La diplomatie de la guerre : la conception ukrainienne des élections dans le Donbass

Petro Shoukliniv pour LIGA. L’article originale sur LIGA.NET

L’UCMC publie la version courte en français

Les détails des négociations secrètes russo-ukrainiennes, l’explication des propos de Franck-Walter Steinmeier, ministre des Affaires Étrangères allemand sur la «conception ukrainienne », l’analyse de la tactique de Volodymyr Poutine et son assistant proche Vladyslav Sourkov, ainsi que les projets diplomates et du gouvernement ukrainiens.

Il y a deux mois encore, au mois de mars, la future extension des sanctions à l’égard de la Russie à l’été 2016 paraissait peu probable. Désormais, il y a beaucoup plus de chances que Moscou reçoive de mauvaises nouvelles au mois de juin. Quant à Kiev, il fera mieux d’avoir des cartes en main pour convaincre l’Occident que la Russie ne tiendra pas ses engagements et cela malgré toutes les concessions que l’Ukraine est prête à accepter.

Les sanctions à l’égard de la Russie, seraient-elles prolongées?

 

Les sanctions de l’Occident à l’égard de la Russie prouveront leur efficacité à moyen terme, en particulier en ce qui concerne l’interdiction de la vente de la technologie minière, l’exploration et le forage, dont l’accès est fermé aux Russes. Maintenant, le Kremlin se concentrera sur l’assouplissement des sanctions en matière de prêts: la Russie a vraiment besoin de l’argent de l’Occident.

 

Il est probable que les sanctions seront assouplies. Cependant, plusieurs sources expliquent que les sanctions seront maintenues sans changement jusqu’au mois de décembre, en tout cas, telles sont les intentions des leaders européens. En même temps, il ne faut pas compter sur le renforcement des sanctions, même après une demande de renforcement, déposée par le Parlement européen.

 

L’assouplissement des sanctions est à prévoir au mois de décembre. Le devoir de l’Ukraine est de maintenir les humeurs au sein du G7 pour ne pas laisser diminuer la pression sur la Russie. Pour cela, Kiev pourrait adopter une loi sur les élections dans le Donbass, sans la réaliser.

 

Les élections, auraient-elle lieu? La conception ukrainienne des élections.

«Notre raisonnement est très simple : pas d’élections sans le cessez-le feu total. À titre d’exemple, l’OSCE estime que le cessez-le-feu est réel s’il dure depuis deux mois : sans morts, sans tirs des snipers, sans utilisation d’armement lourd», explique une source dans le bureau de Petro Porochenko.

De manière générale, la loi sur les élections n’est pas un problème. Elle pourrait être adoptée par le Parlement.

 

Mais cette loi est fondée sur un nombre de conditions : la loi ne pourrait être mise en vigueur si les séparatistes mènent une offensive, utilisent de l’armement lourd, essaient de perturber les élections ou tentent de falsifier les résultats. «Nous allons créer cette loi, basée sur un nombre de nuances, liés aux Accords de Minsk : le retrait de l’armée russe, la contrôle sur la frontière etc. Vous ne les réalisez pas ? Alors, nous ne réalisons pas les élections», explique interlocuteur de LIGA.NET dans l’administration de Porochenko.

 

La sécurité et la mission armée de l’OSCE

 

Selon un diplomate ukrainien qui a accepté de donner une interview à LIGA.NET, Pavlo Klimkine, ministre des Affaires Ètrangéres d’Ukraine a réussi à convaincre ses collègues européens de la nécessité d’introduire une mission policière de l’OSCE dans le Donbass. Il ne s’agit pas de l’armement lourd, mais uniquement d’hommes armés et de véhicules de combat légers. «Franck-Walter Steinmeier est de notre côté. Il est conscient que sans cette mission rien n’est possible». Selon les estimations, la mission armée de l’OSCE pourrait compter environs 5 000 personnes pour patrouiller au long de la ligne de démarcation, mais aussi le long de la frontière russo-ukrainienne dans le Donbass.

 

Ou pourrait-on mettre les armements du Donbass?

Tous les armements doivent être renvoyés en Russie. Bien entendu, les Russes seront contre. Les Occidentaux proposent d’organiser 4 entrepôts pour garder ces armements sous contrôle permanent de l’OSCE, en tout cas, avant de prendre une décision finale.

Le problème clé vient des exigences de Moscou. Si tous les armements sont renvoyés en Russie, cela veut dire que tout cela appartient aux Russes. Lors des négociations, la Russie a proposé de cacher les armements dans des entrepôts, d’attendre les élections et l’attribution d’un statut spécial aux combattants pro-russes pour ensuite renommer les maîtres des armements en une « milice populaire».  Selon les diplomates ukrainiens, cela est dépourvu de tout sens.

Et après ?

Dans une perspective proche, tout progrès dans le cadre des Accords de Minsk peut être atteint uniquement en ce qui concerne la mission armée de l’OSCE et ceci, uniquement suite aux négociations au format Normandie.

La seule solution, vue par le gouvernement ukrainien est une gestion internationale des territoires occupés du Donbass. Plusieurs scénarios ont déjà été proposés pour trouver un moyen de réaliser cette idée. Mais ils sont tous bloqués par le refus de Moscou de mettre réellement fin à la guerre.

«La logique de Poutine-Sourkov part dans deux directions possibles. La première est de laisser les territoires occupés du Donbass sous protectorat russe pour les introduire, par la suite, en Ukraine. La deuxième est de geler la guerre russo-ukrainienne dans le Donbass. Ces scénarios ne sont pas attirants pour l’Ukraine».

Actuellement, le grand jeu politique est en pause. Les sanctions contre la Russie seront prolongées au mois de juin, cela laissera un peu plus de temps à l’Ukraine pour renforcer ses positions et l’état financier de la Russie frôlera la catastrophe. Avant le mois de décembre, l’Ukraine devrait faire encore un demi pas vers les élections qui serviront de levier de pression sur Moscou.

Les élections seront liées au comportement de la Russie : le cessez-le-feu est instauré, l’armement lourd est retiré dans des entrepôts, la mission armée de l’OSCE est acceptée, alors la loi sur élections entrera en vigueur. Mais elle ne marchera pas si la Russie continue à envoyer ses troupes en Ukraine et à garder la frontière sous son contrôle.