Menu

Munich/Discours de Zelensky, «12 étapes pour renforcer la sécurité de l’Ukraine», Donbass

Situation dans la zone du conflit

Au cours de la semaine écoulée, les troupes russes ont violé la trêve à plusieurs reprises, en déployant des lance-grenades, des armes de petit calibre, des mitrailleuses lourdes et des mortiers de calibre 82 mm.


«12 étapes pour renforcer la sécurité de l’Ukraine»: Quels  problèmes pose ce document? 

Le dimanche 16 février s’est achevée à Munich la 56e conférence sur la sécurité. Cette année, le président allemand Frank-Walter Steinmeier, le ministre des Affaires étrangères allemand Heiko Maas, le président du Bundestag Wolfgang Schäuble, le premier ministre canadien Justin Trudeau, le chancelier autrichien Sebastian Kurz, la présidente de la Chambre des États-Unis, Nancy Pelosi, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo, le Premier ministre norvégien Erna Solberg et beaucoup d’autres étaient présents à Munich.

Lors de la conférence, le président ukrainien Volodymyr Zelensky devait prendre la parole samedi. Mais vendredi, premier jour de la conférence, alors que le leader ukrainien et son équipe atteignaient Munich, une confusion apparaissait autour du conflit ukraino-russe.

Le premier jour de la conférence, sur le site de l’événement, à côté du rapport officiel de la conférence, un document inattendu a été publié: «12 étapes vers une plus grande sécurité en Ukraine et dans la région euro-atlantique».

Cette publication sur le site officiel pouvait sembler refléter la position des délégués et des pays. Mais ce n’est pas le cas: les représentants de l’Ukraine n’étaient pas au courant de l’existence de ce document. En fait, les organisateurs de la Conférence de Munich ont créé une confusion en affichant le document sur leur site. Et le fait qu’il ait été signé par l’organisateur de la conférence, Wolfgang Ischinger; a donné du poids à ce document.
Le document semblait ainsi être la position officielle de la Conférence de Munich sur la sécurité. Mais il ne pouvait pas l’être.

Les points controversés. Le plan «12 étapes pour renforcer la sécurité de l’Ukraine», élaboré en collaboration avec les Russes, comporte ouvertement des propositions totalement inappropriées pour l’Ukraine. Il s’agit notamment de: développer une «nouvelle identité ukrainienne», en tenant compte des opinions de la Russie sur les questions d’histoire, de langue et de mémoire nationale ukrainiennes; créer une «feuille de route» pour modifier les sanctions imposées à la Russie avant sa pleine mise en œuvre des accords de Minsk; renouveler le rapprochement de l’UE et de la Fédération de Russie, sans même exiger la libération de la Crimée et, en général, de rétablir des relations complètes entre l’Occident et le Kremlin; ainsi qu’ un certain nombre d’autres points tout aussi contestables.

Ces positions ne sont pas acceptables pour l’Ukraine et ont provoqué une réaction négative à la fois des autorités ukrainiennes et de la société civile.

Dès vendredi matin, la réponse détaillée du groupe de réflexion du Conseil de l’Atlantique a été publiée. Elle a été signée par de nombreux représentants de l’élite diplomatique américaine, dont deux secrétaires d’État adjoints, d’anciens ambassadeurs américains en Ukraine et en Russie, un secrétaire général adjoint de l’OTAN et d’autres encore.

Qui est à l’origine de ce plan? Les concepteurs en sont trois groupes de réflexion occidentaux et un groupe russe. L’organisme russe n’est autre que le Conseil russe des affaires internationales (RRMS), qu’il est difficile de considérer comme indépendant du gouvernement (son co-fondateur est le ministère des Affaires étrangères de Russie et le président est le prédécesseur de Lavrov, l’ancien ministre Igor Ivanov). En outre, le document est signé par plus de 40 experts et anciens politiciens. Et parmi eux, trois Ukrainiens. Vassyl Filiptchuk, chef du célèbre centre d’experts Centre international d’études politiques , ancien diplomate connu depuis 2017 comme l’auteur de l’étude «9 étapes à faire pour désamorcer le conflit avec la Russie», où il a, entre autres, proposé d’«accepter de renoncer à l’adhésion à l’OTAN» à condition que les États-Unis et la Russie acceptent d’offrir à l’Ukraine des garanties de sécurité, et «d’établir un moratoire sur le statut de la Crimée», de «louer Sébastopol à la Fédération de Russie pour 99 ans», de passer à une intégration économique conjointe avec la Russie à l’UE, etc. A cette époque, la communauté d’experts a sévèrement critiqué le projet «9 étapes à faire pour désamorcer le conflit avec la Russie» et l’initiative n’a pas eu la suite.

Publier ou ne pas publier. Les aventures d’un document. Le document, qui a provoqué une vive réaction en Ukraine, a été rendu public le 14 février, peu avant la conférence. Le plan a été distribué aux participants de la conférence sous forme papier, il a été mis à disposition sur des tables dans l’hôtel où s’est tenue la réunion. Vers la fin de la journée, tout a changé de façon inattendue: le plan a disparu du site internet de la Conférence de Munich sur la sécurité et a été immédiatement retiré des tables de l’hôtel.

Wolfgang Ischinger, le président de la conférence et l’initiateur du plan, a expliqué aux responsables ukrainiens, qui lui demandaient des explications, que sa publication sous le logo de la Conférence de Munich était une erreur. Bien qu’il n’ait pas refusé sa signature dans le cadre de cette initiative, il a expliqué que c’était sa position privée.

