Il y a encore quelques mois, tout le monde retenait son souffle, en regardant le procès de Nadia Savchenko, militaire ukrainienne, qui avait été capturée à l’été 2014 et jugée en Russie pour des raisons politiques. Le comportement courageux et intrépide de Nadia lors de son procès avait fait d’elle une vraie héroïne aux yeux d’une partie de la société ukrainienne. Le parti ukrainien Batkyvtchyna l’avait mise en tête de sa liste électorale. Libérée en mai 2016, Nadia Savtchenko s’est lancée dans la politique. Cependant, ses actions controversées ont provoqué un grand mécontentement dans la société ukrainienne. Celle qui était le symbole de l’Ukraine en guerre devient peu à peu la bête noire de l’Ukraine. L’Ukraine Crisis Média Center a analysé les principaux scandales provoqués par Nadia Savtchenko après sa libération
Une intégration difficile
Dès sa première journée au Parlement, Nadia Savtchenko a surpris tout le monde par son comportement un peu trop fantaisiste pour un député. Elle est arrivée pour prendre ses fonctions une heure avant l’ouverture du Parlement et a attendu assise devant le bâtiment en fumant des cigarettes et en éteignant ses mégots sur le sol. Une fois installée à son poste, elle a enlevé ses chaussures et est restée pieds nus toute la journée. Lors d’une pause, elle a accordé quelques interviews aux journalistes: «J’ai l’impression de me retrouver sur un marché. Les députés ressemblent à des écoliers paresseux». Elle n’a pas été non plus très tendre avec les journalistes: «Vous êtes comme des chacals, vous êtes prêts à vous jeter sur moi, à me déchirer. Vous devez apprendre à parler aux gens au lieu de penser à l’argent que vous allez toucher pour une petite exclusivité». Quelques semaines plus tard, la pilote s’est encore distinguée par son drôle de comportement: elle s’est endormie en pleine réunion du comité parlementaire.
Cependant, les Ukrainiens étaient alors encore fascinés par cette attitude qu’ils trouvaient pleine de fraîcheur et peu commune chez les fonctionnaires ukrainiens. La conférence de presse de Nadia Savtchenko a été un vrai succès: elle a duré plusieures heures et la grande salle était remplie jusqu’à la fin. C’est lors de cette conférence de presse que l’ancienne prisonnière à annoncé pour la première fois son désir de présenter sa candidature lors des élections présidentielles:« Faut-il le faire? Je le ferai! Si le peuple dit: «Il le faut», le soldat répondra: «Oui». Aucune crainte, aucune hésitation. Et aucune envie. Mais si le peuple dit: «Il le faut», j’irai. Si les élections se tenaient aujourd’hui, je les emporterais, si c’est demain, il faut voir».
Parallèlement, Savtchenko a fait une autre déclaration un peu étrange dans un pays qui lutte pour instaurer la démocratie: «Pour changer le pouvoir présidentiel, la structure du pays, pour redémarrer les lois et les faire fonctionner au profit des gens, pour combattre la corruption, il faut devenir un dictateur qui maintient tout le pouvoir entre ses mains. C’est indispensable pour redonner le pouvoir au peuple et faire en sorte que plus personne ne puisse le reprendre au peuple».
