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Tchornobyl 30 ans après : des problèmes anciens sous le nouveau sarcophage?

Les leçons de Tchornobyl : 10 choses qu’il faut savoir

En 2016, le monde commémorera le 30ème anniversaire de la catastrophe de Tchornobyl qui a changé la vision sur «l’atome pacifique » et a créé un nombre important de problèmes pour de nombreuses générations. Comment le processus du « règlement catastrophe » s’est-il déroulé? Les conséquences de la catastrophe ont-elles été minimisées? L’Ukraine est-elle restée seule avec sa tragédie?

L’Ukraine Crisis Média Center cherche des réponses à toutes ces questions en discutant avec Yuriy Kostenko, ancien ministre de l’écologie et de la sécurité nucléaire de l’Ukraine (1992-1998), chef adjoint de la commission temporaire du Parlement ukrainien chargé d’étudier les causes de la catastrophe de Tchornobyl et membre des négociations sur le règlement de la catastrophe. C’est lui en personne qui avait signé en 1995 le Mémorandum sur  l’accord qui a conduit à l’arrêt de la centrale nucléaire de Tchornobyl en 2000.

Défauts de construction ou erreurs du personnel: que s’est-il passé vraiment à Tchornobyl?

Après les évènements tragiques de 1986, la propagande soviétique a cherché à persuader le monde que la catastrophe de Tchornobyl était survenue à cause d’erreurs du personnel qui faisait des expériences à la centrale.  Mais la commission d’étude, qui se fonde sur des données des scientifiques soviétiques, y compris ukrainiennes, démontrent  que la catastrophe est arrivée à cause du défaut de construction des réacteurs de grande puissance à tubes de force (RBMK), à savoir, que lorsque les réacteurs deviennent incontrôlables, le bouton «STOP» devrait arrêter les réacteurs. En réalité, ce bouton accélérait la puissance des réacteurs.

Est-ce qu’une catastrophe de ce type pourrait se reproduire aujourd’hui?

Actuellement, les réacteurs de grande puissance à tubes de force ne sont plus utilisés qu’en Russie dans les centrales nucléaires de Biloyarsk, Koursk et St-Pétersbourg.  Ils ont tous ce défaut concernant l’arrêt d’urgence des réacteurs et de plus ils ne sont pas équipés d’enceintes de confinement qui isolent le réacteur nucléaire. En raison de cette absence d’enceintes de confinement, ces réacteurs sont les plus dangereux au monde. Malgré certains travaux de modernisation, le danger n’est pas écarté. La catastrophe semblable à celle de Tchornobyl risque de se reproduire aussi longtemps qu’un réacteur de ce type existera.

La propagande soviétique et l’absence de stratégie pour résoudre le problème. 

Malgré la propagande, les dangers de la centrale nucléaire de Tchornobyl et des réacteurs de grande puissance à tubes de force n’étaient pas vraiment un secret pour la société. Bien au contraire, avant la catastrophe beaucoup de publications, prouvant le danger de ce type de réacteurs, l’avaient signalé. Les scientifiques avaient enregistré, suite à des  défauts de construction, des cas de fusion partielle du cœur des réacteurs et cela bien avant 1986, notamment à Tchernobyl –même. Les scientifiques avaient essayé de se faire entendre auprès des institutions, mais en vain.

Néanmoins, l’URSS continuait à se soumettre à la grande politique. La construction de la centrale nucléaire de Tchornobyl a été réalisée sous l’égide de l’Académie des Sciences et de son président Anatoliy Alexandrov, dirigeant scientifique du projet de cette centrale nucléaire, ainsi que Mykola Dollejal, l’ingénieur principal. Le Parti communiste a donné le «feu vert» à la construction de ce réacteur.

Le système soviétique a commis une autre erreur fatale : en construisant une centrale nucléaire, les ingénieurs n’ont pas prévu les mesures nécessaires à mettre en œuvre pour réduire au minimum les conséquences de possibles accidents. C’est la raison pour laquelle, plusieurs mesures incorrectes ont été effectuées et ont créé des problèmes supplémentaires.

Est-il possible d’éliminer les conséquences de la catastrophe?

Depuis 1986, l’opération à Tchornobyl est présentée comme une «élimination des dégâts» causés par la catastrophe. Cependant, il est évident qu’il est impossible de le faire. Certains radionucléides, par exemple l’uranium 239, mettent environ 4,5 milliards d’années à se décomposer. Donc, comment un État peut-il éliminer de telles conséquences? Le gouvernement soviétique prenait des décisions sans tenir compte des réalités scientifiques et de la sécurité.

Le «Sarcophage» – 1

La construction, dit «le Sarcophage», a été bâtie sur le site de l’explosion du réacteur 4 en un temps record, 9 mois seulement. Au moment où l’Ukraine a acquis son indépendance, dans les murs de ce «Sarcophage», il y a avait 1000 mètres carrés de fissures. Construit à la hâte, le «Sarcophage» avait beaucoup de défauts de construction, par exemple, l’un des faisceaux se trouvait à 15 cm du point d’appui. Ainsi, la structure était instable depuis le début et n’était pas hermétique.

Au début, on disait que la garantie de construction était de 50 ans, puis 30 ans, mais au 20ème anniversaire de la catastrophe, cette construction était déjà dans un état critique : le tuyau d’aération était pratiquement cassé et  l’eau qui arrivait à l’intérieur par les trous dans les murs pouvait entraîner une réaction en chaîne et provoquer une explosion thermique.

