Aujourd’hui, les résidents de la Crimée sont nombreux à vivre au rythme des coupures d’eau. Les réserves d’eau dans les réservoirs de Crimée ne sont pas suffisantes pour assurer un approvisionnement ininterrompu.
Selon certains informations, dans les villes, l’approvisionnement en eau chaude ne sera assuré que le week-end. L’apprivisionnement en eau froide sera assuré à certaines heures. Les médias russes ont signalé que Simferopol pourrait se retrouver sans eau d’ici mai. En général, les principaux réservoirs de la région sont remplis au tiers, cela pourrait suffire jusqu’au mois de juin.
Vers le milieu de l’été, le Comité de gestion de l’eau et du développement agraire de la Crimée, contrôlé par la Russie, se prépare déjà à proclamer la situation d’urgence dans la péninsule. Les autorités russes annoncent déjà des perturbations de l’approvisionnement en eau.
Selon le directeur adjoint de l’Institut des problèmes de l’eau et du développement agraire de l’Ukraine, Mykhailo Yatsyuk, plus de 60% du territoire de la péninsule souffre du manque d’eau et d’énormes champs irrigués jadis sont, désormais, sur le point de se transformer en désert.
Les autorités russes construisaient des prises d’eau, foraient des puits, mais n’arrivaient pas à résoudre ce problème. Au contraire, tout ceci a provoqué la salinisation des sols dans le nord de la Crimée, l’agriculture dans ces régions a disparu.
Les projets de dessalement d’eau de mer, de traitement des eaux usées, de construction d’une canalisation d’eau en provenance de Russie le long du fond de la mer Noire et d’approvisionnement en eau par un pont traversant le détroit de Kertch n’ont pas été réalisés.
Si les touristes peuvent être amenés par avion et que l’électricité est fournie par un pont énergétique depuis la région de Krasnodar en Russie, alors l’Ukraine continentale est la seule à pouvoir fournir de l’eau à la péninsule. Et seul Kyiv est en mesure de débarrasser le Kremlin de ce problème.
La situation s’est aggravée en ce moment, car l’automne et l’hiver 2019-2020 ont été avares. Il ne s’agit pas d’eau potable qui est censée être suffisante, mais d’eau technique, qui est utilisée, par exemple, dans l’agriculture ou sur des bases militaires.
Les autorités de l’occupation de la Crimée reconnaissent que le problème est réel. Le chef du gouvernement d’occupation de la Crimée, Sergei Aksyonov, a déclaré que la recherche de sources d’eau supplémentaires restait l’une des principales tâches des autorités de la Crimée.
Il a ajouté que la Crimée a reçu 20 milliards de roubles (environ 296 millions d’euros) pour la reconstruction du réservoir Mizhgirske, à travers lequel il sera possible de fournir de l’eau à Simferopol. Certains députés du Conseil d’État de Crimée n’excluent pas la possibilité d’acheter de l’eau en Ukraine continentale. «La Russie aide l’Ukraine avec le gaz, mais pourquoi ne demande-t-elle pas aux organisations internationales de continuer à nous fournir de l’eau?», a déclaré Valery Aksyonov, membre du Conseil d’État de Crimée.
Le secrétaire de presse du président de la Fédération de Russie, Dmitri Peskov, commentant la possibilité de laisser l’Ukraine reprendre le contrôle de la frontière dans le Donbass, si l’Ukraine acceptera de rétablir l’approvisionnement en eau de la Crimée, a déclaré que « la Crimée ne peut pas être un objet d’échange ». Mais il a ajouté que toute proposition d’approvisionnement en eau pourrait être examinée. « S’il y a des propositions pour un approvisionnement supplémentaire en eau, commercial ou autre, elles peuvent être considérées ».
David Arakhamia, président de la faction «Serviteur du peuple» dans la Verkhovna Rada. «Si nous rétablissons l’approvisionnement de l’eau de la Crimée en échange des avantages dans les négociations sur le Donbass, alors, personnellement, je considérerai cette proposition comme un compromis acceptable», a déclaré le 11 février le président de la faction parlementaire « Serviteur du peuple » David Arakhamia. Mais après que la déclaration eut retenti, il s’est excusé pour ces mots.
