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« Il est très important de connaître toute la vérité sur les événements du 2 mai à Odessa

Zoia Kazanjy est une journaliste et écrivaine ukrainienne originaire d’Odessa, une des leaders du Maїdan d’Odessa. Actuellement, elle est conseillère en communication auprès du Conseil des Ministres d’Ukraine. Après les événements tragiques du 2 mai 2014, Zoia Kazanjy a été adjointe du gouverneur de la région d’Odessa Igor Palytsya avec lequel elle a créé une Commission, le «Groupe du 2 mai», et elle a participé activement à l’enquête sur la tragédie.

Récemment, Zoia a assisté à une conférence à Genève à l’ONU, consacrée aux événements d’Odessa. Cet événement a provoqué de vrais débats en Ukraine, car l’orateur principal de la conférence était Xavier Moreau, auteur du livre «L’Ukraine. Pourquoi la France s’est trompée», et l’Ukraine était représentée par deux femmes originaires d’Odessa, dont une a perdu son fils le 2 mai 2014.

L’événement était organisé par l’Agence pour les Droits de l’homme, très peu connue parmi les défenseurs des Droits de l’homme, une ONG créée en 2011 qui a eu un statut consultatif auprès de l’ONU en 2015.

L’UCMC a interrogé Zoia sur ses impressions concernant cette conférence

La semaine dernière vous étiez à Genève à la conférence consacrée à la tragédie d’Odessa. Comment avez-vous été informée de cette conférence et pour quelles raisons avez- vous décidé d’y participer ?

Cette conférence sur «les événements en Ukraine, y compris les événements ayant eu lieu à Odessa le 2 mai 2014», organisée soi-disant par l’ONU était prévue à Genève pour le 21 mars. Nous savons très bien comment la tragédie d’Odessa est utilisée et nous essayons de suivre toutes les actions la concernant et d’y participer. Avant cette conférence, nous avons assisté à deux reprises aux conférences de Bruxelles, organisées par Tetyana Jdanyk, une députée, tristement célèbre, de Lettonie auprès du Parlement européen. Il est important pour nous de ne pas laisser s’imposer des mensonges odieux sur notre pays et notre ville, d’apporter une information indispensablelà où on essaye de nous présenter comme des êtres sauvages. Il faut souligner que les diasporas ukrainiennes en Europe sont très actives. Elles nous ont aidésaussi en Suisse, des Ukrainiens étant venus à cette conférence, et donc nous avons pu défendre notre position de manière très efficace.

Je veux souligner que, au vu des discours tenus lors de cette «conférence », elle a été organisée par les mêmes personnes que les conférences précédentes, financées par la fédération de Russie. Les discours des participants sont semblables à ceux tenus par les orateurs du Kremlin. Donc compte tenu de tout ce que nous avons entendu lors de cette conférence, elle a été organisée, réalisée et utilisée par des personnes ayant une relation directe avec la Fédération de Russie, travaillant pour le Kremlin et nourris de sa main.

Et j’attire aussi votre attention sur le fait que «la conférence de l’ONU» à Genève a eu lieu dans le bâtiment du Palais des Nations, mais l’ONU n’avait rien avoir avec son organisation et sa réalisation. L’annonce qui en a été faite en est la preuve :

Avez-vous eu des difficultés pour assister à la conférence. Si oui, lesquelles?  A votre avis quelles étaient les raisons de ces difficultés?

Je n’emploierais pas le mot difficultés, plutôt des obstacles. Et nous les attendions. À titre d’exemple, les organisateurs ont déclaré qu’il fallait s’enregistrer pour pouvoir assister à la conférence et ont indiqué l’adresse électronique qu’il fallait utiliser : «Inscription obligatoire: Pour les personnes nonaccréditées ou pour plus dinformations contacter ReservationUkraine@hotmail.com». Tout d’abord, est-ce que vous avez déjà vu une organisation internationale importante utiliser un courriel hotmail.com? Ensuite, quand j’ai demandé de m’enregistrer ainsi que Vladyslav Serduk, membre du groupe civique du 2 mai, j’ai reçu la réponse suivante : «En réponse à votre demande, nous vous informons que la conférence est ouverte à tous. Nous ne facilitons l’accès au Palais des Nations qu’aux personnes privées. Nous invitons les représentants des gouvernements de bien vouloir s’adresser à leur représentation diplomatique pour l’entrée au Palais des Nations». Cela signifiait qu’il nous fallait une lettre officielle de la part de notre gouvernement pour pouvoir assister à cette «conférence».  Mais ce n’était pas le gouvernement ukrainien qui nous envoyait à cet événement. Je ne suis pas une fonctionnaire. Probablement, les organisateurs avaient une autre information me concernant.

