Les élections dans le Donbass occupé provoqueront un précédent pour d’autre États européens.

Oleh Saakian, expert en politique, originaire de Horlivka, ville à 40 kilomètres de Donetsk, a été l’un des organisateurs du mouvement pro-ukrainien à Donetsk en 2013-2014. Dans une interview exclusive pour l’Ukraine Crisis Média Center, il parle des événements qui ont précédé la guerre dans le Donbass et dont il a été témoin, il s’exprime aussi au sujet des élections sur les territoires occupés, de la mission de police de l’OSCE et de l’avenir du Donbass.

Vous avez été l’un des organisateurs des actions de soutien à l’intégrité du territoire ukrainien et à l’Euromaїdan. Est-ce que ces actions étaient nombreuses? Quelles étaient les couches de population qui vous soutenaient?

Il y a eu plusieurs étapes dans le mouvement pro-ukrainien et dans le mouvement anti-ukrainien. La première étape a été un Antimaїdan, formé tout de suite après le début de l’Euromaїdan qui s’est déroulé partout en Ukraine, y compris à Donetsk. Cet Antimaїdan était composé surtout de personnes qui avaient  été payées, de fonctionnaires forcés d’y participer, très peu de personnes venues pour défendre leurs convictions. Après les manifestations, tous les outils : les panneaux, les drapeaux… tout était jeté dans les poubelles, les gens rentraient chez eux. Ils commençaient leurs rassemblements à une heure précise et partaient tous à une heure précise.

La deuxième étape a été provoquée par les discussions sur la langue russe à la fin de l’hiver 2014 après la victoire de la Révolution de la Dignité. Nos opposants ont essayé de promouvoir ce sujet pour déstabiliser la situation, mais cela n’a pas marché, car les gens n’étaient pas motivés.

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Photo: Oleh Saakian

Il fallait d’urgence trouver un autre prétexte pour déstabiliser la situation et ça été la troisième et l’ultime étape: l’idée du «Printemps russe» et le début du séparatisme. Il est à noter que le séparatisme n’a jamais été populaire dans le Donbass, les élections municipales le prouvent très bien, car lors de les toutes les élections, aucun parti pro-russe n’a jamais réussi à gagner, ni même à récolter un nombre important de votes. Toutes les actions culturelles séparatistes, les festivals, les rassemblements, ont aussi échoué, y compris la fameuse réunion des séparatistes à Severodonetsk, dont personne n’a entendu parler.

Nous avons essayé de résister à tout cela avec notre mouvement, l’Euromaїdan. A différents moments, ce mouvement a compté entre 15 et 150 personnes environ. Nous étions basés sur la place principale de Donetsk, à 150 mètres de la mairie qui n’avait pas encore été prise par les séparatistes. Ni Euromaїdan, ni Antimaїdan n’ont été vraiment soutenus par la population, car dans le Donbass, les gens sont toujours plutôt loyaux envers le pouvoir et vivent toujours selon un schéma bien déterminé : maison –travail- maison où il n’y a pas de place pour des protestations. Donc, pendant les deux premières étapes, les gens sont restés plutôt passifs.

Cependant, dès le début du «Printemps russe», la situation a changé. Les gens ont compris que quelqu’un essayait de leur prendre leur patrie, comme cela s’était déjà passé en Crimée. Donc, l’Euromaїdan a été remplacé par un nouveau mouvement : «Donetsk, c’est l’Ukraine».  Nous avons créé un groupe «Donetsk, c’est l’Ukraine» sur le réseau social «Vkontakte» et nous y avons publié un post pour dire que dans 22 heures, nous allons nous rassembler pour montrer que nous sommes des Ukrainiens. Nous savions déjà qu’à Donetsk les gens ne participaient pas aux manifestations, donc nous nous attendions à voir 20, 50 peut-être 150 personnes au maximum. Eh bien, cette action a rassemblé plus de 2000 personnes avec des drapeaux ukrainiens. Personne ne savait quoi faire et comment s’organiser. Il est intéressant à noter qu’au début,  les gens ne venaient pas au centre de la place, ils s’étaient regroupés partout sur la place  et dans les rues à côté pour observer la situation. Ensuite, ils ont commencé à distinguer des visages familiers : leurs amis, leurs voisins, leurs collègues, des vendeurs de magasins où ils faisaient leurs courses, des gens qu’ils croisaient. Et ils ont compris qu’à Donetsk, il y avait bien plus de patriotes que l’on aurait cru et qu’un patriote ukrainien n’était pas spécialement un radical portant la tenue traditionnelle et parlant ukrainien. Que cela peut être leur ami, leur voisin vêtu d’une tenue ordinaire et parlant russe. Et tout d’un coup, tous ceux qui se promenaient aux alentours de la place sont venus au  centre de la place. Je considère que ce jour-là, le 4 mars, est le jour où Donetsk a reconnu être une ville ukrainienne.

