L’Ukraine participe au concours européen de chant de l’Eurovision depuis 14 ans seulement. Cependant, durant ces 14 ans, le pays a remporté deux victoires qui ont provoqué plusieurs scandales politiques avec son voisin, la Russie. Voici un bref retour en arrière sur les prestations des artistes ukrainiens au concours de chant le plus populaire d’Europe
2003. Le grand début
Pour la première fois, le drapeau ukrainien a été hissé devant la scène de l’Eurovision en 2003 à Riga en Lettonie. C’est Olexandre Ponomaryov, artiste très en vogue à l’époque, qui avait été sélectionné pour faire entrer l’Ukraine dans la grande famille de l’Eurovision. Le grand blond avec une voix puissante, Ponomaryov, avait choisi de chanter en anglais «Hasta la vista». Cette chanson dansante était un peu trop fade pour la voix de Ponomaryov, peu marquante et convenait plutôt à une boite de nuit de station balnéaire qu’à un concours européen de musique. Résultat : Olexandre Ponomaryov a réussi à parvenir en finale, mais n’a terminé qu’à la 14e place.
Depuis, le chanteur continue sa carrière, mais perd de plus en plus de sa célébrité. Son dernier album est sorti en 2007. Il a animé une émission télé «Smatchnakrayna », (Le pays de tous les délices), a tourné dans une comédie musicale «Les Soirées du hameau près de Dikanka» et a fini par devenir entraineur dans une émission «Voix » à l’ukrainienne. Avant sa participation à l’Eurovision, Ponomaryov avait soutenu Leonid Koutchma, président ukrainien de l’époque, et participé à sa campagne électorale.
2004 Le succès fracassant
Si l’Ukraine a démarré sa participation à l’Eurovision avec un résultat plutôt médiocre, sa deuxième participation a vraiment marqué l’histoire du concours. En 2004, à Istanbul, capitale de la Turquie, l’Ukraine a été représentée par une chanteuse Rouslana Lijitchko, dite Ruslana. Ruslana a commencé sa carrière en 1998 et obtenu son premier succès avec la chanson Svitanok (Lever de soleil) et l’album Myt’ Vesny (Un moment de printemps). Elle est devenue très populaire grâce à sa musique populaire, inspirée notamment par celle des Houtsouls, habitants des Carpates qui ont gardé beaucoup de leurs traditions ukrainiennes.
Lors de l’Eurovision 2005, Ruslana présente sa chanson “Dyki Tantsy” (Wild Dances), habillée de peau d’ours comme ses danseurs. Elle interprète cette chanson en anglais et en ukrainien. Sa prestation est éclatante, inattendue, originale et très spectaculaire. Le jury et les spectateurs sont impressionnés et Ruslana gagne l’Eurovision 2004 brillamment avec 280 points.
Mais, depuis sa victoire à l’Eurovision, Ruslana s’est engagée en politique. En 2004, elle soutient la Révolution orange, devient députée du Parlement ukrainien en 2006 dans le groupe Notre Ukraine – Autodéfense populaire. En 2013-2014, Ruslana est encore très active lors de l’Euromaidan. Elle ne sortira que deux albums : «Amazonka » en 2008 et «EY-fori-Ja » en 2012.
2005. La chute
La victoire de Ruslana a permis d’accueillir l’Eurovision 2005 en Ukraine. Mais l’hiver 2004, l’Ukraine a été fragilisée par des troubles politiques qui ont conduit à la Révolution Orange; une série de manifestations politiques ont eu lieu suite à la proclamation, le 21 novembre 2004, des résultats du deuxième tour de l’élection présidentielle que de nombreux Ukrainiens ont perçu comme falsifiés par le gouvernement de Viktor Ianoukovytch. Ces manifestations ont été soutenues par de nombreux artistes, y compris un jeune groupe de musique «Gryndzholy » qui a composé une chanson «Razom nas bagato » (Ensemble, nous sommes nombreux). Cette chanson dans le style rap est devenue en quelque sorte l’hymne de la Révolution Orange.
Alors, les Ukrainiens ont eu l’idée de se faire représenter à l’Eurovision par «Gryndzholy».Cette idée s’est avérée bien mauvaise et la chanson au style répétitif n’a absolument pas impressionné le public européen. La prestation de «Gryndzholy » fut un échec retentissant et l’Ukraine a obtenu le plus mauvais résultat de toutes ses prestations ukrainiennes: 19e sur 24.
Désormais, seul Roman Kaline poursuit une carrière de chanteur.
2006. Un méli-mélo réussi
Lors de l’Eurovision 2006 à Athènes, en Grèce, les organisateurs ukrainiens ont décidé de s’éloigner de la politique et de miser sur une jolie blonde, Tina Karol. Tina Karol est sûrement une chanteuse de talent qui aurait eu ses chances, mais avec une autre prestation et une autre chanson. Tina est entrée sur scène dans une tenue qui ressemblait étrangement à une tenue d’infirmière, achetée dans une boutique pour adultes, entourée de filles et de garçons déguisés en pères et mères Noël et Cosaques et elle a chanté «Show me your life » en anglais avec un mauvais accent, accompagnée d’un tambourin. La musique rappelait des tchastouchkas russes et des chansons populaires ukrainiennes à la fois, le tout assaisonné de sons de l’accordeon.