Nous avons dû relancer trois fois avant d’obtenir la réponse suivante : «En raison dune risque daffluence particulier et du grand nombre de participants,nous vous conseillons vivement darriver au moins 1h à lavance pour le sformalités dobtention du badge dentrée dans le Palais des Nations.Grand merci et au plaisir de vous accueillir cet après-midi ».  Donc, ils nous ont proposé de venir une heure à l’avance, car ils attendaient «un grand nombre de participants». Bien entendu, il n’y a pas eu un «grand nombre de participants », donc il n’y avait aucune raison de venir une heure à l’avance. Je suppose qu’il s’agissait de petites brimades pour nous énerver.

Comment cet événement a-t-il été organisé ? Quels étaient les points principaux du discours de Xavier Moreau ?

J’ai remarqué qu’il y avait beaucoup de personnes âgées de 65 ans et plus qui assistaient à cet événement. Ceux qui ont pris la parole, disaient qu’ils venaient de France, de Hongrie et de Pologne. Je ne pourrais pas affirmer que ce sont des gens qui n’ont rien d’autre à faire que de «lutter contre le fascisme en Ukraine », mais cela en avait tout l’air. Xavier Moreau était l’orateur principal. C’est un homme d’affaires français qui vit à Moscou depuis 15 ans. Il a,entre autre,profité de la conférence pour présenter son livre «Ukraine. Pourquoi la France s’est trompée » (Editions du Rocher) et a vivement conseillé à tout le monde de l’acheter «pour  seulement 20 francs».

Donc, de quoi s’agissait-il? Un air bien connu sur «les fascistes qui sont arrivés au pouvoir et Maїdan qui est la cause de la guerre civile et les Américains qui ont tout financé : Victoria Nuland a apporté en Ukraine 5 milliards de dollars».

Il y a eu aussi des nouveautés. Il faut dire que le présentateur a accordé la parole à Vladyslav et ensuite  à moi, mais il l’a fait 1heure 40 minutes après le début de la conférence et nous a prévenus que nous ne disposions que de 2 minutes au total et que nous ne pouvions que poser des questions.

Nous avons su poser les bonnes questions et démentir les mensonges. Je peux vous donner quelques exemples de mensonges, mais je ne pourrais pas tout citer, car il y en a eu trop :

«Ce sont des nazis qui sont arrivés au pouvoir en Ukraine. À titre d’exemple, VolodymyrParasiuk, commandant du bataillon «Azov » a été élu député du Parlement ukrainien» ( VolodymyrParasiuk n’a jamais fait partie du régiment Azov).

«Tous les Ukrainiens ne veulent pas du nazisme. Andriy Biletsky «nazi connu » n’a pas été élu au Parlement, même s’il s’est présenté». (leur mensonge : AndriyBiletsky est un député du Parlement ukrainien).

«Dans le gouvernement ukrainien, il y a 4 représentants du parti fasciste Svoboda» ( il n’y a pas un seul représentant du parti politique Svoboda au gouvernement).

«Sur le site du parti fasciste Svoboda on peut trouver le livre «Mein Kampf » d’Hitler, pour eux c’est un livre de chevet et une icône». (Bien entendu, il n’y aucun livre d’Hitler sur le site de Svoboda).

Et pendant une heure et demie, on a entendu ce genre de choses.

Quel est le rôle de deux habitants d’Odessa, Olena Radzychovska et Viktoria Matchoulko?

Elles sont intervenues lors de la deuxième partie de la conférence, pas moins catastrophique que la première. OlenaRadzychovska est professeur à l’Université nationale d’Odessa et Viktoria Matchoulko, présidente de l’organisation des mères dont les enfants sont morts le 2 mai. Olena Radzychovska a perdu son fils lors des événements du 2 mai, le fils de Matchoulko a été arrêté après ces événements, mais ensuite il s’est retrouvé à Odessa, on ne sait pas pourquoi. Le Groupe du 2 mai (les activistes civils qui mènent une enquête sur les événements tragiques d’Odessa) ont appris que cet homme est un membre actif de l’organisation «Cosaques orthodoxes ». Les habitants d’Odessa savent que ces «cosaques» attendaient et appelaient de leurs vœux à Odessa le «printemps russe», ils ont participé à tous les événements et on a trouvé des armes dans leur camp d’entraînement.

