La voiture électrique en Ukraine, pourquoi est-elle populaire aujourd’hui?

Depuis le début de l’année 2016, le nombre des véhicules électriques en circulation dans les rues de Kiev est en forte augmentation. Nous allons expliquer les raisons de cette augmentation ainsi que son cadre.

Le marché du véhicule électrique (V.E) n’est plus un marché de niche comme durant les précédentes décennies, les taux de pénétration de cette catégorie sont en augmentation dans de nombreux pays (1% du marché neuf en France par exemple et 22% en Norvège). La grande majorité des voitures électriques circulant à Kiev sont des Nissan LEAF[1] d’occasion provenant des États-Unis. Ainsi, quelques unes des 230 000 LEAF[2] vendues dans le monde depuis le début de sa commercialisation en 2010 ont trouvé en Ukraine une seconde vie. Parmi les autres V.E importés, on trouve quelques Ford Focus électriques et des Toyota Rav4 électriques venant également du marché Nord-Américain. Les véhicules électriques achetés neufs en Ukraine sont très rares (BYD e6, Tesla, Mitsubishi I-MiEV…).

Les raisons économiques

Le prix de l’électricité en Ukraine est particulièrement bon marché: pour un particulier consommant moins de 100 kWh/mois, le prix du kWh est de 0,714 grivnia (soit environ 0,024 €[3]). La Nissan LEAF consommant de l’ordre de 13,5 kWh/100km, le prix sera inférieur à 10 grivnia pour parcourir 100 km (0,34 €).

En comparaison avec un véhicule thermique, le prix d’un litre de carburant est d’environ 22 grivnia (± 0,75 €). En prenant une voiture moyenne du parc automobile ukrainien consommant 8,5 l/100 km en agglomération, le prix au 100 km est de 187 grivnia (6,4 €).

Ainsi, à l’utilisation, la voiture électrique est presque 20 fois moins onéreuse qu’un véhicule thermique habituel. La voiture électrique est particulièrement compétitive car le parc automobile en circulation en Ukraine est constitué à la fois de vieux véhicules consommant beaucoup et de véhicules très puissants consommant eux aussi beaucoup.

Les raisons environnementales

Le développement des V.E est particulièrement cohérent lorsque l’électricité provient de sources renouvelables (exemple la Norvège où l’électricité provient à plus de 98% de sources renouvelables non-émettrices de CO2). Durant la phase de transition énergétique, le mot ‘’cohérent’’ conviendra également pour toutes les énergies n’émettant pas directement de Gaz à Effet de Serre (GES). Dans ce cas-là, le développement des véhicules électriques en France est également cohérent (en moyenne nationale annuelle, 1 kWh émet 79 g de dioxyde de carbone[4]).

En Ukraine, l’électricité provient majoritairement des énergies fossiles (environ 47%) et de l’énergie nucléaire (45 %)[5]. 1 kWh généré annuellement à l’échelle du pays émet 518 grammes de dioxyde de carbone.

Ainsi, la Nissan LEAF émet en France en moyenne 11 grammes de CO2 par km et en Ukraine 70 grammes de CO2 par km. En comparaison, les petits véhicules hybrides tels que la Toyota Yaris hybride présentent une émission de dioxyde de carbone légèrement supérieure[6]. Cependant, les véhicules hybrides de petite cylindrée ne sont pratiquement pas présents en Ukraine. Le véhicule thermique moyen en Ukraine émet en cycle urbain environ 8,5 l/100 km soit environ 207 grammes de CO2 par km.Par ailleurs, le véhicule thermique émet également d’autres substances qui elles, sont dangereuses pour la santé des populations (micro-particules, oxydes d’azote, COV, benzène, monoxyde de carbone…).

En Ukraine, la Nissan LEAF est responsable d’environ trois fois moins d’émissions de CO2 que le véhicule thermique moyen. De plus, ce véhicule n’émet aucune substance nocive pour la santé humaine au cours de son utilisation.

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Image 2 : Nissan LEAF en circulation dans la ville, image : F.Eyraud

Les raisons politiques

La question de l’indépendance du pays a toujours été importante en Ukraine. Cette question a gagné de l’importance au cours de la précédente Révolution. Par exemple, la traçabilité des produits dans les supermarchés indique l’origine des produits (couleur du drapeau et nom du pays). Ce système d’affichage a permis de valoriser les productions ukrainiennes car les Ukrainiens sont sensibles à consommer des produits ukrainiens ou européens. Cependant, concernant l’énergie et le secteur de l’automobile, un travail similaire n’a pas été effectué. Même si l’Ukraine dispose de réserves non-négligeables d’hydrocarbures, la demande dans le pays nécessite de faire appel à l’importation (en grande partie depuis le territoire de la Russie). L’utilisation d’un véhicule électrique permet ainsi de réduire la dépendance à l’égard des produits pétroliers.

L’Ukraine fait ainsi partie des pays propices au développement des véhicules électriques. Les raisons principales sont le coût très bas de l’électricité et la forte consommation du parc automobile déjà en circulation. Le développement du marché des véhicules électriques mériterait d’être soutenu par le gouvernement ukrainien qui y trouverait aussi des avantages essentiels : baisse de la dépendance à l’égard des hydrocarbures russes et amélioration de la qualité de l’air.

Florian Eyraud

Doctorant, université d’Aix-Marseille

[1]Selon la méthode de classification des véhicules par catégories (travail réalisé de 2014 à 2016 pour la thèse de l’auteur)

[2]http://www.automobile-propre.com/breves/renault-nissan-350-000-vehicules-electriques-vendus/

[3]Au taux de change de fin septembre 2016 1€ = 29,2 grivnia

[4]Émissions de CO2 en temps réel de la production électrique française : http://www.rte-france.com/fr/eco2mix/eco2mix-co2

[5]Origine de l’électricité en Ukraine : http://www.energies-renouvelables.org/observ-er/html/inventaire/pdf/15e-inventaire-Chap03-3.8.5-Ukraine.pdf

[6]L’ADEME a établi l’émission de la Yaris III hybride à 75 g de CO2 en moyenne mixte