«Il faut se sourire mutuellement et tout ira bien »
Les Ukrainiens n’avaient pas encore eu le temps de digérer cette déclaration que Nadia Savtchenko effectuait une démarche encore plus étrange. Elle a téléphoné à la radio afin de partager en direct sa solution pour arrêter le conflit armé à l’est du pays: «Tout d’abord, il faut prolonger les sanctions contre la Russie, car ce pays n’a pas encore compris qu’il doit se retirer de l’est de l’Ukraine. Ensuite, il faut communiquer directement avec les Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk en contournant le processus de Minsk. Zachartchenko (chef de la DNR) et Plotnitzky (chef de la LNR) peuvent se positionner comme des députés du peuple. En tant que député ukrainien, je suis prête à discuter avec eux. Et ensuite? Il faut se sourire mutuellement et tout ira bien». Quand une journaliste lui a posé la question suivante: «Pourquoi discuter avec des marionnettes», Nadia lui a donné une réponse tout à fait exhaustive: «Le Kremlin est un ennemi, on ne discute pas avec un ennemi. On ne discute pas avec des terroristes, tandis qu’avec son peuple… qu’il soit une marionnette, qu’il soit faible et apeuré… J’ai choisi des gens de l’autre côté pour parler de la situation qu’il faut régler. La Russie nous empêche de le faire. Mais si nous nous réunissons, nous allons pouvoir régler cette situation sans la Russie. Il est important pour moi que les Républiques de Donetsk et de Lougansk prennent leur décision et n’aient pas peur de la défendre devant la Russie».
Cette déclaration a provoqué une vague de mécontentement au sein de la société. Pour la première fois, les Ukrainiens ont remis en doute l’intégrité de celle qui était le symbole de l’Ukraine enchaînée, mais invaincue. Mais ce n’était que le début. Le 21 juillet, deux mois après sa libération, Nadia a déclaré en direct sur la Chaîne 5 qu’il fallait demander pardon à toutes les mères dont les fils avaient été tués à la guerre: «Nous allons probablement devoir demander pardon. Non, pas probablement, mais certainement. Il faudra demander pardon, sinon la paix ne s’installera jamais. Il faudra demander pardon à la mère qui a perdu son fils. À la mère qui a perdu son dernier fils. Peu importe de quel côté du conflit elle se trouve».
Alors, la société se divise. Certains exhortent à ne pas prêter attention aux déclarations douteuses de Savtchenko en les justifiant par le fait qu’elle manque d’expérience politique, qu’elle est trop franche et s’est peut-être mal exprimée. D’autres se sont sentis offensés par ses propos et l’ont accusée, pour la première fois, de s’être fait recruter par les services secrets russes. Anton Gerachtchenko, député ukrainien et l’un des chefs du projet «Mirotvorets», a noté sur sa page Facebook: «Vous, Nadia, vous devez peut-être demander pardon à Givi et Motorola et à d’autres Russes venus sur notre terre pour tuer et violer, mais nous, nous n’allons pas demander pardon aux occupants et terroristes. Nous allons tenir jusqu’au bout et nous allons tout faire pour libérer notre terre. Pourquoi personne n’a attiré l’attention sur le fait qu’aucune transmission directe n’a été autorisée lors des procès contre Sentsov ou Koltchenko? Pourquoi le juge russe a-t-il autorisé toutes les chaînes TV à filmer chaque audience de Nadia Savtchenko? Pourquoi le tribunal et les médias russes ont-ils tout fait pour accroître la popularité de Savtchenko? N’est-ce pas étrange? Désormais, il est clair que Poutine a introduit «un cheval de Troie» dans la conscience des Ukrainiens». Une pétition, exhortant le président ukrainien à retirer le titre de Héros de l’Ukraine à Savtchenko, a été déposée sur le site du chef de l’État ukrainien et signée par 1578 personnes en une demi-journée.
Plusieurs experts ont souligné que l’histoire de Savtchenko était une démonstration de la fâcheuse habitude des Ukrainiens à attendre l’arrivée d’un Messie qui résoudra d’un coup tous leurs problèmes. Ҫa a été le cas de Viktor Iouchtchenko, ancien président ukrainien, ça a également été le cas de Mikheil Saakachvili, ancien gouverneur de la région d’Odessa.
La famille et les copains d’abord?
