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Le discours de Nadia Savtcenko , prononcé lors de la phase finale de la procédure devant le tribunal de la ville de Donetsk de la région de Rostov de la Fédération de Russie

L’article originale en russe est publié sur NewsLiga.net

Je vais parler en russe pour ne pas dépenser du temps pour le service d’un traducteur. Le temps et, si j’ai bien compris, mon argent aussi. Même si les droits de l’Homme exigent que ces services soient gratuits. Tout d’abord, je vais m’excuser devant les personnes ici présentes pour mon comportement émotionnel. À vrai dire, il est très difficile d’écouter les mêmes mensonges pendant six mois et, ensuite, de les réécouter encore pendant toute la journée. Donc, j’ai eu du mal à réagir autrement au discours du procureur.

En ce qui concerne les débats. Depuis six mois que ces longues et fastidieuses audiences durent, nous avons appris qu’il y a bien une culpabilité qui a été prouvée dans ce processus. Une culpabilité des journalistes.  Des journalistes russes. Ils sont coupables de mensonges, de déformation de l’information concernant les événements en Ukraine, dans le monde et en Russie aussi. Nous avons pu voir un journaliste qui parlait de femmes enceintes fusillées, qui racontait des légendes. Ils sont aussi coupables d’avoir négligé les consignes de sécurité. S’ils avaient porté des gilets pare-balles et des casques de protection, ils seraient restés en vie. S’ils ne s’étaient pas mêlés de ce qui ne les concernait pas, ils seraient restés en vie.

La culpabilité des chaînes russes a aussi été prouvée ici. Les chaînes et leurs propriétaires sont coupables d’avoir envoyé leurs employés à la mort pour une jolie image toute en couleur, pour une fausse information.  Sans préparation, sans défense. Cela augmentait leur rentabilité. Ils s’en foutaient de leurs journalistes. Ce sont les personnes les plus coupables dans la mort de Volochyn et Korneluk. Ce sont leurs chefs.

Nous avons vu une vidéo où une présentatrice disait que les médias ukrainiens avaient menti, que les journalistes Volochyn et Korneluk avaient porté des casques et des gilets pare-balles. Mais, même dans cette salle d’audience, il a été prouvé qu’ils ne portaient pas de casques ni de gilets. Les chaînes russes mentent.

La culpabilité des séparatistes et des militaires russes a été aussi prouvé. Ils sont coupables de tuer le peuple ukrainien sur la terre ukrainienne. Ils sont coupables d’occupation des terres ukrainiennes.  Et les «habitants pacifiques du Donbass» et les séparatistes ont beau hurler ici que les Forces Armées d’Ukraine les assassinent, nous avons vu un tas de preuves, même sur la vidéo d’Egor Roussky qui est, d’ailleurs, un citoyen russe, que c’étaient bel et bien les séparatistes qui tuaient et achevaient les militaires ukrainiens.

La culpabilité du Service de Sécurité russe et du Comité d’enquête de la Fédération de Russie. Ils sont coupables de kidnapping. Ils sont coupables de tortures. Les accusés du groupe d’Oleg Sentsov, tout comme Karpuk et Klych, ont été torturés.  Ces services et comités sont coupables de kidnapper, voler des personnes et, ensuite, de fabriquer des affaires contre elles, de les diffamer et les condamner.  Ils déforment des expertises. Les preuves accablantes de leurs activités sont les 40 volumes de mon affaire fabriquée et complètement délirante.

La culpabilité des procureurs et juges russes a aussi été prouvée. Depuis deux ans que je reste ici, je me suis assurée que ces personnages n’ont ni honneur, ni conscience, ni respect pour les lois. Ils s’en fichent complètement du droit international, des droits de l’Homme. Ils ne font qu’obéir au commandement du Kremlin.

La culpabilité des autorités russes a aussi été prouvée dans ce tribunal. Ils sont coupables d’occupation des terres ukrainiennes, d’annexion de la Crimée, du déclenchement de guerre dans le Donbass. Ils sont coupables de vouloir essayer d’établir un régime totalitaire dirigé par la Russie dans le monde entier en utilisant les guerres lâches et non-déclarées. Ils s’en mêlent partout  et font du génocide. Nous les avons vus faire en Tchétchénie et en Abkhazie. Maintenant, nous les voyons faire en Ukraine, Daguestan, Syrie.  Partout la politique et les intérêts de l’État russe dominent les vies humaines.

La seule chose que ce tribunal n’a pas réussi à prouver est ma culpabilité. Je suis un officier des Forces Armées d’Ukraine. J’avais pleinement le droit de défendre mon pays. J’accomplissais mon devoir. Vous ne jugez pas vos anciens combattants de la Seconde guerre mondiale. Vous ne jugez jamais les vôtres. Mais combien de gens ont-ils tué en défendant leur pays? Vous n’avez aucun droit de me juger.

Je ne sais pas combien de temps encore ce spectacle va durer, mais je vous le dis tout de suite, s’il se reproduit la même situation que lorsque les procureurs avaient demandé un délai de trois semaines pour leurs débats, je mets tout de suite en place mes mécanismes de défense. Si le tribunal prend plus de deux semaines pour rendre un verdict qui a déjà été prononcé en haut, je commence une grève de la faim sèche à partir de demain et vous allez prononcer mon verdict sans moi, à titre posthume.

Je ne veux pas attendre d’échange. Si vous voulez régler cette affaire au niveau politique et échanger vos deux militaires coupables contre une seule personne non-coupable, alors c’est bien trop. Il fallait échanger Sentsov et Koltchenko contre ces deux personnes. Je ne suis pas une monnaie d’échange, je suis une personne innocente, ma culpabilité n’est pas prouvée et ne peut être prouvée. Alors, je n’attends aucun échange, aucune transaction, je ne veux plus perdre du temps avec cela.

Et le plus important. Condamnez-moi pour autant d’années de prison, autant que vos procureurs vous le demandent. Pas un jour de plus, pas un jour de moins. Vous avez déjà prouvé que vous n’êtes bons à rien. Vous avez déjà prouvé que toute la Russie peut se couvrir de honte à cause d’une seule personne. Vous ne m’avez pas cassée et vous ne me casserez jamais. Alors, finissons-en au plus vite, je ne vais plus attendre. Vous ne m’avez pas donné la vie,  vous n’êtes pas les maîtres de mon destin et vous n’en déciderez pas. Si vous mettez plus de deux semaines pour prononcer le verdict, je ne l’attendrai pas. C’est tout ce que j’ai à dire.