Ces femmes-là montraient des photos et parlaient du «fascisme à Odessa».

Les détails de la tragédie survenue le 2 mai 2014 nous sont familiers, donc il était facile pour nous de démentir tous ces mensonges.

Mais il y a une chose qui m’a frappée. Il est prouvé que la première victime de cette journée tragique était Igor Ivanov, juriste, assistant de juge et activiste pro-ukrainien. Il a été tué par balle. La deuxième personne qui a aussi été tuée par balle était un activiste du Maїdan Andriy Birukov. Ces personnes qui marchaient dans une colonne pacifique pour assister à un match de foot ont été assassinées en plein centre-ville par des partisans pro-russes.

Le coup de feu en retour n’a éclaté qu’une heure plus tard. Cela veut dire que les activistes du Maїdan n’avaient pas d’armes, et c’est plus tard qu’Odessa s’est soulevée pour chasser le «printemps russe».

Vladyslav Serduk a demandé si elles pouvaient dire dans quelles circonstances les événements d’Odessa avaient commencé? Matchoulko a répondu : «Vous parlez de la mort d’Ivanov? Nous avons une vidéo d’Ivanov encore en vie, alors que notre activiste Losynsky est déjà mort».

C’est un mensonge absolu et odieux!

Matchoulko a aussi montré des panneaux avec une légende «Corps inconnu. 02.05.2014 » et elle affirmait que c’était des victimes non-identifiées du 2 mai. Dans l’espace médiatique des opposants du Maїdan, on entend toujours des propos selon lesquels le 2 mai il y aurait eu beaucoup plus de victimes. Il s’agit la aussi d’un mensonge absolu et odieux et le Groupe du 2 mais l’a prouvé en examinant le Cimetière de l’ouest. Par ailleurs, ils l’ont fait en présence des opposants duMaїdan et ces derniers ont admis qu’il n’y avait rien à part des déchets chirurgicaux et les tombes financées par le budget (pour la plupart, des personnes sans domicile fixe). Des cimetières semblables existent dans n’importe quelle ville.

Le site des séparatistes pro-russes d’Odessa «Taymer » en a parlé également. D’ailleurs, ce site a un rapport avec Igor Markov, ancien homme politique soupçonné d’avoir commis des crimes sur le territoire ukrainien et qui se cache actuellement en Russie. Pour décrire mieux ce site, il suffit de dire que les journalistes qui y travaillent appellent toujours l’armée ukrainienne «l’armée gouvernementale», tandis que les séparatistes et les terroristes pro-russes sont pour eux «les rebelles». Ça illustre bien la situation réelle concernant la liberté de parole dans ce pays «fasciste» qu’est l’Ukraine!

Est-ce que le public était nombreux?

Je pense environ 50-70 personnes, y compris les journalistes russes. Il y avait surtout des russophones. La conférence était traduite simultanément en russe. J’ai déjà décrit le public.

Avez-vous réussi à intervenir et qu’avez-vous pu dire?

On a eu des difficultés pour obtenir la parole. Au début de la conférence, les organisateurs ont déclaré qu’il y aurait une discussion, mais par la suite, quand nous avons commencé à demander la parole (d’ailleurs, nous l’avons demandé en levant un petit tableau sur lequel était inscrit «Ukraine», mais nous n’avons pas hurlé comme les médias russes l’ont dit), tout d’un coup, le format de la conférence a changé. Les organisateurs ont déclaré qu’il y avait trop peu de temps, donc les participants ne pouvaient que poser des questions.

Nous avons commencé à poser des questions à propos des événements d’Odessa. Nous n’avons  obtenu que très peu de réponses, à mon avis parce que les manuels n’ont pas pu être distribués.