Mais Nadia n’est certainement pas du genre à se calmer si vite. Très rapidement, elle affirme vouloir refuser les prestations sociales qu’elle devait recevoir en tant qu’ancienne combattante: «Je suis revenue avec mes bras et mes jambes, je ne suis pas une handicapée et je peux travailler. Je ne trouve pas correct de recevoir une récompense matérielle de la part de mon peuple qui est déjà pauvre. J’ai l’intention de refuser toutes les prestations sociales et j’exhorte tous les anciens combattants à faire de même… Une fois la situation actuelle dans le Donbass terminée, on aura un pays entier d’anciens combattants dont on ne saura que faire». Cependant, l’information selon laquelle la mère de Savtchenko a reçu un terrain gratuit à Kiev en tant que mère d’un ancien combattant commence à circuler sur les réseaux sociaux. La famille de Savtchenko réfute cette information, pour le moment rien n’a été confirmé.
Cependant, la légende sur le désintéressement de Savtchenko est remise en cause pour une autre raison et cette fois-ci, l’information est bien confirmée. Il s’est avéré que Nadia a fait embaucher au Parlement son amie, une certaine Iryna Uzik qui devient assisstante de Nadia. Il paraît que le caractère de la jeune femme est aussi intraitable et dur que celui de Savtchenko: très rapidement après la signature de son contrat, Iryna a déclaré: «J’ai reçu mon justificatif. Vous pouvez vous adresser à moi pour obtenir les commentaires de Nadia, préciser des informations la concernant, lui transmettre vos demandes, m’informer sur les courants souterrains et les articles dangereux dans les projets de loi qui sont à l’ordre du jour au Parlement. Cependant, je vous prie de ne pas me submerger avec des petites demandes égoïstes telles que «j’ai été licencié illégalement de mon travail, aidez-moi à le retrouver» ou avec des propositions prétentieuses “Je sais comment sauver l’Ukraine et j’exige une rencontre personnelle avec Nadia». Il est à noter qu’à cette époque les ambitions de Nadia avaient légèrement baissées: elle ne prétend plus à la fonction de Président de l’Ukraine, désormais, elle est prête à se contenter du modeste poste de ministre de la Défense.
Une main tendue à ses compagnons de malheur ou une simple action publicitaire?
Au mois d’août, Nadia l’infatigable organise une manifestation devant l’administration présidentielle pour exiger d’accélérer le processus d’échange des prisonniers. Elle est accompagnée de sa sœur Vira et des proches des prisonniers ukrainiens. Nadia apporte un haut-parleur pour se faire mieux entendre par Petro Porochenko qui, à son avis, ne fait plus grand chose pour sauver les militaires ukrainiens qui ont été faits prisonniers par les séparatistes. Outre ce haut-parleur, Nadia apporte aussi une solution originale pour sauver les prisonniers: elle estime que le processus sera plus simple si c’est Marina Porochenko,l’épouse du Président ukrainien, qui va négocier avec les séparatistes. Pour mieux défendre sa position, Marina Porochenko devrait emmener avec elle Oxana Martchenko, épouse de Viktor Medvedtchouk, représentant ukrainien dans le groupe de contact tripartie et, accessoirement, parrain d’une des filles de Poutine. Selon Nadia Savtchenko, ces deux femmes pourront convaincre les séparatistes de rendre leur liberté aux prisonniers ukrainiens: «Ils m’ont répondu que le Président sera le seul négociateur. Alors, je vais vous dire: tant que cette centralisation du pouvoir et cette centralisation de l’échange des prisonniers persisteront, l’affaire durera très longtemps», s’offusquait Savtchenko dans son haut-parleur.
Pour intimider Porochenko, Nadia a recours à son levier de pression préféré, testé lors de son séjour dans les prisons russes: elle entame une grève de la faim. Cependant, une grève de la faim moins stricte qu’en Russie, car Nadia avoue «déguster» du vin lors de cette nouvelle grève de la faim: «Je ne mange pas, mais je bois de l’eau. De temps en temps, je peux déguster un peu de vin. Je me sens bien, j’ai l’habitude».