Députés du «Serviteur du peuple». Même avant la déclaration de David Arakhamia début février, Yuri Aristov, député du «Serviteur du peuple» et président de la Commission budgétaire auprès de la Verkhovna Rada, a déclaré que l’Ukraine envisageait de vendre de l’eau à la Crimée. «Les Israéliens vendent de l’eau à un pays belligérant, ils font de l’argent. Nous avons donc eu l’idée, par exemple, de vendre de l’eau à la Russie, c’est-à-dire à la Crimée. Par la suite, Aristov a précisé qu’il s’agissait simplement d’une idée sans aucune action concrète derrière.
En revanche, Elyzaveta Bohoutska, collègue d’Arakhamia et d’Aristov au sein de la faction «Serviteur du peuple» et originaire de la Crimée, s’oppose à la vente d’eau en Crimée occupée. «À qui vendre de l’eau? Quel est le statut de la Crimée maintenant? Avec qui passer un contrat? Que pourrait faire l’autre partie, si elle veut acheter cette eau? Mais c’est une occupation! Il n’est pas question de vendre de l’eau sur son territoire, mais aux occupants. Qu’ils nous rendent la Crimée, puis nous nous ferons un plaisir de vous fournir de l’eau. Il s’agit d’une position commune de la faction », a-t-elle déclaré.
Députés d’autres factions. Le Représentant du président de l’Ukraine auprès de la République autonome de Crimée, Anton Korynevytch, ainsi qu’Akhtem Tchyigoz, député de Solidarité européenne, dont la famille et les amis vivent toujours en Crimée, se sont catégoriquement opposés au rétablissement de l’approvisionnement en eau de la Crimée. «Quant à nos concitoyens, ils comprennent qu’il s’agit d’une lutte contre l’occupant. C’est pourquoi tout ce discours de certains représentants du parti présidentiel qui prétendent se soucier des citoyens est un mensonge et une tentative de tromper la société. Cela prouve qu’une partie de l’équipe présidentielle du «Serviteur du peuple» est prête à coopérer avec la Russie », estime Tchyigoz.
Majlis. Refat Tchubarov, chef du Majlis du peuple tatar de Crimée, estime que la possibilité de vendre de l’eau ne fait que « renforcer la position d’occupation de la péninsule». «Ce n’est que depuis le retrait des troupes que nous ouvrirons les premier écluses. Il n’y a pas d’autres compromis ». Refat Tchoubarov estime que les réserves d’eau potable sont suffisants en Crimée, l’eau pourrait manquer dans les bases agricoles et militaires de la Fédération de Russie.
Le nouveau président du bureau présidentiel, Andriy Yermak, a noté que l’Ukraine n’avait jamais discuté avec la Russie de la possibilité de rétablir l’approvisionnement en eau. Il a ajouté que les paroles de Davyd Arakhamia étaient ses pensées personnelles.
Le représentant du Majlis du peuple tatar de Crimée dans le district de Krasnoperekop de la République de Crimée Muzaraf Fukala s’est fermement opposé à ce que l’Ukraine vende de l’eau à la Crimée. «La plupart des Tatars de Crimée s’opposent à ce que l’Ukraine vende de l’eau à la péninsule. Parce que ce sera une trahison de l’Ukraine. On suppose également qu’il y aura une proposition d’échanger nos prisonniers contre eau».
Oleg Sentsov a déclaré que les personnes ne pourraient être échangés que contre les personnes, pas contre les concessions politiques. Mais la logique du Kremlin est le contraire. Par conséquent, il est possible que dans un proche avenir l’Ukraine puisse à nouveau plonger dans une confrontation interne.
Les Ukrainiens peuvent à nouveau se retrouver devant un choix entre une décision politique (rétablissement de l’approvisionnement en eau de la Crimée) et une décision humanitaire (retour des citoyens ukrainiens). Dans ce cas, l’approvisionnement en eau de la péninsule sera présenté comme acte humanitaire.
De toute évidence, l’approvisionnement en eau entraînera la perte d’un important levier d’influence de Kyiv sur le Kremlin et l’accord final de Kyiv avec l’annexion de la péninsule.