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Sixième anniversaire des exécutions de Maïdan: qu’est-ce qui a changé en un an?

Sixième anniversaire des meurtres sur la place Maïdan: qu’est-ce qui a changé en un an?
Le 20 février 2020, l’Ukraine se souvient des événements tragiques survenus il y a 6 ans : les trois jours les plus sanglants de la Révolution de la Dignité. Rien que le 20 février, 48 personnes étaient tuées sur la rue Instytutska, 80 autres blessées. Au total, 78 manifestants et 13 représentants des forces de l’ordre ont été tués lors des rassemblements en trois jours. Au cours de l’année écoulée, la société ukrainienne a remarqué que le récit principal des événements changeait progressivement, mais systématiquement. Découvrez comment, ainsi que la façon dont l’enquête sur l’affaire a progressé et comment l’attitude des Ukrainiens face aux événements de l’hiver 2013-2014 a changé dans ce matériel de l’UCMC.

Les changements d’attitude envers les événements de 2013-2014, qui pour la partie active de la société dans le pays sont devenus un point dans l’histoire récente de l’Ukraine, sont devenus très apparents après le changement de pouvoir en Ukraine en 2019, l’élection du nouveau président Zelensky et les élections législatives à la suite desquelles le parti présidentiel a obtenu la majorité à la Verkhovna Rada de l’Ukraine. La nouvelle rhétorique des autorités, la lenteur de l’enquête et la vengeance des opposants à Maïdan deviennent plus évidentes pour la société ukrainienne.

Nouvelle rhétorique du pouvoir. Ces derniers mois, une nouvelle rhétorique du pouvoir et une nouvelle attitude sont devenues apparentes. Le nouveau gouvernement utilise rarement le mot «Maïdan», on peut même dire qu’il évite délibérément d’utiliser le mot «Maïdan» (ainsi que, pour d’autres raisons, évite les expressions «Russie-agresseur», «guerre avec la Russie»), et évite également d’évaluer les événements de l’époque. Cela signifie peut-être que les changements intervenus dans le processus de la révolution de la dignité intéressent peu le nouveau pouvoir ukrainien, ainsi qu’une partie de ses électeurs.

Et le parti Serviteur du Peuple est représenté à la fois par des partisans ouverts de la Révolution de la Dignité, mais aussi par des opposants. Parmi ces derniers, par exemple, le député Maxime Buzhansky. Dans une interview accordée au journal Novye Vremya, il a déclaré qu’il n’avait jamais été critiqué par le groupe ou la direction du parti Serviteur du peuple.

Quant à l’équipe de Zelensky, selon les études sociologiques, elle essaie de plaire un peu à tout le monde. De plus, le Président n’a pas une attitude claire non seulement envers le Maïdan, mais aussi envers de nombreux autres événements et processus. Cette neutralité donne de l’espoir aux revanchistes.

Aucune justice n’a été faite: aucun verdict. La base du revanchisme moderne est l’absence de punition pour les opposants au Maïdan, même pour ceux qui ont directement tiré sur des manifestants sur la rue Instytutska.

Rappelons qu’immédiatement après la fuite de Viktor Ianoukovitch en février 2014, ses partisans ont soit suivi leur chef, soit, tout en restant en Ukraine, sont passés dans un état de dépression. Même ceux qui jouissaient de l’immunité parlementaire n’osaient pas s’opposer clairement au nouveau gouvernement. Ils n’ont pas empêché d’enquêter sur les «affaires Maïdan», au cours desquelles une équipe distincte a été formée au sein du Bureau du procureur général. Il s’agit de la direction spéciale des enquêtes au sein du Bureau du procureur général, sous la direction de Serhiy Horbatiuk.

Il est à noter que pendant la présidence de Porochenko, l’enquête a été partiellement entravée par le Bureau du procureur et le ministère de l’Intérieur. «Les enquêtes et les poursuites ont été entravées par les anciens procureurs généraux Yuri Lutsenko et Viktor Chokin, le chef du ministère de l’Intérieur Arsen Avakov, et d’autres», a déclaré Vitaliy Titych, avocat des familles des Héros de la Centurie céleste. En particulier, il y avait un accord tacite entre les anciens agents des forces anti-émeutes Berkut et le nouveau ministre de l’Intérieur Arsen Avakov selon lequel les ex-agents des Berkut pourraient éviter la persécution et la responsabilité s’ils acceptaient de combattre dans l’est de l’Ukraine.

En 2014, l’ancien commandant des forces spéciales des Berkut, Dmytro Sadovnyk, a fui en Russie pour être assigné à résidence. Trois ans plus tard, quatre anciens agents des Berkut sont partis dans la même direction.

Selon les experts impliqués, l’enquête a progressé difficilement. «Enquêter sur les crimes contre les manifestants n’aurait pas été possible sans la position très active des victimes, de la société civile, des témoins et des journalistes», explique Yevhenia Zakrevska, avocat des familles des Héros de la Centurie céleste.

À partir du moment où Zelensky est arrivé au pouvoir, la situation n’a fait qu’empirer. La fin de l’enquête et des poursuites dans les affaires de Maïdan n’est pas encore là. Récemment, 42 cas des affaires Maïdan ont été transférés du Bureau du procureur général au Bureau d’investigation d’État. Au total, il existe plus de 6 500 volumes pour les affaires Maïdan. Les familles des Héros de la Centurie céleste estiment que la dissolution du département de Sergiy Horbatiuk est une décision politique pour finalement clore affaire.

