Affaire Satter-Sciences Po, 1ère partie : La Russie de Poutine, un défi à la science politique

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Ce premier article s’inscrit dans une série de réflexions, de la part d’un ancien élève de Sciences Po , sur l’environnement, les conditions et les conséquences de l’annulation d’une conférence de David Satter, auteur notamment de “The Less You Know, The Better You Sleep: Russia’s Road to Terror and Dictatorship under Yeltsin and Putin”

Russie de poutine: des mythes déconnectés de la réalité sociale et économique

La part du rêve

  • La Russie de Vladimir Poutine suscite bien souvent mythes, fantasmes et affairisme, particulièrement en France. C’est dire si celle, que l’on considère parfois comme une sorte “d’eldorado en devenir”, excite les imaginations et peut conduire à refuser de prendre connaissance d’une réalité souvent peu reluisante, allant jusqu’à l’ériger en modèle alternatif d’une Union européenne remise en question et d’une démocratie fragilisée.
  • A cette admiration, vient se greffer un anti-américanisme profondément enraciné dans une large partie de notre population.

Un potentiel sacrifié

  • La Russie de Vladimir Poutine reste, bien entendu, le pays le plus étendu du monde, mais est différente du géant que fut l’URSS.
  • Sa population vieillissante et déclinante, la ruine de son système de santé, son espérance de vie située largement derrière celle du Bengladesh et au coude à coude avec la Corée du Nord, son effondrement industriel, son enlisement technologique imposant le recours à des savoir faire occidentaux, y compris pour l’extraction de matières premières, sa corruption généralisée et galopante, y compris dans les universités, son refus de construire un Etat de droit[1], font d’elle un système qui consomme l’héritage soviétique, pourtant acquis au prix d’un coût humain exorbitant.

Mais une capacité retrouvée à perturber l’équilibre mondial

  • Cette économie de rente en régression, contrôlée par les cercles les plus proches du pouvoir, n’est plus une super puissance. Son PIB la classe entre l’Espagne et l’Italie.
  • Il n’en reste pas moins que la Russie de Poutine, ayant muselé toute opposition intérieure, étant classée au 148 rang sur 180 pays[2] en terme de liberté de presse, est la deuxième puissance nucléaire mondiale, disposant d’un droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU et se caractérisant par un aventurisme extérieur, affranchi du droit international, appuyé sur un outil de propagande particulièrement performant. Une connaissance approfondie des mécanisme de la Russie de Poutine est donc indispensable à tous ceux qui s’intéressent à notre sécurité collective.
  • Les chercheurs en sciences politiques, dont le CERI, et les étudiants en sciences politiques, futurs dirigeants de demain, ne peuvent pas faire l’économie de l’étude d’un système, qui a installé en 1999 à sa tête un personnage, autrefois insignifiant colonel du KGB à Dresde, et permis son maintien en éliminant progressivement l’ensemble de ses contre-pouvoir.

Russie de Poutine: une réalité politique où la part de l’ombre est entretenue

La construction du pouvoir, un modèle aux sources troubles

  • Les attentats de 1999 [3] ont contribué à l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, l’inconnu de Dresde. Ces attentats ont causé au moins 290 morts et des milliers de blessés dans la population russe.
  • Ces attentats ont momentanément été suspendus, après la découverte de la tentative de Riazan dont les préparateurs se sont avérés être des membres du FSB (organisme successeur du KGB), comme l’a rapporté le journal Libération[4].
  • Alexandre Litivinenko dans “Le temps des assassins”[5], ouvrage interdit en Russie, livre une enquête approfondie sur l’ensemble de ces attentats et montre qu’ils font partie d’un plan organisé par les services secrets russes. Il meurt empoisonné au polonium en novembre 2006.
  • La disparition de Livtinenko suit de peu celle d’Anna Politkovskaïa, qui avait mis en évidence les liens entre le terrorisme, la guerre de Tchétchénie et le contrôle de l’opinion par Vladimir Poutine. Elle est tuée par balles devant son domicile en octobre 2006.

Dont le scénario est en cours de duplication

  • Politkovskaïa et Litvinenko font partie de dizaines de journalistes, d’opposants, ou de proches du pouvoir devenus inutiles, voire compromettants, assassinés au cours des vingt dernières années en Russie.
  • Qui lit encore Anna Politkovskaïa? Pourtant, elle nous livre des éléments déterminants pour comprendre comment le scénario tchétchène a été dupliqué en Ukraine[6] et surtout en Syrie: élimination des contestataires modérés, encouragement et financement des extrémistes, tapi de bombe sur une population diabolisée au nom de la lutte contre le terrorisme.
  • John B. Dunlop, publie en 2012, «The Moscow Bombings of september 1999″[7]
  • Depuis lors, seul David Satter continuait à enquêter. Il a rendu compte de ses travaux en mai 2016 dans “The less you know, the better you sleep”[8].  De façon peu surprenante, il est le premier journaliste occidental expulsé de Russie depuis la fin de l’URSS.

Bernard Grua, Sciences po Ecofi – 1986

Articles à suivre:

Affaire Satter-Sciences Po, 2ème partie : Une annulation qui s’inscrit dans une pratique suscitant des interrogations

Affaire Satter-Sciences Po, 3ème partie : Une justification qui provoque de nouvelles questions.

Affaire Satter-Sciences Po, 4ème partie : MGIMO, un partenaire “Sciences Po compatible”?

Affaire Satter-Sciences Po, 5ème partie : Quelles perspectives?

Notes

[1] Comme nous le rappellent le procès fabriqué de Yoann Barbereau, très russophile directeur de l’Alliance Française d’Irkoutsk (Le Parisien 27/12/2016 Le Français Yoann Barbereau condamné à 15 ans de camp en Sibérie“) et l’enlèvement à son arrivée à Moscou de Roman Sushenko, correspondant de l’agence Ukrinform en France, résidant à Paris avec sa famille, et enfermé à Lefortovo sous une accusation d’espionnage dans ce qui est un nouveau kidnapping d’Etat à des fins d’échange (Page “Sushenko” d’Ukrinform)

[2] Amnesty International mars 2015 – “Russie le gel des libertés” 

[3] Wikipedia – “Attentats en Russie en 1999”

[4] Libération 26/07/2002 – “Russie : le FSB mis en cause dans des attentats”

[5] Nicolas Gary 29/07/2015 – “Le livre d’Alexander Litvinenko, maintenant classé “document extrémiste”

[6] Massacre par des Snipers des éléments les plus déterminés du Maidan, rue de l’Institut, le 20 février 2014, incantation récurrente de coup d’Etat mené par des néonazis par les médias du Kremlin, popularisation du “terme Junte de Kiev” pour un gouvernement issu d’élection tenues sous contrôle international et où l’extrême droite représentait moins de 5% contre 30% en France. Blog Bernard Grua 02/05/2014 – “À propos de Maïdan, un Nantais à Kyiv”

[7] “The Moscow Bombings of september 1999 : Examination of Russian Terrorist Attacks at the Onset of Vladimir Putin’s Rule”Les attentats de Moscou de septembre 1999 : enquête sur les actes terroristes en Russie à l’aube de l’ère Poutine»),

[8] David Satter 28/05/2016 – “The Less You Know, The Better You Sleep: Russia’s Road to Terror and Dictatorship under Yeltsin and Putin