.

Il est difficile d’obtenir une réponse de nos invités étrangers. Il leur est plus facile de nous demander ce que nous faisons pour un “règlement pacifique”. Et aujourd’hui, nous entendons encore parler de la nécessité de rependre le dialogue avec la Russie. Mais ce dialogue peut-il aboutir à un résultat ? Peut-être devrait-on modifier le dialogue avec la Russie pour qu’elle commence à écouter ses interlocuteurs ?

Il n’y a pas de temps pour la tolérance face à la guerre. Cette guerre n’est pas que la nôtre, c’est celle de la Russie contre la civilisation mondiale. En attendant, l’Europe semble uniquement capable de poser des questions mais pas d’y répondre.

Messieurs les Ministres, l’Ukraine ne constate pas de résultats concrets de votre pression sur V. Poutine afin qu’il remplisse ses engagements dans le cadre des accords de Minsk sur un règlement véritablement pacifique du conflit dans le Donbass.

Pour sa part, l’Ukraine remplit tous ses engagements et a accompli de grands progrès en matière de réformes successives dans les domaines de la législation et des moyens de lutte contre la corruption, de la stabilité économique, de la déclaration électronique des revenus des fonctionnaires et des politiciens, de la décentralisation administrative et financière, etc. Nous utilisons tous les moyens pour démontrer que le chemin des réformes en Ukraine est irréversible.

Il y a un an j’ai, voté POUR les amendements à la Constitution dans la partie qui concerne la décentralisation et les élections sur les territoires occupés. A l’époque, nous nous attendions à une aide réelle de la part de nos partenaires pour la mise en place d’un cessez-le-feu, d’un retrait des forces armées de la ligne de front et d’échanges de prisonniers. J’espérais qu’il était clair pour les pays les plus développés et les plus influents que cette guerre sur le territoire d’un des plus grands pays européens et cette violation flagrante des lois internationales ne demeurerait pas juste une “guerre entre voisins”. J’ai cru qu’il y aurait un réel soutien.

Où est donc votre soutien ? Il n y a pas de cessez-le-feu, de retrait d’armements, de libération des otages, d’échanges de prisonniers de guerre ! Au lieu de cela, il y a seulement le deuil et le chagrin… Ma meilleure amie a perdu son mari, il s’appelait Andriy, il y avait 33 ans, il a été tué par les troupes russes dans le Donbas. C’est dire que cette guerre n’est pas “larvée” ainsi que Le Monde l’annonçait en août dernier.

Les Ministres des Affaires Etrangères français et allemand se sont rendus dans l’Est de l’Ukraine, à Kramatorsk, une première depuis le début du conflit qui a fait plus de 9.500 morts. Je leur ai conseillé de ne pas aller à Kramatorsk qui est contrôlé par l’Ukraine mais à Chirokiné et Avdiïvka afin qu’ils puissent découvrir la réalité de la guerre, les attaques et pilonnages ainsi que leurs conséquences. Il faut se baser sur des faits et non pas sur la propagande russe qui est diffusée en Europe et financée avec l’argent du Gazprom.

Nous avons tous besoin d’une unité transatlantique dans la lutte en faveur de la paix pour les années à venir car Poutine n’a apparemment pas l’intention de mettre en œuvre les accords de Minsk, il projette de déstabiliser Kiev et il va continuer de provoquer et de tester le système de sécurité européen et mondial. Nous espérons vivement que la position de l’Allemagne et de la France sera inchangée après les élections en 2017. Ensemble avec les États-Unis, ils feront preuve de coopération effective afin d’obtenir des victoires réelles dans la confrontation avec l’agresseur qui s’attaque surtout à nos principes communs de primauté du droit et d’inviolabilité des frontières. Nous avons besoin d’un ensemble de mesures et les sanctions doivent être non seulement prolongées mais aussi renforcées.

Avant de nous appeler au dialogue politique et à l’implémentation de la loi sur les élections dans les territoires occupés, il faudrait organiser une réunion “format Normandie” à Donetsk ou Louhansk. Les hauts représentants pourront ainsi vérifier personnellement l’état de la sécurité civile dans la période pré-électorale. Aucune élection n’est possible tant que les attaques n’ont pas cessé là où règne l’arbitraire instauré par les troupes russes.

La solidarité et la fermeté des pays occidentaux dans la défense de leurs valeurs constituent le soutien dont l’Ukraine a le plus besoin pour survivre et gagner cette guerre qui se poursuit dans le Donbas. En ce moment même des villes et des militaires ukrainiens sont attaqués par les troupes russes vêtues d’uniformes sans insignes. Chaque jour des militaires ukrainiens meurent. Ces bombardements n’ont pas de retentissement dans les capitales européennes pour la simple raison que l’armée ukrainienne retient l’agresseur.

 

photo:300lives.org