Pour prouver son franc désir d’aider les prisonniers ukrainiens, Nadia prend le risque de se rendre à Moscou pour assister à l’audience dans l’affaire de Mykola Karpyuk et Stanislav Klych, deux Ukrainiens accusés d’avoir participé à la guerre en Tchétchénie contre l’armée russe. Suite à ce procès fabriqué, Karpyuk a été condamné à 22 ans de prison, Klych à 20 ans. Ils ont tous deux fait appel et c’est à l’audience de l’appel que Nadia Savtchenko est arrivée avec l’objectif de les soutenir moralement. Malheureusement, les deux Ukrainiens n’ont pas beaucoup apprécié le geste de leur ancienne camarade dans le malheur. Klych a ouvertement déclaré qu’il s’agissait de publicité: «Rien à dire, nous avons regardé la télé, toutes les chaînes montraient la visite de Nadia Savtchenko à la Cour Suprême de Moscou. Belle publicité, beau projet. Mais je ne comprends pas quel est mon rôle dans tout cela».
La chèvre contre les moutons
Certains reprochent à Nadia Savtchenko de se concentrer beaucoup plus sur les voyages dans le Donbass et les tentatives de libération des prisonniers ukrainiens plutôt que sur son travail qui consiste à rédiger et à adopter des lois. En effet, le dossier de Nadia au Parlement semble bien léger: elle a participé à la rédaction de 3 projets de loi, y compris, la fameuse loi Savtchenko qu’elle a rédigée en prison russe ((selon cette loi, une journée passée en cellule de détention provisoire équivaut à deux jours d’emprisonnement après le verdict du juge). D’ailleurs, cette loi a provoqué un nouveau scandale. Un certain nombre de députés souhaitaient apporter des changements à cette loi ratée, mais Savtchenko a décidé de défendre son œuvre bec et ongles. Elle a demandé la parole, est montée à la tribune et a tenu un discours assez dur au cours duquel elle a traité les élus du peuple ukrainien de «moutons»: «Si les députés sont des moutons, c’est notre problème. Selon la Constitution ukrainienne, aucune loi ne peut être rédigée dans l’objectif de dégrader les droits de l’Homme. Mais avec vos amendements vous allez dégrader les droits de l’Homme. Vous êtes en train de faire de la spéculation politique et de prouver aux gens que vous n’êtes que des moutons, avec certains moutons voulant être plus forts que les autres. Mais, en vérité, vous êtes tous des moutons. Le peuple a constaté une fois de plus que vous êtes en train de vous noyer». Savtchenko a insisté sur le fait que les députés auraient dû apporter des amendements à cette loi avant de l’avoir adoptée.
Cette «courtoisie» de l’ancienne pilote a provoqué la colère de certains députés qui n’ont pas apprécié d’être traités de moutons. C’est Iryna Loutsenko, député et épouse de Youry Loutsenko, Procureur général d’Ukraine, qui a pris la parole pour répondre à Nadia: «J’informe les chèvres, qui sont arrivées dans ce Parlement grâce au soutien de la communauté internationale, que plus de 60000 anciens prisonniers russes sont arrivés de l’autre côté de la ligne de démarcation et se battent contre nos soldats. Les récidivistes ukrainiens, qui ont été libérés par erreur grâce aux votes euphoriques au profit d’une personne que tout le monde a défendu, sont aussi partis là-bas pour tuer, voler et violer».
