Le rapport mensuel de plusieurs ONG ukrainiennes, «Nouvelles de Crimée», a été présenté le 10 juillet lors d’une conférence de presse à l’UCMC.
Au cours du moins de juin, le Centre des libertés civiles a enregistré de nombreuses violations des droits de l’homme en Crimée. 9 audiences juridiques, 10 arrestations, 3 avertissements adressés à des civils par les organes répressifs de la République autoproclamée de Crimée y ont été recensés. 6 activistes ayant pris part à des rassemblements pro-ukrainiens sont visés par des poursuites pénales. Ils sont accusés de violences envers les forces de l’ordre. Aussi, il a aussi été fait mention de 7 interrogatoires et de probables descentes et fouilles chez des civils suspectés d’activisme auraient été menées. Le cas le plus inattendu durant a été celui de 5 supporters de football qui ont quitté la Crimée un an. Ils ont depuis été traduits en justice par le gouvernement autoproclamé et condamnés in absentia à 15 ans d’emprisonnement fermes sur motifs d’«appartenance à des groupes criminels».
Plusieurs rassemblements ont été annulés par les autorités de Crimée. Le 18 mai 2014, date de la commémoration à la mémoire des victimes de la déportation tatare, les citoyens de Crimée ont tenté d’organiser un rassemblement pacifique, mais le gouvernement n’a pas donné son accord. En 2015, le gouvernement a autorisé la manifestation. Peu après celle-ci, deux des organisateurs ont été arrêtés et condamnés à une amende de 1000 roubles pour «organisation illégale de manifestation» et «agitation médiatique».
Les observateurs ont également noté une dégradation de la liberté de la presse. Une enquête criminelle est en cours contre un jeune homme de 17 ans, accusé d’«agitation médiatique» et d’ «appels à la haine via les réseaux sociaux». Par ailleurs, la chaine de télévision ATR, seule chaine tatare à l’antenne depuis Kiev, a été supprimée. Elle n’a pas été validée par la loi russe, car considérée comme diffusant des émissions «anti russes». Peu de temps après, le ministre des affaires internes et de l’information de Crimée a publié plusieurs recommandations adressées à diverses structures non gouvernementales en les enjoignant de ne pas laisser les journalistes d’ATR filmer chez eux, pour ne pas leur permettre d’avoir d’images provenant de Crimée à diffuser en Ukraine.
Alexandre Kostenko, activiste Euromaidan, a été arrêté en Crimée début 2015. Il a été inculpé le 18 février 2015 pour «participation à des émeutes menaçant l’ordre public» et «actions portant atteinte à la sécurité des citoyens». Kotsenko est accusé d’avoir lancé une pierre à un policier et donc d’avoir porté atteinte aux représentants des forces de l’ordre. Des faits commis sur la place Maidan, à Kiev, en février dernier. C’est la première fois qu’un homme va être jugé selon la loi russe pour un fait commis en territoire ukrainien.
En 2014, quatre activistes ukrainiens, Alexandre Kolchenko, Oleg Sentsov, Alexeï Cherniy et Gennady Afanasyev, membres de «l’affaire de Crimée», ont tous été incriminés dans l’incendie criminel d’un immeuble appartenant au parti politique russe «Russie Unie», parti de Vladimir Poutine. Les audiences préliminaires des dossiers de Kolchenko et de Sentsov ont été ouvertes à huis clos le 9 juillet. Les deux hommes risquent jusqu’à 20 ans d’emprisonnement chacun, pour «actes terroristes» et «organisation» de ceux-ci. Durant toute la procédure judiciaire, Sentsov et Kolchenko ont été emprisonnés alors même que ces «actes terroristes» n’ont fait aucun témoin, à l’inverse de ceux de Cherniy et Afanasyev. De nouvelles audiences seront tenues publiquement le 21 juillet, alors même que la cour de Rostov a d’ores et déjà décidé de les garder en détention jusqu’au 16 décembre.
L’interview d’un homme détenu dans ce même bâtiment, menée par l’un des journalistes du Centre des libertés civiques, a montré qu’étaient détenus dans cet immeuble, et ce depuis le début de la guerre, les activistes ukrainiens. Selon les dires de cet homme, il s’agirait de l’endroit que les «Petits hommes verts», surnom donné aux «soldats» sans insigne déployés par la Russie en Crimée au moment de l’annexion, ont choisi pour emprisonner les activistes. Trois autres témoignages à ce sujet ont été collectés, alourdissant les soupçons sur cette «place d’armes» des forces spéciales de Crimée et des «petits hommes verts» pour torturer les activistes et les opposants.
Le procureur général de la république autoproclamée de Crimée, Natalia Poklonskaya, a laissé entendre qu’une liste contenant tous les noms et adresses des défenseurs des droits de l’homme et des activistes ukrainiens avait été dressée. Pour le moment, seulement 40 noms ont été dévoilés. La majorité de ceux-ci se trouvent actuellement en Ukraine, mais quelques uns sont encore présents en Crimée et sont donc passibles de poursuites.
Le rapport montre aussi que le gouvernement autoproclamé de Crimée a depuis peu légalisé les groupes de défense paramilitaire jusqu’alors «illégaux». Les autorités autorisent donc désormais d’anciens hors-la-loi à placer les habitants en détention et à perquisitionner leurs domiciles sans mandat. Ainsi, la grande part de la population qui se bat pour ses droits n’a plus aucun moyen de défense face à ces hommes. De facto, tous les articles de la Convention européenne des droits de l’homme ont été violés sans exception. Pour tenter de s’assurer que la population n’est ni oppressée, ni malmenée, et que ses droits fondamentaux ne sont pas niés, l’Ukraine en appelle désormais aux missions internationales en Crimée.
Les contrôles des ukrainiens en Crimée ne cessent de se renforcer. Au cours des dernières semaines, un groupe de grimpeurs, parti faire de l’escalade en Crimée, a été arrêté et contrôlé par des civils. La police leur a par la suite expliqué que les citoyens de Crimée sont désormais autorisés à contrôler eux-mêmes toute personne qu’ils suspectent ou accusent d’activisme. Ici, c’est un tatouage représentant le Tryzub –symbole ukrainien, qui aurait éveillé les soupçons de citoyens lambda. Un nouveau décret a été voté pour réguler le droit de franchir la frontière. Désormais, les citoyens ukrainiens, s’ils ont et un passeport interne et un passeport externe, peuvent se rendre en Crimée sans autorisation officielle. Mais pour les étrangers, le contrôle s’est renforcé. Il ne leur est autorisé de franchir la frontière que s’ils ont de la famille ou des biens établis en Crimée, ou si ce voyage s’inscrit dans une optique de sécurité nationale pour l’Ukraine. La dernière façon pour les étrangers de pénétrer en Crimée depuis le territoire ukrainien est de faire partie d’un convoi ou d’une mission diplomatique. Ce décret ne donne pas les bases légales pour l’envoi en Crimée des défenseurs internationaux des droits de l’homme russes et biélorusses, ni même pour les avocats. Si ceux-ci reçoivent une permission du ministre de l’Intérieur ukrainien, ils seront automatiquement considérés comme hors-la-loi.