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Manifestation pro-ukrainienne à Donetsk le 5 mars 2014

Quel est le rôle de Rinat Achmetov dans ces événements?

Son rôle est difficile à identifier. A mon avis, le système de l’oligarchie ukrainienne a été fondé uniquement dans l’espace politique et économique, mais pas dans l’espace social. Les oligarques n’ont aucune conscience sociale. Donc, Achmetov ne s’est jamais rendu compte de son potentiel et des occasions qu’il avait dans le Donbass. Il préservait son image de gestionnaire du Donbass, mais les gens qui connaissaient la situation savaient très bien qu’il ne contrôlait pas tout, loin de là. Il restait plutôt le symbole du Donbass, un mécène qui organisait des parcs, qui a bâti le «Donbass Arena» (un stade de Donetsk). Mais il n’avait pas vraiment beaucoup d’influence sur la vie sociale de la région.

À quel moment la situation à Donetsk est-elle devenue critique? Était-il était possible d’éviter le conflit armé?

Je pense que la situation est devenue critique vers la mi-avril.  Mais je ne pense pas qu’on pouvait arrêter la guerre, car même si le gouvernement ukrainien avait réussi à arrêter le «Printemps russe», la Russie aurait continué à déstabiliser la situation, probablement ailleurs. Cependant, avant la mi-avril, le gouvernement ukrainien aurait pu entrer en dialogue avec les habitants pacifiques du Donbass, arrêter de force les séparatistes les plus actifs, mais il n’a rien fait. Rien dans l’espace politique et administratif n’a été fait pour arrêter l’agression russe. En outre, à ce moment, tous les habitants de Donetsk avaient  déjà compris qu’il s’agissait d’une agression russe. Nous suivions pas à pas le déplacement des «touristes» russes qui sont venus à Donetsk pour déstabiliser la situation : ils circulaient entre les points de change de monnaie et les supermarchés où ils achetaient tout l’alcool qui était à vendre. Après les premiers morts lors de la  manifestation du 13 mars 2014, Donetsk a plongé dans la terreur.  Le 13 mars, nous avons dû affronter pour la première fois des adversaires armés, des tueurs expérimentés. Les manifestants morts le 13 mars ont été tués par des professionnels. À titre d’exemple, Dmytro Tchernyavsky, (manifestant pro-ukrainien, membre du parti «Svoboda»), a été tué d’un coup de couteau dans le cœur porté entre deux plaques d’un gilet pare-balles. Seul un professionnel pouvait frapper ainsi.

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Dmytro Tchernyavsky, activiste pro-ukrainien tué à Donetsk le 13 mars 2014

Je pense que notre dernière chance d’éviter un conflit à grande échelle dans le Donbass était de ne pas laisser Igor Girkine (Strelkov) entrer à Donetsk. S’il avait été arrêté avant de prendre Donetsk, son échec militaire aurait démotivé ses partisans. Mais la Russie aurait utilisé un autre Girkine  soit à Marioupol, soit en Bessarabie ukrainienne, soit ailleurs. Comprenez que la Russie profite des faiblesses systématiques du gouvernement ukrainien, notamment sa vision de l’avenir de l’Etat ukrainien. Pour la plupart des Ukrainiens, quelle que soit la région, l’Ukraine n’était qu’un symbole politique et économique sans avenir précis. Ensuite, la politique régionale en Ukraine n’était pas définie et les habitants des différentes régions n’étaient pas conscients de leur identité ukrainienne, ils se voyaient d’abord comme habitants de telle ou telle région et seulement ensuite comme citoyens ukrainiens.