Mais le soir du 15 février, le document a réapparu sur le site, disponible sur l’ancienne adresse, comme s’il n’en avait jamais disparu. Et le dimanche 16 février, la publication a été mise en ligne. Cependant, aucun changement n’a été apporté à la communication en langue allemande. Le public allemand continuait d’avoir des raisons de croire que la conférence de Munich, à laquelle assistaient également des Ukrainiens, soutenait l’idée de céder les intérêts de l’Ukraine à Poutine.

Et la version anglaise n’a pas disparu non plus, elle a juste changé le titre et l’adresse. Il s’est avéré qu’Ischinger avait fait des concessions minimes: il a reconnu que les propositions qu’il avait initiées faisaient l’object de critiques et a ajouté (mais uniquement dans la version anglaise) une opinion alternative, à savoir celle exprimée par l’autre côté de l’Atlantique.

Le commentaire du président Zelensky. Volodymyr Zelensky a clairement signifié que cette déclaration n’avait été en aucun cas convenue avec l’Ukraine.

«Je me suis toujours senti quelque peu blessé malgré, dans cette situation, le soutien de certains pays, tant sur le plan économique que dans le domaine des réformes ukrainiennes, lorsque les autres pays commencent à parler de l’Ukraine, à régler des questions liées à l’Ukraine, derrière notre dos. C’est comme avec ce plan dont vous avez parlé. À Munich, l’on a trouvé un nouveau plan pour régler la guerre dans l’est de l’Ukraine. Et nous? C’est notre guerre. Je veux juste rappeler aux autres que l’on peut nous demander notre avis».


Conférence de Munich sur la sécurité: discours d’ouverture de Volodymyr Zelensky

Outre son commentaire sur le plan qui a créé le scandale, le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, a prononcé un discours et répondu aux questions. Voici les principales thèses de son intervention.

La guerre n’est pas en Ukraine, la guerre est en Europe. «Je veux attirer votre attention sur le fait qu’il n’est pas tout à fait exact de dire «la guerre en Ukraine». C’est une guerre en Europe. Et cela, avec l’annexion de la Crimée, dure déjà depuis aussi longtemps que la Seconde guerre mondiale. Vous vous rendez compte? Oui, nous, plus que n’importe qui d’autre, cherchons à mettre fin à cette guerre. Et nous serons heureux lorsque les références à l’Ukraine en tant que zone de danger disparaîtront complètement des rapports internationaux. Mais cela ne devra se produire que lorsqu’une paix stable règnera dans le Donbass et que l’Ukraine retrouvera son intégrité territoriale à l’intérieur des frontières internationalement reconnues, lorsque notre peuple, les Ukrainiens, et nos territoires, le Donbass et la Crimée, nous reviendront.

L’Ukraine a le droit de dénoncer l’inefficacité des règles de sécurité internationales et d’exiger plus de soutien. «L’Ukraine a toujours apporté une contribution importante à la sécurité internationale. Et lorsqu’elle a été l’un des pays fondateurs de l’ONU. Et lorsqu’elle a abandonné ses armes nucléaires et a perdu une partie de son territoire au 21e siècle, et qu’elle continue de perdre ses citoyens. C’est pourquoi l’Ukraine a aujourd’hui le droit de parler de l’inefficacité des règles internationales existantes, de la nécessité de les repenser et de les réviser. Et les institutions existantes ne fonctionnent pas aussi efficacement qu’on le souhaite aujourd’hui».

Un dialogue avec la population du Donbass est nécessaire, mais pas avec les combattants. «Nous sommes prêts à dialoguer avec les civils de ces territoires. Mais pas avec ceux qui ne sont pas reconnus en termes de droit international et ne peuvent donc pas représenter la population locale d’Ukraine».

La mission de l’OSCE n’a toujours pas accès 24 heures sur 24 à l’ensemble du territoire temporairement non contrôlé de l’Ukraine. “Si je me souviens des arrangements conclus lors d’une réunion au format Normandie, je ne peux que mentionner l’accès fiable, sécurisé et 24 heures sur 24 du SMM de l’OSCE sur tout le territoire temporairement non contrôlé de l’Ukraine. Malheureusement, il n’est pas encore en place”.

Les élections dans les territoires occupés ne peuvent être tenues qu’après la réalisation des conditions de sécurité, le contrôle des frontières et également conformément à la loi ukrainienne. «Notre souhait est aujourd’hui de tenir des élections locales dans toute l’Ukraine, y compris certaines régions de Donetsk et de Louhansk, en octobre 2020. J’aimerais que ça se passe aussi en Crimée. Mais il est impossible pour nous de le faire sans des conditions politiques et de sécurité fondamentales, en violation de la Constitution ukrainienne et des normes internationales d’élections démocratiques. «Les élections» ne peuvent pas être reconnues si elles ne se déroulent pas conformement à la loi ukrainienne, mais dans le vacarme des coups de feu et sans le contrôle de notre frontière».

La sécurité humaine est plus importante que les ambitions géopolitiques des pays les plus puissants. «Il est impossible de construire de nouvelles règles mondiales sur la base des valeurs libérales si seuls certains pays dotés d’armes nucléaires ou d’un certain niveau de développement économique sont invités à les construire. Les problèmes de l’humanité doivent être résolus par tous les représentants de l’humanité.

Et cela ne peut être réalisé lorsque les ambitions géopolitiques et la réticence à céder sur ses propres intérêts économiques sont placées au-dessus de la sécurité humaine. Il est temps de se rappeler que les continents de notre planète ne sont pas avant tout des «marchés» et des «zones commerciales». C’est une maison pour sept milliards et demi de personnes”.