La livraison du Mistral à la Russie impossible en l’état, selon Paris

Selon le ministre des Finances, les conditions de la remise du navire ne sont pas réunies. Mercredi, un membre du gouvernement russe a diffusé un document évoquant une livraison en novembre, ce que le constructeur a démenti.

Les conditions pour la livraison par la France à la Russie d’un premier navire de guerre Mistral «ne sont pas réunies» pour le moment, a déclaré jeudi le ministre des Finances, Michel Sapin. «Aujourd’hui les conditions ne sont pas réunies» pour une telle livraison, a affirmé le ministre sur RTL, alors que Moscou a affirmé mercredi qu’il prendrait livraison de ce porte-hélicoptères mi-novembre. L’annonce russe avait déjà été démentie par le constructeur du navire, sur fond de critiques des pays de l’Otan qui déplorent cette transaction en pleine crise ukrainienne.

La controverse sur la vente de ce porte-hélicoptères à la Russie, soumise à une série de sanctions économiques des États-Unis et des Européens, ressurgit au moment où le conflit armé dans l’est de l’Ukraine s’installe dans la durée, les autorités de Kiev et les séparatistes prorusses étant incapables de dialoguer. La crise se double d’un différent gazier entre l’Ukraine et la Russie, qui menace l’approvisionnement de l’Europe en gaz russe, discuté mercredi dans la soirée à Bruxelles.

Le vice-Premier ministre russe Dmitri Rogozine a diffusé sur son compte Twitter un document présenté comme une lettre de la direction de la «Division systèmes navals de surface» (DCNS), le groupe industriel français naval de défense, invitant la partie russe à une cérémonie le 14 novembre à Saint-Nazaire (ouest), où les chantiers navals construisent le Vladivostok, le premier des deux Mistral prévus par un contrat de juin 2011.

Cette lettre est datée du 8 octobre. Cité par les agences russes, Rogozine, notamment chargé du très important complexe militaro-industriel russe, a souligné qu’il s’agirait d’une cérémonie de «remise du premier navire Vladivostok et de mise à l’eau du second».

Interrogé par l’AFP, un porte-parole du constructeur DCNS a refusé d’authentifier la lettre et a déclaré qu’«aucune date de livraison ne peut être donc confirmée à ce stade». «DCNS précise qu’il est en attente des autorisations gouvernementales d’exportation nécessaires pour la réalisation d’un transfert», a ajouté le porte-parole. Mardi, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, avait déclaré que le président François Hollande prendrait sa décision sur la livraison «courant novembre», une position répétée mercredi par la présidence française.

Pression des Russes

Mais les Russes, qui ont déjà mis en garde Paris – livrez les Mistral ou rendez l’argent – accentuent la pression sur la présidence française, conscients que ce contrat d’1,2 milliard d’euros est vital pour la France dans le contexte général de crise économique et de marasme politique. En mettant Paris devant ses responsabilités contractuelles, Moscou sème aussi, à peu de frais, le trouble entre la France et les pays de l’Otan, notamment les anciens pays du Pacte de Varsovie comme la Pologne, qui voient d’un très mauvais œil cette vente. Varsovie avait ainsi souligné que la vente de Mistral ne l’aidait pas à choisir éventuellement un fournisseur français pour son système de défense anti-aérienne.

La vente de ces deux navires de guerre à la Russie, conclue sous le mandat du président Nicolas Sarkozy, n’a pris une tournure éminemment politique qu’avec la crise ukrainienne, en proie à une rébellion prorusse depuis le printemps. La France a été montrée du doigt, en particulier par les États-Unis, pour avoir l’intention de livrer un bateau de guerre à Moscou alors que les Occidentaux accusent Vladimir Poutine de jouer un rôle actif dans la crise en Ukraine.

François Hollande avait indiqué le 16 octobre qu’il conditionnait la livraison des bâtiments à la Russie à une application intégrale du plan de paix en Ukraine et à un cessez-le-feu entre l’armée ukrainienne et les séparatistes prorusses «entièrement respecté». Ce cessez-le-feu est violé quasiment chaque jour par les protagonistes du conflit. En septembre le chef de l’État français avait indiqué qu’il rendrait sa décision «à la fin du mois d’octobre» en fonction de la situation en Ukraine, où les hostilités dans l’Est ont fait plus de 3 700 morts depuis avril selon l’ONU.

Baptisé Vladivostok, le premier des deux bateaux de guerre commandés par la Russie a effectué ces dernières semaines des essais en mer au large de Saint-Nazaire dans l’ouest de la France. Ces bâtiments de projection et de commandement (BPC) sont des navires de guerre polyvalents pouvant transporter des hélicoptères et des chars, ou accueillir un état-major embarqué. Depuis le début de l’été, 360 marins russes se familiarisent en France avec le «Vladivostok». Leur présence sur le sol français est programmée jusqu’à l’automne.

AFP

http://www.liberation.fr/monde/2014/10/30/la-livraison-du-mistral-a-la-russie-impossible-en-l-etat-selon-paris_1132427