L’économie de Tchornobyl

En 1991, le PIB de l’Ukraine était de 71 milliards de dollars. Les dépenses directes pour minimiser les conséquences de la tragédie de Tchornobyl étaient de 7 milliards, beaucoup d’argent a été pris du budget d’autres entreprises. En 1992,  15% du budget d’État ukrainien ont été utilisés pour Tchornobyl.

Dès le début, l’État a utilisé un modèle économique aberrant pour résoudre le problème : payer des prestations supplémentaires, proportionnellement à la dose de radiation, aux personnes qui restaient vivre sur les territoires contaminés. Plus la personne était exposée à la contamination, plus les prestations étaient élevées. Donc, de plus en plus de personnes avaient besoin d’aide médicale et l’État dépensait de plus en plus d’argent pour les soins.

La communauté mondiale a, au contraire, cherché à fournir aux personnes vivant dans les zones contaminées de l’eau, du lait et de la nourriture purifiés, en prévoyant des projets économiques dans le budget. En Norvège, les vaches dans les champs contaminés par le strontium donnaient du lait purifié grâce à l’utilisation d’absorbants.

Pourquoi la centrale nucléaire de Tchornobyl a-t-elle continué à fonctionner jusqu’en 2000?

Nous ne savons toujours pas pourquoi la centrale nucléaire de Tchornobyl n’a pas été arrêtée tout de suite après l’accident. Car six mois après la catastrophe, en octobre 1986, les premier et  deuxième réacteurs ont été remis en marche et en décembre 1987, le troisième. Ceci était une décision complètement absurde et sans fondement car il n’y avait pas d’avantages économiques, scientifiques et technologiques pour que la centrale continue à fonctionner.

La sécurité de la centrale restait très illusoire. En 1991, la catastrophe a failli se reproduire à cause d’un incendie sur le 2ème réacteur. Il aurait suffit d’une minute de plus pour que le réacteur devienne ingérable. Heureusement, l’incendie a été éteint et la tragédie évitée. Mais le gouvernement du pays a décidé d’arrêter tous les réacteurs de Tchornobyl.

Pour cela, on disposait de 2 solutions : des travaux de reconstruction ou un arrêt. L’ingénieur principal a estimé qu’il fallait juste arrêter les réacteurs,  faire des travaux de rénovation avant 2000 et continuer à exploiter la centrale. Mais pour cela, il fallait dépenser environs 1 milliard de dollars et l’Ukraine ne disposait pas de cette somme dans son budget.

Donc, vu que l’Ukraine ne pouvait pas exploiter la centrale de manière sécurisée, la décision de l’arrêter définitivement a été prise. Mais une aide économique des autres pays était nécessaire.

Comment l’Ukraine a éobligée d’arrêter définitivement la centrale nucléaire de Tchornobyl? Le rôle de la communauté internationale.

Après l’Indépendance de l’Ukraine, le G7 s’est  réuni à Naples pour discuter de l’arrêt de la centrale nucléaire de Tchornobyl. L’Ukraine n’a pas participé à cette réunion, elle était représentée par la Fédération de Russie.

La communauté internationale a été terrifiée par les conséquences de la catastrophe car les contaminations avaient atteint la Pologne et la Norvège.

En 1995, la délégation ukrainienne a mené des négociations avec le G7 car le financement de la procédure était un problème.

Les pays du G7 ont accepté d’aider l’Ukraine, mais à condition que l’Ukraine ferme la centrale nucléaire. En 1995, on a discuté de la garantie de l’enfouissement des restes du combustible de Tchornobyl, comme indiqué dans le plan d’action. Le 20 décembre 1995, l’Ukraine et les pays du G7 ont signé un Mémorandum prévoyant le plan d’action détaillé pour résoudre les problèmes de Tchornobyl.  Et c’est Yuriy Kostenko, qui en parle aujourd’hui avec l’Ukraine Crisis Média Center, qui a signé le Mémorandum au nom de l’Ukraine.

1998 –- Cacher d’anciens problèmes sous le nouveau sarcophage

Après 1998, les partenaires occidentaux de l’Ukraine ont commencé à changer leur objectif car ils ont compris qu’il était difficile d’assumer les obligations financières de ces projets sans but lucratif. Donc, toutes les stratégies discutées auparavant, comme l’enlèvement ou l’enfouissement sécurisé des restes  du combustible ou sa réutilisation, se sont soldées par un plan prévoyant une simple construction d’un nouveau sarcophage «Sarchophage-2». Le «Sarcophage-2» est destiné à cacher temporairement les problèmes de Tchornobyl et de les oublier pendant 100 ans. Le montant du projet de 2,5 milliards d’euros est pris en charge par des entreprises européennes.

Quels sont les risques de cacher le réacteur sous le nouveau sarcophage?

Dans des conditions de forte radiation, aucun conditionnement ne peut garantir ce qui est prévu pour une utilisation dans des conditions normales. Ce fut le sort du premier sarcophage et nous n’avons aucune garantie que cela n’arrivera pas au deuxième. La radiation détruit des constructions et crée des problèmes supplémentaires nécessitant la réutilisation de milliers de tonnes de matériel de construction.

Tous les problèmes liés au fonctionnement de la centrale nucléaire de Tchornobyl doivent être pris en charge par l’Ukraine et personne ne peut prévoir ce qui arrivera à la construction dans les années à venir, quelle sera la vitesse de désintégration des matériels, etc…

La communauté internationale n’a toujours pas décidé ce qu’elle pourrait faire plus tard avec le sarcophage, sachant que l’enlèvement et l’enfouissement des restes demeurent la seule solution possible. La solution «Sarcophage-2» reste temporaire, à l’avenir il faudrait peut-être construire un 3ème sarcophage.