La nécessité d’un changement institutionnel en Ukraine est la principale exigence du Maidan, par Vira Nanivska, présidente du Centre ukrainien des perspectives politiques
Aujourd’hui, en Ukraine, la capacité du gouvernement à travailler avec les composantes de la société civile est dépassée par le développement de cette dernière. Euromaidan, à Kiev, est devenu une limite au-delà de laquelle la croissance de la liberté provoque la crise du pouvoir, elle-même liée à l’incapacité à fonctionner efficacement.
La bureaucratie actuelle n’est pas adaptée à une vision politique et aux groupes d’intérêts, qui engendrent une vie politique de partis. En outre, aujourd’hui, nous subissons les conséquences des tentatives de gestion économique directives et planifiées du passé. Donc, sans la création d’une entité bureaucratique capable de travailler avec les politiques et les groupes d’intérêts, aucun gouvernement ne tiendra ces promesses et sera remplacé.
Une mobilisation importante des citoyens et de leurs groupements se fait jour. Par inertie, tout le monde continue à soutenir les entreprises la société civile par des efforts et de l’argent privés. Aussi, le déséquilibre pour le pays s’accroît. Par conséquence, il faudra soit faire revenir la société au niveau des capacités du gouvernement, soit développer rapidement les capacités nécessaires du gouvernement. Sinon, nous aurons une crise politique et économique permanente.
Le phénomène Maidan a démontré la volonté des gens d’avoir une nouvelle Ukraine, renforcée par la détermination avec laquelle les citoyens ont défendu leurs droits pour l’avenir. Ce fut un tournant de notre histoire. Mais cela n’était que la première étape d’un long processus. Le Maidan a libéré les citoyens. Une forte concurrence politique et une mobilisation des citoyens à faire valoir leurs droits sont, désormais, réelles.
La mission du nouveau président est d’intégrer ces conquêtes dans la législation afin de créer des institutions publiques démocratiques qui ne permettront plus de revenir en arrière et d’abolir à nouveau justement la démocratie en Ukraine.
Le système politique, dont nous avons hérité, était destiné à un mode de gouvernement sans opposition réelle et il ne peut pas fonctionner dans des situations de concurrence politique et de défense des droits et des intérêts par la société.
Nos défis sont liés à la liberté et ils s’insèrent dans les crises d’un monde globalisé et de notre jeune État.
La mondialisation pose autrement la question du développement et des valeurs, quant au processus de démocratisation en Ukraine, il nécessite de profonds changements dans la perception du monde, l’éducation, l’économie, la politique et la gouvernance.
L’amplitude de ces changements n’est pas moins grande que ceux durant la transition entre le Moyen Age et la Renaissance, elle a les mêmes impacts sur tous les aspects de la vie publique. C’est la transition d’une société industrielle vers une société de la connaissance.
L’Ukraine sera également le premier pays du monde à effectuer une transition exceptionnelle d’une société totalitaire vers une société démocratique. Les pays Baltes et les pays d’Europe Centrale n’ont pas eu le temps de devenir complètement totalitaires et leur transition vers la démocratie était bien plus facile.
Il n’est pas possible d’effectuer une transition douce d’une ancienne république soviétique à un pays indépendant dans le monde globalisé. Mais c’est que nous essayons de faire. En Ukraine, les forces politiques précédentes essayaient de mener une existence paisible entre l’Europe, la Russie, les Etats-Unis et la Chine. Mais cette existence exigeait de préserver un système non réformé de la gestion d’Etat, un du système de l’éducation au contenu soviétique, une production à vocation industrielle, une vision provinciale des processus mondiaux ou plutôt le refus de la considérer autrement. A cela s’ajoute le vol de tout le business indépendant. La nouvelle force politique doit créer, à partir de rien, une nouvelle matrice démocratique étatique qui sera en mesure de lui fournir des armes intellectuelles pour développer et défendre son processus politique.
La liberté de la presse, le pluralisme, la liberté de choisir ses représentants sereinement, la liberté de ne pas avoir peur des autorités, toutes ces conquêtes absolues de la révolution ont mis le nouveau gouvernement dans une situation extrêmement difficile. Car le système politique n’était pas prêt à fonctionner dans de telles conditions, bien au contraire, il était créé et formé pour le contraire.
La liberté de l’esprit humain ouvre des possibilités illimitées pour l’Ukraine. Fixer les acquis de la révolution dans les institutions civiles est la priorité pour le nouveau gouvernement en Ukraine.