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Naftogaz VS Gazprom : l’Ukraine peut-elle gagner la guerre du gaz?

La semaine dernière, la Cour d’arbitrage de la Chambre de commerce de Stockholm a rendu une décision préliminaire dans l’affaire entre Gazprom et Naftogaz. Les leaders ukrainiens prétendent que c’est la victoire de l’année, alors que la Russie estime que pour elle ce n’est pas un échec, mais bien au contraire, une décision plutôt avantageuse. Donc, Gazprom a-t-il vraiment perdu dans l’affaire Naftogaz?

L’Ukraine Crisis Média Center a rassemblé les étapes les plus importantes de cette affaire qui n’a fait que trop dure, sur la base des articles d’Oukrainska Pravda et LB.UA.

Comment tout a commencé

À la fin de 2008, la Russie a accusé l’Ukraine de lui être redevable de plusieurs milliards de dollars pour le gaz déjà livré. À partir de janvier 2009, la Russie a cessé l’approvisionnement en gaz pour l’Ukraine, mais aussi pour les pays européens. Le 17 janvier 2009, Yulia Timochenko, Premier-ministre ukrainienne de l’époque et Vladimir Poutine, président russe, ont annoncé la signature de nouveaux accords sur la livraison du gaz.

Selon ces nouveaux accords, l’Ukraine devait payer un prix très élevé pour le gaz russe le contrat obligeait notamment Naftogaz à acheter chaque année 52 milliards de m3 de gaz selon la formule «take-or-pay». Selon cette formule, l’Ukraine devait payer tout le volume de gaz prévu dans le contrat, qu’il soit consommé ou non.

Quelle quantité de gaz russe l’Ukraine consommait-elle?

L’Ukraine n’a jamais pu se permettre d’acheter autant de gaz que prévu dans ces accords et elle n’en avait même pas l’utilité. En 2010, la consommation de gaz s’élevait à 57,6 milliards de m3. En 2011, Gazprom a livré à Ukraine 40 milliards de m3, en 2012 – 33 milliards, en 2013 – 28 milliards de cubes. À partir de 2014, l’Ukraine se met à chercher d’autres fournisseurs de gaz : en 2014, l’Ukraine consomme encore 14,5 milliards de m3, alors qu’en 2015 ce volume tombe à 6,1 milliards de m3. En 2016 -2017, l’Ukraine n’a plus acheté de gaz russe.

Seulement de la politique?

À l’époque de Victor Ianoukovitch, l’Ukraine a dû signer les Accords de Kharkiv, selon lesquels l’Ukraine prolongeait la durée de la location en Crimée de bases pour la Marine russe jusqu’en 2042. En échange, l’Ukraine devait bénéficier d’une remise de 30% sur le gaz russe. Cependant, elle payait toujours plus cher que l’Europe.

Après la Révolution de la Dignité, Vladimir Poutine a écrit une lettre aux leaders européens dans laquelle il prétendait que pendant 4 ans, la Russie avait financé l’Ukraine,  dans le cadre des Accords de Kharkiv, pour la somme de 35,4 milliards de dollars. En même temps, la Russie exigeait que l’Ukraine achète le gaz selon les volumes et les prix indiqués dans le contrat de 2009.

Le début du procès de Naftogaz contre Gazprom

En 2014, Naftogaz a adressé à la Cour d’arbitrage de la Chambre de commerce de Stockholm une demande de révision de l’accord sur la livraison de gaz, signé par Timochenko.

Naftogaz demande la révision des prix du gaz acheté du 20 mai 2011 à octobre 2015, ainsi que la suppression de la partie «take-or-pay»du contrat. La somme des dommages et intérêts demandée s’élevait à 30,3 milliards de dollars.

Les prétentions de Gazprom à l’égard de Naftogaz

En juin, c’est Gazprom qui s’est adressé à la Cour d’arbitrage de la Chambre de commerce de Stockholm pour demander le remboursement de la dette de 47,1 milliards de dollars avec des amendes et des dommages et intêrets pour le gaz déjà livré.

Il ne s’agit pas de la première requête déposée contre Gazprom : l’expérience européenne

En 2009, l’Union Européenne a adopté le 3e paquet énergétique, dont l’objectif était le renforcement de la concurrence sur le marché de l’énergie. Selon les nouvelles règles les entreprises de production devaient être différentes de celles du transport et l’accès aux gazoducs et à toute l’infrastructure devaient être confié à une tierce partie. Ce paquet a anéanti les plans de Gazprom qui voulait monopoliser l’infrastructure des marchés du gaz européen.

Donc, de 2009 à 2015, Gazprom a dû réviser 65 fois les contrats avec 30 entreprises européennes. Pour le moment, Gazprom a dû faire face à 4 requêtes déposées contre lui dans les Cours d’arbitrage internationales, 8 entreprises ont demandé la révision des prix.

La décision préalable de la Cour d’arbitrage dans l’affaire ukrainienne

Le 31 mai 2017, la Cour d’arbitrage de la Chambre de commerce de Stockholm a rendu un verdict dans l’affaire ukrainienne.

Tout dabord, la condition «take-or-pay» a été entièrement supprimée.

Par la suite, l’arbitrage a satisfait la demande de l’entreprise ukrainienne concernant la révision du prix de la livraison du gaz par «Gazprom » compte tenu des conditions du marché. La Cour a ordonné de réviser les prix du gaz à partir de 2014, étant donné que Naftogaz a demandé de réviser le prix du gaz acheté du 20 mai 2011 à octobre 2015. Donc, le prix de la période 2011-2013 pourrait ne pas être révisé. Il reste toujours peu de chances que Gazprom rembourse le trop perçu».

Et enfin, la Cour a satisfait la demande de l’Ukraine de supprimer l’interdiction imposée par Gazprom sur la réexportation du gaz par d’autres entreprises. Au début du mois de mars, Gazprom s’est engagé à supprimer dans les contrats tous les obstacles qui empêchent la libre transaction du gaz sur les marchés de l’Europe centrale et occidentale.

Ce n’est qu’une décision préalable : pourquoi faire autant de bruit?

Gazprom estime que cette décision préalable de la Cour d’arbitrage de la Chambre de commerce de Stockholm est plutôt favorable à l’entreprise. Alexandre Medvedev, représentant de l’entreprise, prétend que la Cour n’aurait jamais supprimé la condition «take-or-pay».

Selon les experts ukrainiens, la décision finale ne sera pas tellement différente de celle-ci.

Selon les contrats de gaz signés par Gazprom et Naftogaz, la décision de la Cour de Stockholm est définitive et ne pourra plus être remise en cause.