Principaux points de l’intervention de Laurent Chamontin pour le colloque Ukraine-Russie : comment mettre fin au conflit

Né en 1964, Laurent Chamontin est diplômé de l’École Polytechnique (France). Il a vécu et voyagé dans l’ex-URSS. Il est l’auteur de « L’empire sans limites – pouvoir et société dans le monde russe » (préface d’Isabelle Facon – Éditions de l’Aube – 2014) et de « Ukraine et Russie : pour comprendre – retour de Marioupol » (en cours de publication par chapitre sur Diploweb)


Colloque. Ukraine-Russie : comment mettre fin au conflit

Principaux points de l’intervention de Laurent Chamontin :

17 octobre 2016

  • La crise actuelle menace aussi la sécurité de l’Europe : penser en particulier à la pression russe sur les oléoducs en Géorgie, au risque de déstabilisation de l’Ukraine, État plus vaste que la France et peuplé de 45 millions d’habitants, à l’implication du Kremlin dans les mouvements d’extrême-droite en Europe même.
  • En ce qui concerne la crise ukrainienne, il y a un certain discours sur la « faute de l’Occident » : américains et européens auraient provoqué la réaction de Vladimir Poutine. Ce n’est pas un argument qu’on peut complètement écarter. La négligence vis-à-vis des intérêts russes au Moyen-Orient depuis 2003 est une réalité ; quant à l’accord d’association avec l’Ukraine, les occidentaux ont pour le moins sous-estimé le potentiel de risque qu’il comportait du côté de la Russie.
  • Pour autant, on ne peut affirmer que l’OTAN menaçait la Russie. Le déploiement actuel de quelques milliers d’hommes dans les pays baltes en réaction à l’instabilité russe est là pour souligner qu’en 2013, l’OTAN ne cherchait absolument pas à provoquer la Russie.
  • Par ailleurs, mettre trop l’accent sur la « faute de l’Occident » conduit à ignorer le relatif désengagement des États-Unis en Europe et au Moyen-Orient, et aussi à ignorer le rôle clé de l’Ukraine qui n’est pas un acteur passif dans les mains de la CIA, mais un grand pays indépendant qui s’efforce de se débarrasser du marasme post-soviétique.
  • En effet le moteur principal de la crise est bien la question de la modernisation, en Russie comme en Ukraine. Pour la comprendre, il faut s’intéresser aux forces profondes, et ne pas se concentrer sur la personnalité de Vladimir Poutine.
  • Sur le temps long, la Russie est porteuse d’un modèle étatique qui s’oppose fermement au libéralisme, où l’administration se reconnaît difficilement des responsabilités vis-à-vis du corps social. Dire ceci, ce n’est pas dénier aux russes le droit à un pays enfin modernisé, c’est reconnaître une difficulté spécifique que la crise actuelle rend tout à fait visible. Plus l’Ukraine s’éloigne du modèle d’État irresponsable, corrompu et oligarchique, plus cela fait apparaître par contraste sa persistance en Russie. C’est ce qui explique au fond l’agressivité actuelle de Moscou.
  • Le problème de la voie choisie, la fuite en avant dans le militarisme pour offrir le spectacle de la « grandeur retrouvée » au public russe, est qu’il est beaucoup plus facile de s’y engager que d’en sortir.
  • Par intérêt bien compris, les pays européens doivent soutenir l’Ukraine et développer leurs politiques d’aide à la modernisation sur les flanc Est et Sud du continent ; ils doivent faire preuve de fermeté dans le but de canaliser l’instabilité russe, et s’efforcer de corriger les perceptions d’un public russe gavé de propagande ; ils doivent enfin prendre acte du relatif éloignement des États-Unis, en repensant leurs politiques d’armement dans un cadre de complémentarité entre l’UE et l’OTAN, et en prenant l’habitude d’aller défendre leurs intérêts à Washington.