L’entretien fatidique ou la dernière goutte d’eau qui a fait déborder le vase
Toutes les démarches précédentes de Nadia n’avaient pas de conséquences importantes pour elle, mis à part les critiques grandissantes de la société, mais sa dernière escapade lui a coûté cher. Savtchenko a fini par réaliser son projet de discuter avec les chefs des Républiques séparatistes. Le 7 décembre 2016, elle part pour Minsk où elle s’entretient avec Olexandre Zacharctchenko et Igor Plotnitzky. Elle tente de ne pas trop rendre publique sa visite, mais, bien entendu, des journalistes n’ont pas tardé à apprendre la nouvelle. Il s’agit, notamment, de Petro Chouklinov, un journaliste célèbre de «LigaBuisnessInform»: «Selon l’information que j’ai, Nadia Savtchenko est récemment partie à Minsk pour s’entretenir avec les chefs des organisations séparatistes DNR et LNR. Ils ont discuté pendant plusieurs heures. Quand j’ai vu Savtchenko, je lui ai demandé si c’était vrai. «Je ne suis pas venue ici pour répondre à vos questions» a-t-elle répondu. J’ai retenté ma chance pour obtenir un commentaire de sa part, car il s’agit d’une information importante pour la société qui mérite de savoir si un député du Parlement a des contacts avec des terroristes. «Je ne me suis pas fait bien comprendre?», s’est offusquée Savtchenko. Mais ce n’est pas à moi que tu as répondu, tu as répondu aux citoyens ukrainiens». Nadia Savtchenko a fini par avouer son déplacement, mais a déclaré que cet entretien s’était déroulé avec l’accord du Service de Sécurité d’Ukraine. Cependant, le Service de Sécurité a démenti la déclaration de Savtchenko et a convoqué la pilote à un interrogatoire pour préciser les détails de la rencontre. Plus tard, Zachartchenko et Plotnitzky ont confirmé leur rencontre avec Savtchenko. Yuriu Katchanov, chef du Centre de coordination des recherches, de la libération des otages et des prisonniers et de l’établissement de la localisation des personnes disparues dans la zone de l’opération anti-terroriste, affirme que lors de son voyage à Minsk, Savtchenko s’est entretenue avec les leaders des séparatistes au sujet «de la libération des prisonniers, mais aussi de la supression des sanctions et des questions d’amnistie ».
Savtchenko continue à se défendre : «A ma sortie de prison, j’avais promis aux gens que j’allais parler même avec le diable. Oui, j’étais assise à la table des négociations avec des gens avec lesquels auparavant nous avions échangés des tirs. Mais je n’ai pas vu en face de moi des diables. Il faut d’abord parler aux gens et ensuite leur coller des étiquettes: terroristes, assassins, séparatistes etc…». Elle insiste sur le fait que ce voyage a été fructueux et important pour la libération des prisonniers ukrainiens.
Cependant, ses collègues du Parlement n’étaient pas d’accord avec elle. Le 20 décembre, Nadia Savtchenko s’est fait exclure de la faction Batkyvchtchyna. Le service de presse du parti a diffusé un communiqué pour expliquer ce geste: «Les principes et les convictions politiques de Nadia Savtchenko et du parti Batkyvchtchyna s’avèrent être différents. Batkyvchtchyna, en particulier, s’oppose fermement à toute négociation avec les terroristes, contre l’amnistie des assassins du peuple ukrainien et contre la légalisation des groupes de bandits du Donbass». Deux jours plus tard, le 22 décembre, Nadia Savtchenko a été exclue de la délégation permanente ukrainienne auprès de l’APCE. Le projet de décret modifiant le décret sur l’Appel du Parlement ukrainien aux organisations internationales et assemblées interparlementaires pour la libération de la pilote et députée ukrainienne de la huitième convocation Nadiya Savtchenko» № 45-VIII du 25 décembre 2014, a été voté par 237 députés du Parlement. Le lendemain, le Comité parlementaire de la Défense nationale et de la Sécurité a soutenu le projet de résolution sur l’exclusion de Nadia Savtchenko du Comité. Et c’est probablement loin d’être fini….
Pourquoi, Nadia, pourquoi?
Comment tout cela a-t-il été possible? Pourquoi cette femme tant admirée est devenue la fable du quartier? Est-ce qu’elle n’a jamais été celle pour qui on l’a prise? Est-ce qu’elle a été recrutée par les services spéciaux russes? Plusieurs versions s’imposent….
Un cheval de Troie?