Malgré toute cette disparité, Tina Karol a réussi à plaire au public et s’est classée à la 7e place. Plus tard, elle a avoué regretter sa participation à l’Eurovision : «Cela m’a coûté cher et n’a rien donné».
Depuis l’Eurovision 2006, Tina ne cesse de travailler : elle a sorti 9 albums à succès, soutient des actions caritatives (elle a fondé une association d’aide aux enfants malades), fait partie du jury de l’émission «Voix du pays », participe à des concerts pour les soldats ukrainiens dans l’est du pays. Elle est décorée du titre «Artiste populaire de l’Ukraine ».
2007. La folie en paillettes
En 2007, Helsinki en Finlande accueille l’Eurovision et la candidate ukrainienne Verka Serdutchka, ou peut-être, il faudrait-il dire, un candidat. Car Verka Serdutchka n’est autre qu’un personnage imaginaire, inventé par un artiste ukrainien Andriy Danyllko. Ce garçon à l’imagination débordante se déguise en femme un peu caricaturale, habillé de manière ridicule, délibérément insipide pour chanter des chansons drôles. Verka Serdutchka devient rapidement très populaire non seulement en Ukraine, mais aussi en Russie et au Bélarus.
Verka Serdutchka fait son entrée sur la scène de l’Eurovision habillé (e)d’un imperméable argenté et d’un chapeau décoré d’une étoile, accompagné (e) de ses artistes aux vêtements également chargés de clinquant. Pour parfaire le portrait de la candidate, elle chante en anglais «Dancing Lasha Tumbai», avec peu de mots compréhensibles. Cette folie manifeste impressionne des Européens et Verka/Andriy est classée 2e.
En revanche, la prestation de l’artiste ukrainien a provoqué des tensions avec la Russie. Des spectateurs russes ont imaginé que derrière les mots « Lasha Tumbai », AndriyDanylko avait tenté de dissimuler l’expression « RussiaGoodbay ». Danylko a démenti à plusieurs reprises ces rumeurs, mais sa carrière en Russie a été discréditée. Par ailleurs, il affirme qu’en langue mongole « Lasha Tumbai » signifie «Crème chantilly ».
Après l’Eurovision, Andriy Danylko n’a sorti que deux albums, cependant, il a beaucoup tourné dans des films et reste toujours l’un des artistes ukrainiens les plus appréciés et certainement l’artiste le plus original.
2008. Shady Lady devenue une bête noire
En 2008, c’est Ani Lorak qui représente l’Ukraine à l’Eurovision à Belgrade en Serbie. Cette chanteuse ukrainienne est bien connue dans tout l’espace post-soviétique par sa voix mélodieuse, sa beauté et ses chansons remarquables. Ani donne des concerts dans tous les pays de l’ancienne URSS, mais elle a un faible bien prononcé pour la Russie ou elle gagne beaucoup d’argent. Ses camarades russes lui composent une chanson pour l’Eurovision “Shady Lady” et lui organisent tout le voyage. La plastique gracieuse, la robe très décolletée et le physique d’Ani conviennent et elle gagne facilement la 2e place à Belgrade.
Après l’annexion de la Crimée et le début de l’agression russe dans le Donbass, Ani Lorak prend une posture pro-russe. Les fans russes de la chanteuse sont plutôt ravis, mais en Ukraine, sa carrière est en chute libre. Ses concerts ont été plusieurs fois sabotés par des activistes et des militants. Il faut préciser que Ani Lorak n’est pas attristée par cette situation et, de toute évidence, elle se sent très bien en Russie.
2009. Du déjà vu
En 2009, l’Eurovision déménage à Moscou en Russie. Alors, Svitlana Loboda, candidate ukrainienne ne doit pas se déplacer bien loin, d’autant plus, qu’elle passe la plupart de son temps en Russie, comme Ani Lorak. Et comme Ani Lorak, lors de sa prestation, elle mise sur une robe très décolletée et une chanson enflammée pour tenter de bien se qualifier. Malheureusement, le niveau est faible : la chanson “Be My Valentine! (Anti-Crisis Girl)” était inintéressante, la voix loin d’être extraordinaire et Loboda, habillée en robe rouge et bottes pailletées est bien plus vulgaire que sexy. Le résultat est logiquement médiocre : 12e place.
Après le début de l’agression russe à l’est de l’Ukraine, Loboda a aussi décidé de se ranger du côté de la Russie où elle apparait régulièrement sur la Première chaîne russe; elle est bien connue pour sa puissante propagande anti-ukrainienne.