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Igor Girkine, officier de l’armée russe, premier chef de guerre des séparatistes à l’est de l’Ukraine

Pour quelle raison avez-vous décidé de quitter Donetsk et pourriez-vous y revenir un jour?

Après la manifestation sanglante du 13 mars, nous avons continué à nous battre pour le Donetsk ukrainien, en organisant plusieurs actions. La dernière a eu lieu le 28 avril. À ce moment là, nous avons compris que la situation était devenue dangereuse, que tout cela pourrait mal finir pour nous, que les séparatistes allaient nous battre, peut-être même nous tuer. Nous avions déjà eu des informations selon lesquelles nos adversaires possédaient des armes à feu. Mais nous ne pouvions pas ne pas utiliser cette dernière chance de défendre notre Donetsk. Ce jour-là, les combattants russes ont ouvert le feu sur les voitures d’Automaїdan de Donetsk juste au centre-ville. Notre manifestation a aussi été attaquée par environ 5 000 combattants qui coopéraient avec notre police. D’ailleurs, nous avons en notre possession une vidéo sur laquelle ils rendaient à la police des boucliers prêtés. Les policiers nous entouraient pour soi-disant nous défendre, mais en vérité, ils nous ont tendu un piège : au moment de l’attaque, ils nous frappaient aux jambes pour nous faire tomber. Ensuite, ils ont laissé les combattants russes nous entourer.

J’ai été obligé de quitter Donetsk après cette manifestation, pendant laquelle j’ai été blessé à la tête. J’ai passé la nuit dans des hôpitaux et je voulais revenir chez moi à Horlivka quand j’ai été informé  que j’étais recherché par les séparatistes et les tchétchènes venus de Russie qui attendaient, devant le foyer d’étudiants ou je logeais, pour m’arrêter.

Il est à noter que les séparatistes avaient déjà construit des check-points sur toutes les routes gardés par des militaires armés de Kalachnikov et des snipers. Et cela bien avant le soi-disant référendum. Les séparatistes avaient déjà placé leurs hommes dans les gares pour vérifier l’identité des gens achetant des billets de train. Dès qu’ils voyaient les noms de famille des activistes pro-ukrainiens recherchés, ils communiquaient aussitôt l’information aux séparatistes qui venaient les arrêter.

Donc, j’ai dû quitter le Donbass. J’ai payé une employée dans le train qui m’a laissé entrer sans billet trois minutes avant le départ du train.

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Un check-point séparatiste avec un drapeau russe dans le Donbass en 2014. Sur le panneau, il est marqué: “Bienvenue en enfer”. Photo: Radio Svoboda

Êtes-vous en contact avec vos amis qui sont restés sur les territoires occupés? Quelle est leur vie quotidienne?

Avec certains, oui. Je peux vous dire qu’ils sont désorientés et déçus. Ils vivent au  jour le  jour. Ceux qui ont soutenu l’Ukraine se sentent déçus et trahis. Ils n’arrivent pas à comprendre comment se fait-il que l’État ukrainien n’a pas su les défendre. Malheureusement, l’Ukraine a confirmé à leurs yeux les thèses de la propagande russe qui présente notre pays comme un État faible.

Pour décrire leur vie quotidienne, je dirais qu’il existe trois mondes différents dans les territoires occupés. Le premier monde est celui des gens ordinaires obligés de survivre comme ils peuvent. Le deuxième monde est celui des collaborateurs et des fonctionnaires payés par les autorités de ces soi-disant «Républiques populaires». Pour eux, rien n’a changé sauf qu’ils sont payés un peu mieux qu’avant la guerre. Ces deux mondes se croisent de temps en temps, mais leurs activités s’arrêtent une fois le soleil couché et le couvre-feu annoncé.

Et il y a aussi un troisième monde bien à part, celui des militaires qui règnent à la tombée de la nuit après le couvre-feu. Toute la nuit, les bars, les boîtes de nuit sont à eux.