Mais le cas le plus retentissant a été l’échange de 5 ex-agents des Berkut en décembre 2019. Ce procès touchait à sa fin, car elle était examinée par le tribunal de l’arrondissement de Svyatochynsky à Kyiv depuis mai 2016. Les anciens agents des Berkut étaient accusés d’abus de pouvoir, de manipulation illégale d’armes, de meurtre délibéré et de lésions corporelles infligées aux manifestants. Le verdict devait être rendu en 2020.

Mais en décembre 2019, tous les 5 accusés ont été échangés par les autorités ukrainiennes contre les prisonniers détenus dans le territoire occupé de Donetsk et de Louhansk. Début février, deux d’entre eux sont rentrés à Kyiv pour « chercher la vérité ».

Médias: renforcement de la rhétorique anti-Maïdan. Le discours justifiant les actions des ex-agents des forces anti-émeute Berkut a été diffusé par les chaînes d’information Newsone et 112. Pendant la présidence de Petro Poroshenko, ces chaînes sont devenues la propriété de proches de Victor Medvedchuk. Les ex-députés Olena Bondarenko et Hanna Herman, ainsi que l’ancienne ministre de la Justice Olena Lukach, ont commencé à intervenir sur ces chaînes après une longue interruption de leur activité publique. Plus tard, le journaliste Vyacheslav Pihovchek, l’une des voix de l’équipe Ianoukovitch à l’époque de la Révolution orange, a été invité à animer des émissions sur ces chaînes.

Le 18 février 2020, une émission spéciale à l’occasion de l’anniversaire des événements sur la place Maïdan, a été diffusée sur la chaîne TV Newsone, appartenant à Taras Kozak, membre du parti Plateforme d’opposition – Pour la vie et proche collaborateur de Viktor Medvedchuk.

Le leitmotiv de l’émission était les paroles de Mykhaylo Dobkine, dans le passé l’un des associés du président fugitif Viktor Ianoukovitch : «Les représentants des forces de l’ordre (à l’époque du Maïdan) étaient de vrais héros qui ont rempli leur devoir de militaire et d’homme jusqu’au bout».

Dobkine a même prédit que pour le 10e anniversaire de la révolution, les anciens agents des Berkut, soupçonnés d’avoir tiré sur les protestants, seront accueillis dans ce studio comme des héros.

Toute la rhétorique anti- Maïdan actuelle devrait habituer les téléspectateurs et les lecteurs à penser que pendant les manifestations, tout n’est pas aussi clair que ce l’on pensait auparavant. Des voix diffusées sur les chaînes soi-disant prorusses tentent de remplir l’espace d’information et de déformer les souvenirs du Maïdan.

Tentatives de vengeance: le retour des ex-membres du parti des Régions, l’influence de Medvedchuk. Après la tenue de l’élection présidentielle de 2019, l’ex-fonctionnaire et juriste Andriy Portnov est retourné au pays. Il a commencé à inonder le Bureau national d’enquête (DBS) avec des déclarations de crimes qui auraient été commis par Porochenko.

Tout cela a inspiré d’autres politiciens qui soutenaient auparavant Ianoukovitch. Ils interviennent souvent dans des émissions télé et animent leurs propres émissions.

Le camp d’anti-Maïdan s’inspire de l’exemple de Viktor Medvedchuk. Ce député de la Verkhovna Rada, dont la fille a pour parrain le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, non seulement s’est longtemps rendu discrètement à Moscou, pour discuter avec le maître du Kremlin, mais a également fait plusieurs déclarations extrêmement négatives concernant les personnes et les événements qui ont renversé le régime Ianoukovitch. « Le pays a, en fait, perdu sa souveraineté, son indépendance, est passé sous contrôle externe et ne vit plus, mais existe », a déclaré Medvedchuk au journal Novye Vremya à la veille du sixième anniversaire de la fusillade sur la rue Instytutska.

Le Bureau d’investigation d’État: une idée pour abolir la loi interdisant la responsabilité pénale des manifestants. Le point culminant du retournement politique du nouveau gouvernement est devenu la déclaration de la directrice du Bureau d’investigation d’État, Iryna Venediktova, faite la veille du 6e anniversaire de la fusillade sur la place Maïdan. Venediktova estime que pour enquêter de manière honnête et raisonnable sur les affaires du Maïdan, il est nécessaire d’abolir la loi de 2014 interdisant de traduire en justice des manifestants.

Il convient de rappeler que le 21 février 2014, la Verkhovna Rada a adopté une loi interdisant de traduire en justice des manifestants.

Selon Venediktova, l’application de cette loi est contraire au Code de procédure pénale, et la loi susmentionnée empêche l’enquête objective sur les meurtres des représentants des forces de l’ordre.
«Au total, 78 manifestants et 13 policiers ont été tués. En termes de justice, nous devons également nous souvenir des 13 policiers chargés de l’application des lois qui ont exécuté l’ordre. Si les ordres étaient criminels, nous devons traduire en justice les responsables. Si nous voulons rétablir la justice et mener une enquête honnête, alors cette loi devrait être abolie …

De plus, nous avons rédigé un projet de loi sur la contumace (…) car sinon nous ne pouvons pas avancer. Je comprends que cette initiative ne sera pas soutenue par beaucoup de personnes, car la contumace affectera tout le monde … Mais sans cela, je le répète, il est impossible de passer à autre chose (dans les affaires de Maïdan – N.d.R.) », a-t-elle déclaré.