Nadia Savtchenko est-elle devenue un agent du Kremlin? Selon une version, la jeune femme a été recrutée par les services secrets russes avant même sa captivité. Plusieurs faits l’indiquent. Tout d’abord, un traitement de faveur lors de son emprisonnement. Tous les autres prisonniers du Kremlin, Oleg Sentsov, Olexandre Koltchenko, Gennadiy Affanasyev, Mykola Karpuyk, Stanislav Klych déclarent avoir subi des tortures. Seule Nadia Savtchenko n’a jamais subi de violences physiques. Selon les informations fournies par sa sœur et ses avocats, Nadia bénéficiait d’une cellule individuelle assez confortable: avec un bon lit et une télé. C’est plutôt exotique pour les prisons russes, connues pour des conditions de vie épouvantables. Un autre point important, Nadia a toujours pu communiquer facilement avec ses avocats, sa famille, ses partisans, et sa sœur se rendait régulièrement à Moscou pour la voir. Chaque audience au tribunal était largement couverte par les médias russes et ukrainiens, les journalistes avaient tous un libre accès aux audiences. À titre d’exemple, Karpyuk et Klych ont été privés de leurs avocats pendant presque 10 mois, aucune chaîne TV n’était présente pour eux.
Et le plus important: Nadia Savtchenko répète mot pour mot le refrain préféré de Moscou: «il faut reconnaître les séparatistes du Donbass, il faut les amnistier, il faut négocier avec eux comme avec des égaux». Si l’information de Yuriu Katchanov au sujet «de la libération des prisonniers, mais aussi de la supression des sanctions et des questions d’amnistie » est juste, cela confirme également l’engagement de Savtchenko en faveur du Kremlin. Vira Savtchenko, la sœur de Nadia, a évoqué à plusieurs reprises le rôle important de Viktor Medvedtchouk dans la libération de Nadia Savtchenko. Alors, se pourrait-il que ce personnage si proche du Kremlin lui souffle ses idées à l’oreille?
Le point faible: cette facette de Nadia aurait été dévoilée bien rapidement. Un véritable agent du Kremlin aurait agi de manière plus dissimulée et plus discrète. Alors, Nadia une mauvaise élève?
Le syndrome de Stockholm?
Selon Wikipedia, le syndrome de Stockholm désigne un phénomène psychologique observé chez des otages ayant vécu durant une période prolongée avec leurs geôliers et qui ont développé une sorte d’empathie, voire une sorte de sympathie ou de contagion émotionnelle vis-à-vis de ceux-ci, selon des mécanismes complexes d’identification et de survie.
Cela semble être la version la plus probable. Cette sympathie soudaine de Nadia envers ceux qui l’ont capturée, cette envie inattendue de les défendre et, même pire de les légaliser, pourrait être un signe du symdrome de Stockholm.
Nous n’avons pas pu trouver de points faibles dans cette version, mais comment une personne ayant une empathie subconsciente envers les combattants pro-russes pourrait-elle participer à des négociations aussi délicates et compliquées? Comment pourrait-elle défendre les intêrets de son pays tout en étant attachée psychologiquement aux ennemis de son pays? Comment pourrait-elle continuer à travailler dans l’institution législative la plus importante du pays alors qu’elle souffre de troubles psychologiques? Ne devrait-elle pas tout d’abord consulter un spécialiste?
La naïveté et l’inexpérience politique?
Plusieurs personnes de l’entourage de Nadia Savtchenko affirment que la pilote a un caractère assez conflictuel. On parle de ses problèmes de subordination, de son désir de n’en faire qu’à sa tête, on explique qu’elle est têtue à souhait. Peut-être que le problème vient de là? Peut-être que Nadia croit sincèrement qu’elle œuvre au bien de son pays et elle agit selon son bon vouloir sans souhaiter rendre de comptes à quiconque?