Quant au premier monde, il est aussi divisé en deux parties : ceux qui sont toujours restés sur les territoires occupés et ceux qui sont revenus. Au début du conflit, beaucoup de gens sont partis, environ 70%. Il y a ceux qui sont partis en Ukraine. Il y a ceux qui sont partis en Russie, pas forcément parce qu’ils étaient pro-russes, mais surtout, parce qu’en Russie, ils avaient de la famille pour les héberger. Il y a aussi ceux qui sont partis en Ukraine par le territoire russe, car c’était plus simple, et qui sont sur les listes des autorités russes comme des déplacés ukrainiens ayant déménagé en Russie, alors qu’en vérité, ils n’y ont passé que quelques heures.

Malheureusement, parmi ceux qui sont partis en Ukraine, de nombreuses personnes n’ont pas su trouver leur place. Tout d’abord, parce que leur métier est bien spécifique, par exemple, les mineurs. Ensuite, car le taux de chômage en Ukraine est élevé, les salaires sont bas et les déplacés qui sont obligés de payer des logements, de payer des écoles et des crèches, d’acheter tout le nécessaire : du linge, de la vaisselle, des vêtements, des chaussures, n’arrivent pas à y survivre. Donc, ils ont été obligés de rentrer chez eux. Et, depuis, ils sont déçus par l’Ukraine. Bien entendu, la propagande russe utilise cette situation pour parler de la défaillance de l’État ukrainien.

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Donetsk sous occupation. Photo: vmestezp

Actuellement, les politiciens ukrainiens débattent beaucoup de l’introduction d’une mission de police de l’OSCE dans le Donbass. Qu’en pensez-vous?

Tout d’abord, il faut savoir ce qu’est une mission de police. Eh bien, une mission de police est composée de policiers avec des pistolets, dans le meilleur des cas avec des Kalachnikovs. Leur travail est d’assurer l’ordre, de combattre des criminels, mais ils ne pourront pas combattre des chars ou des systèmes de lance-roquettes multiples. La mission de police est utilisée afin de minimaliser le nombre des victimes lors d’une guerre civile quand il faut départager deux parties, patrouiller les rues et assurer la sécurité. Ou après la guerre, pour empêcher le banditisme. Que fera cette mission de police en Ukraine? Assurera-t-elle la sécurité sur les territoires occupés ou le déroulement des élections sur ces territoires? Assurera-t-elle le déroulement des élections? Donc, les policiers viendront le temps des élections et partiront tout de suite après? Qui garantira qu’après leur départ, la situation ne sera pas remise à zéro? Si la mission est introduite pour le rétablissement de la sécurité sur les territoires occupés, à qui transmettra-t-elle ses fonctions avant son départ?

Ensuite, où se trouvera-t-elle géographiquement?  Si on parle d’un conflit extérieur, alors la mission sera placée à la frontière russo-ukrainienne pour empêcher la Russie d’envoyer des armements et des combattants en Ukraine. Mais, attention, là, on parle d’élections possibles. Donc, le risque existe que cette mission soit placée sur la ligne de démarcation entre le territoire contrôlé par l’armée ukrainienne et les «Républiques» que nous légaliserons en y laissant organiser des élections. Ou bien cette mission sera envoyée sur tout le territoire occupé? Ou uniquement dans certains endroits? Mais, dans tous les cas, un millier ou un millier et demi de policiers ne suffira jamais pour établir leur contrôle que ce soit sur le territoire occupé ou sur la ligne de démarcation, ou sur la frontière.

Avec toutes ces questions, nous voyons clairement que ce geste symbolique, qui consiste à envoyer une mission de police, représente des risques de légaliser le pouvoir des combattants pro-russes sur les territoires occupés, de gaspiller les ressources de l’OSCE et de discréditer cette organisation. Sans parler du risque que cette mission compte un grand nombre de membres d’origine russe, donc, nous rendrons légitime la présence de militaires russes dans le Donbass.

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Les membres de la mission de l’OSCE invités au mariage du séparatiste à Lougansk. Photo: Censor. net

Justement, parlons des élections dans les territoires occupés. Ces élections pourront-elles être réalisées? Quels risques représentent-elles pour l’Ukraine?