Alors, j’ai juste remercié pour ces deux minutes que l’on m’a accordées et au lieu de poser des questions, j’ai démenti les mensonges sur les «nazis au pouvoir » et les événements d’Odessa.  À vrai dire, c’était très facile à faire, car nous connaissons très bien les détails de cette tragédie. Il est à noter que Radzychovska et Matchoulko n’ont même pas essayé de démentir ce que je disais. Elles ont fini par dire que «le début des événements d’Odessa n’est pas important, parlons des conséquences».  Donc, le début de la Seconde Guerre Mondiale n’est pas important non plus, pas vrai? Parlons tout de suite du 8 mai?

Olena Radzychovska et Viktoria Matchoulko ont parlé des «banderas » à Odessa le jour du 2 mai, des «brûlés vifs», des «cruautés des fascistes »  etc….. Je veux souligner que la professeureRadzychovska continue à travailler à l’université d’Odessa «fasciste», elle y reçoit un salaire, elle parle russe. Elle n’est pas devenue ukrainophobe hier ou avant-hier. Cette personne ayant reçu une excellente éducation, parlant plusieurs langues européennes déteste l’Ukraine à en perdre la raison. Elle a prononcé son discours devant nous, en ajoutant quelques phrases en ukrainien, «il ne faut pas que vous pensiez que je ne parle pas ukrainien».  Encore une illustration des «représailles que subissent les russophones en Ukraine ».

Les citoyens ukrainiens ne sont pas coupables si les «chefs du monde russe» sont restés pendant des années assis sur leur or russe, ont crééde gros problèmes et ensuite ont mis leurs enfants dans la Maison des Syndicats. Il est à noter aussi que si les activistes du Maїdan n’avaient pas secouru les gens de la Maison des Syndicats, les victimes auraient été bien plus nombreuses. Alors que tous les leaders des opposants du Maїdan ont fui le pays. Il ne faut pas mentir si ouvertement devant les caméras. Tout ce qui s’est passé à Odessa le 2 mai 2014 a eu lieu presqu’en duplex, tous les moments de la tragédie sont enregistrés.  Si vous voulez les voir, voilà le lien.

Il s’agit du blog d’un groupe de journalistes et experts sur lequel vous allez pouvoir regarder le film «Le 2 mai. Sans mythes», disponible en russe, anglais et allemand. Ce film contient la chronologie et des témoignages de ceux qui ont participé ou assisté aux événements. Ce film est la version la plus objective des événements et tout le monde en est d’accord, y compris nos opposants.

Comment le public a-t-il réagi à votre intervention

D’une manière très agitée. A la fin de mon intervention, j’ai entendu des ovations et des applaudissements. Et c’est ainsi que nous avons réussi à retourner la situation. Xavier Moreau a commencé à se justifier en disant qu’il n’était pas «un spécialiste des crimes» , surtout quand j’ai dit que ma ville n’était pas une Novorossia, et notre territoire n’était pas non plus une Novorossia.  Nous n’utilisons pas le terme Gaule quand on parle de laFrance, n’est-ce pas? Même si jadis, ce territoire a été peuplé par des Gaulois.

Par ailleurs, un homme respectable avec des cheveux gris est venu me voir après mon discours et m’a dit : «Je ne suis pas d’accord du tout avec ce qui se passe dans votre pays, mais vous avez été convaincante et vous avez présenté des faits réels. Il est difficile de lutter contre les faits ».

Donc, pour moi l’objectif de notre présence à cette «conférence» a été atteint.

Croyez-vous que votre présence à de tels événements est importante? Si oui, pourquoi?

Il faut assister à de tels événements, c’est très important et rentable. Malheureusement, nous n’avons aucune stratégie extérieure pour l’information. Il faut croire que les personnes chargées de prendre des décisions dans notre pays ne comprennent pas le mode de fonctionnement de l’information dans le monde moderne. C’est un grand défi pour l’État et pour ses citoyens. La réputation du pays doit se travailler en continu toujours de manière proactive, être en avant des événements et ne pas devoir leur répondre ou les suivre.

Au sujet d’Odessa,il est très important pour nous de connaître toute la vérité sur les événements du 2 mai à Odessa. C’est important pour que personne ne puisse manipuler cette tragédie, recevoir des dividendes politiques ou financiers. Il faut en finir avec ce tourisme politique financé par Kremlin.

Car ils ne veulent pas établir la vérité, ils veulent détruire l’Ukraine. Et nous ne le permettrons pas.

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