Ce ne serait pas très grave pour une personne ordinaire, mais pose des problèmes pour quelqu’un qui représente son pays, y compris à l’étranger. Tous les experts sont plus ou moins d’accord: le seul moyen d’arrêter la Russie et de la faire se retirer du Donbass et de la Crimée (et, parallèlement, de calmer sa politique extérieure agressive), ce sont les sanctions économiques. Le gouvernement et les diplomates ukrainiens ont mené un long et difficile travail pour que l’Occident introduise et maintienne ces sanctions. Des sanctions qui ont probablement empêché la Russie de s’avancer plus profondément en Ukraine. Et, bien entendu, les Ukrainiens sont mécontents de voir leur Nadia préférée demander à l’Occident la supression des sanctions qui peuvent sauver son pays. Tout comme ils sont mécontents de la voir littéralement défendre les combattants pro-russes.
Et se défendre comment? Proposer comme solution «Il faut se sourire mutuellement et tout ira bien»? Sourire à Plotnitzky et Zachartchenko? Le conflit à l’est de l’Ukraine comprend deux acteurs majeurs: l’Ukraine et la Russie. Les deux «Républiques populaires» de poche ne sont pas des entités indépendantes. Elles ne sont que des créations artificielles, dirigées par des marionnettes du Kremlin que leur maître peut remplacer à n’importe quel moment comme il l’a déjà fait avec tant d’autres. Igor Strelkov, Pavlo Goubarev, Valery Bolotov… la liste est longue. Les chefs des Républiques populaires ne sont pas autorisés à prendre des décisions importantes. Certes, ils peuvent libérer quelques prisonniers anonymes pour montrer leur bonne volonté, mais jamais ils ne décideront de la paix ou de la guerre dans le Donbass. Tout le monde est unanime sur cette question. Sauf Nadia Savtchenko.
Pire encore, en proposant d’écarter la Russie du processus des négociations, elle soutient la dangereuse thèse russe sur la non-implication de la Russie dans ce conflit sanglant, sur la «guerre civile» et cela peut très bien être utilisé dans cette guerre contre l’Ukraine. Car si une personne si importante et connue insinue qu’il ne s’agit que d’un conflit entre Ukrainiens, alors les forces européennes pro-russes pourront en profiter pour défendre les intérêts de la Russie. À quoi bon maintenir des sanctions contre la Russie, s’il ne s’agit que d’une «guerre civile». Et la suppression des sanctions signifiera une escalade militaire immédiate à grande échelle dans le Donbass. Et d’autres morts, d’autres déplacés, d’autres destructions…
Bien entendu, on aimerait que ce conflit puisse être résolu d’une manière aussi simple, avec un sourire! Mais ses origines sont bien plus profondes, alimentées avec perversité par une puissance extérieure. Et avec chaque personne tuée d’un côté ou de l’autre, le fossé se creuse de plus en plus. Un sourire ne pourra pas le combler. Comment une femme ukrainienne arriverait à pardonner à celui qui a tué son mari ou son fils? Serait-il juste d’amnistier ceux qui ont torturé et violé? Comment trouver une solution pour faire oublier toutes les atrocités de cette guerre à ceux qui les ont vécus? Un sourire peut-il suffire ? Comment ose-t-on proposer une solution si infantile !
Quel avenir pour Nadia ?
Quoi qu’on en dise, la popularité de Nadia retombe. La Jeanne d’Arc qui fascinait les Ukrainiens et les étrangers, celle qu’on aurait aimé voir prendre la fonction de Président devient peu à peu l’ennemi public № 1. Elle a perdu tout ce qui lui a été donné lors de son séjour dans la prison russe: la notoriété, sa place à Batkyvchtchyna et à la délégation ukrainienne à l’APCE et la chose la plus importante, l’amour et la confiance de son peuple. Alors, quel avenir pour Nadia? Pourra-t-elle rebondir un jour ou restera-t-elle à jamais gravée dans la mémoire des Ukrainiens comme une énième déception? Histoire à suivre!
photo: http://kp.ua/, РБК-Украина, telegraf.com.ua, Обозреватель, ZN.ua, UA- Reporter.com, Укринформ, Хроника.инфо