Je suis persuadé que dans les conditions actuelles, les élections ne doivent pas être organisées. Si nous parlons des élections qui pourront avoir lieu à l’avenir, il y a plusieurs options; la condition nécessaire pour la réalisation des élections, c’est la dé-occupation. Le processus de dé-occupation prévoit le retour de l’Ukraine sur ce territoire dans tous les secteurs : économique, social, politique et surtout, la création de conditions égales pour tous ceux qui participent au processus électoral. Mais les élections ne peuvent pas être réalisées pendant la guerre et l’occupation, car il n’est pas possible d’assurer des conditions égales, à savoir le droit à l’information, le droit de se présenter, le droit de voter selon ses convictions, ainsi que la sécurité lors des élections. Je comparerais les élections sans dé-occupation à ce fameux référendum qui n’a jamais été et ne pourra être reconnu légitime. Je ne comprends pas comment nos partenaires occidentaux, qui insistent sur l’organisation de ces élections, pourront les reconnaître. Sans parler des conséquences irréversibles que ces élections pourront provoquer  comme des processus de défragmentation de l’Europe, alimentés et soutenus par la Russie, bien évidement. Car la Russie agit de manière très intelligente en utilisant les fossés et les problèmes existant au sein de l’Union Européenne.

Il est vrai que le succès de l’Ukraine dépend de la réintégration et de la solvabilité du Donbass Mais il est vrai aussi que le succès de l’Union Européenne et du projet de l’espace unique européen dépend de la solvabilité de l’Ukraine en tant que pays fort et uni.

Donc, les élections dans le Donbass occupé seront destructives, non seulement pour l’Ukraine, mais aussi pour toute l’Europe, car elles provoqueront un précédent pour d’autre États européens. L’époque des guerres hybrides ne fait que commencer et ces guerres seront de plus en plus perverses.

En outre, si les élections sont réalisées dans un état de guerre, quel sera le statut juridique des territoires occupés? Territoires occupés? Territoires autonomes? Quel sera le statut juridique des combattants qui s’y trouvent actuellement? De ceux qui gouverneront ces territoires?

Vous venez d’évoquer la réintégration des territoires occupés du Donbass en Ukraine. Donc, vous croyez que c’est possible?

Oui, j’y crois. Et le processus de réintégration sera étroitement lié au processus de reconstruction. La reconstruction et la création réunissent les gens mieux qu’autre chose. Mais pour réussir la réintégration, nous allons devoir oublier le Donbass et revenir aux origines, c’est-à-dire aux régions de Lougansk et de Donetsk qui existaient avant la soviétisation et l’industrialisation. Et cela ne dépendra pas des élites politiques, mais des élites sociales qui montrent déjà leurs forces et leur désir d’accélérer le processus de réintégration.  L’exemple des territoires libérés montre qu’une fois la guerre terminée, tout revient à sa place. En vérité, très peu d’habitants du Donbass soutenaient cette guerre et sont partis se battre. La majorité de la population a pour principe : «je suis les autres». C’est un trait spécifique de toutes les régions industrielles, pas seulement en Ukraine.

Tout d’abord, il faut réussir la dé-occupation. Pour cela, il faut établir la communication avec les habitants du Donbass. Je ne parle pas des représentants des deuxième et troisième mondes, ils ne nous intéressent pas. Je parle des gens ordinaires, même ceux qui ont été embobinés par la propagande russe. Toute sorte de communication, que ce soit, l’information, l’économie, la culture, est nécessaire pour que ces gens-là ne perdent pas le lien avec l’Ukraine.

Une fois les territoires repris par l’armée ukrainienne, il faudra recréer un champ de réalisation, pour les habitants du Donbass, qui les aidera à réapprendre à s’entendre avec les habitants du reste de l’Ukraine. Et la meilleure solution pour cela sera la création d’un nouveau projet ukrainien commun dans lequel la place du Donbass sera clairement définie. Tous les citoyens ukrainiens, y compris ceux vivant à Donetsk et Lougansk, devront ressentir la valeur qu’ils représentent pour l’État.

Cependant, pour réintégrer le Donbass en Ukraine, il faut éliminer le facteur militaire russe.

Je voudrais aussi mettre en garde contre le gel du conflit. Plus l’occupation dure, plus l’Ukraine aura des difficultés à récupérer ses citoyens restés sur les territoires occupés.

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