Ou l’incompréhensible palinodie d’Hervé Morin et d’Hervé Maurey
1. Politique intérieure, une cible “décentrée”
Pour l’électeur peu informé, il peut être difficile de départager Alain Juppé et François Fillon, issus de la même famille politique. Dès lors, le choix entre eux deux pourra, parfois, se faire sur des postures ou des éléments subjectifs. La majorité des commentateurs s’accorde néanmoins à dire, que le programme d’Alain Juppé est celui qui se rapprocherait le plus du centre.
Le lecteur pourra donc se demander pourquoi le “Nouveau Centre” soutient François Fillon, le plus ancré à droite des deux candidats, au point de rallier, à l’extrême droite, les suffrages de Patrick Buisson, Jean-Frédéric Poisson, Jacques Bompard, Carl Lang, Aymeric Chauprade, du journal “Minute”, du blog “Fdesouche”, de l’association “Riposte Laïque” (à l’origine du qualificatif “Ali Juppé”). Pour ce qui est de la politique intérieure, le moins que l’on puisse donc reconnaître, est que le rapprochement de François Fillon et du “Centre” tient “du mariage de la carpe et du lapin”. Ce mariage contre-nature est souligné par la création du parti du “Nouveau Centre” lors du congrès de mai 2008 à Nîmes: « Nous avons créé le Nouveau Centre pour perpétuer l’existence d’un parti du centre au sein de la vie politique française et rassembler des femmes et des hommes attachés aux idées sociales, libérales et européennes, résolus à mettre en œuvre concrètement le message centriste. Ce parti constituera le pôle centriste de la majorité présidentielle nouvelle.”
Comment, en politique intérieure, expliquer le ralliement du “Nouveau Centre” au programme très droitier de François Fillon? Ce ralliement s’explique-t-il par des arrangements personnels? S’explique-t-il par de nouvelles promesses de maroquins ministériels? On se souvient, en effet, qu’Hervé Morin, le président du “Nouveau centre”, a été Ministre de la Défense des deux premiers gouvernements François Fillon (2007-2010) et que son parti y a obtenu trois autres ministères. Finalement, n’est-on pas au cœur d’arrangements politiciens où ce qui était annoncé au congrès de Nîmes, cité ci-dessus, à savoir les “convictions”, les “fidélités” et les “principes”, est de peu d’importance? Pour un observateur français, tout cela parait bien compliqué. Quant à l’observateur étranger, il s’y perd.
2. Politique extérieure, le coq a chanté trois fois
L’observateur étranger s’y perd d’autant plus qu’en termes de politique extérieure le “Nouveau Centre” se compromet dans un reniement encore plus inexplicable.
2.1. Désaccord sur la livraison des Mistral à la Russie de Poutine
Il est vrai qu’Hervé Morin a participé, en tant que ministre de la défense, à la conclusion du contrat Mistral, contre l’avis de son propre directeur de cabinet, le vice-amiral Païtard. Par la suite, voyant l’usage que la Russie de Poutine faisait, en Crimée et dans le Donbass, du droit international, garant de notre sécurité collective, il s’est très clairement opposé à la livraison de ces deux navires d’assaut comme le rapporte Le Monde du 01/09/2014 : « Est-ce que décemment la France, quel que soit le contrat qui a été signé avec la Russie, peut livrer une arme à un pays qui mène une action militaire ? Pour moi la réponse est claire. (…) Il serait incompréhensible que la France livre ce bâtiment. ».
De son côté, François Fillon s’est toujours montré partisan de cette livraison: “Il ne faut certainement pas annuler le contrat” (Europe 1, septembre 2014).
2.2. Désaccord sur la qualification de l’intervention russe en Ukraine
Hervé Morin, le 18 mars 2014, en parlant de la Crimée affirme: “Ce n’est pas dans un pays occupé que l’on décide de faire un référendum. Cela ne se fait pas en huit jours. Cela ne se fait pas dans ces conditions là. L’armée russe est dans les rues.” Il parle déjà de sanction contre la Russie.
Hervé Maurey est sénateur de l’Eure, il a été conseiller d’Hervé Morin lorsque ce dernier était Ministre de la Défense. Il est le président du groupe d’amitié France-Ukraine au Sénat et membre du comité exécutif du “Nouveau Centre”. Du 31 mai au 5 juin 2015, il mène une délégation parlementaire à Marioupol, Ukraine. Dans son communiqué du 09/06/2015, il écrit: « Bien évidemment les séparatistes sont soutenus et armés par la Russie » Il rappelle que des soldats russes ont été faits prisonniers par l’armée ukrainienne. Enfin, il ajoute: “Quelques soient nos liens d’amitié avec la Russie, nous ne pouvons accepter que ce pays ne respecte pas l’intégrité territoriale d’un de ses voisins ».
En mars 2014, comme le rapporte L’Obs, François Fillon disait: “[…] On ne peut pas désigner les Russes comme les seuls fauteurs de troubles, il y a aussi des erreurs qui ont été commises par le nouveau pouvoir de Kiev”… “Il faut parler avec les Russes […] La France depuis 18 mois n’a cessé de traiter la Russie d’une manière assez légère.” A ce titre, bien qu’il reste très discret sur le sujet et indique n’avoir eu de relations avec Vladimir Poutine que lorsqu’ils étaient l’un et l’autre Premiers Ministres, les relations entre les deux hommes sont bien plus intenses, fréquentes et proches que ce que François Fillon veut reconnaître. On en lira le catalogue édifiant rédigé par Benjamin Sportouch, publié dès le 29/01/2014 dans L’Express: “François Fillon et son ami Poutine”.
2.3. Désaccord sur les sanctions à l’égard de la Russie de Poutine
Le 28 avril 2016, l’Assemblée nationale se prononce pour une levée immédiate et sans condition des sanctions contre la Russie, concernant l’annexion de la Crimée et la guerre du Donbass. Hervé Morin choisi de ne pas être présent afin de ne pas avoir à s’exprimer sur le sujet, même en s’abstenant. En revanche, François Fillon vote en faveur de la résolution.
De son côté, Hervé Maurey a, plus tard, le courage de voter contre la résolution présentée au Sénat le 8 juillet 2016, pourtant bien plus mesurée que celle de l’Assemblée Nationale.
Le programme électoral de François Fillon prévoit la levée des sanctions. Aujourd’hui Hervé Morin et Hervé Maurey soutiennent François Fillon. Ils s’alignent sur sa politique pro-Poutine. Les ambitions politiques ont eu raison des principes et du droit international. Sur sa page Facebook, ce vendredi 25 novembre 2016, Hervé Maurey poste: “Nous sommes 10000 à attendre l’arrivée de François Fillon” (à la fin du grand meeting national Porte de Versailles)
Bernard Grua pour l’Ukraine Crisis Média Center
