Premier tour des élections: principales conclusions
Le 31 mars 2019, le premier tour de l’élection présidentielle a eu lieu en Ukraine. Selon les résultats des sondages à la sortie des urnes, le leader est Volodymyr Zelensky. La deuxième place revient à Petro Porochenko avec environ 17%. Ioulia Tymochenko a obtenu 14% et ne sera donc pas présente au deuxième tour. Le décompte officiel des votes est en cours. L’UCMC suit la situation et met à jour les informations en 4 langues.
Derniers chiffres
Suite au dépouillement de 95.14% des protocoles dans la soirée du 1er avril, Zelensky obtient 30,23 des voix, Petro Porochenko (15,94%) , Ioulia Tymochenko (13,4%), Yuriy Boyko 11,58% et Anatoly Hrytsenko – 6, 96%.
Petro Porochenko est en tête dans les régions de Ternopil, Ivano-Frankivsk et Lviv et de même pour Yuriy Boyko dans les oblasts de Donetsk et de Louhansk.
Qu’y a-t-il de positif ou que montrent les résultats du premier tour des élections?
Les résultats du premier tour indiquent quelques tendances positives dans la société ukrainienne. Vitaliy Sytch, rédacteur en chef du magazine «Novoe vremya», présente dans son éditorial plusieurs thèses importantes. «Aujourd’hui, j’ai pris conscience du chemin difficile dans lequel nous nous sommes engagés depuis 15 ans. En 2004, Koutchma et Ianoukovitch ont tenté de voler l’élection présidentielle et falsifier les résultats. Cela n’a pas fonctionné», écrit-il. Depuis lors, 15 ans plus tard:
En Ukraine, les résultats de l’élection présidentielle sont imprévisibles comme parfois en France: trois candidats avaient une possibilité de gagner et cinq une possibilité d’accéder au second tour. Tous les candidats, sans exception, ont pu s’exprimer ouvertement, voire violemment sur les chaînes de télévision nationales. Les médias ont soutenu divers candidats.
De nombreux journalistes d’investigation en Ukraine ont pu interpeler le président sur les sujets les plus sensibles. Ils sont en concurrence les uns avec les autres. Les résultats de leurs enquêtes sont connus dans tout le pays et leur droit au travail n’est jamais entravé. Ce n’était pas le cas au début des années 2000. Les services sociologiques se font également concurrence et publient des données concernant le soutien réel apporté aux candidats à la présidence et aux partis politiques. La même procédure s’applique pour les sondages sortis des urnes.
«Dans ces domaines, nous avons parcouru un long chemin en 15 ans. Les anciens voisins socialistes – comme la Russie, le Belarus et le Kazakhstan – devront emprunter une route très longue et difficile» , conclut le journaliste.
Pourquoi Zelensky?
Lors de cette élection, trois discours différents se sont affrontés. Ceux pour qui le principal problème du pays est la guerre ont voté pour le Commandant suprême (conscients ou pas de ses lacunes dans d’autres domaines). Ceux pour qui le besoin principal est le remplacement des élites politiques ont choisi un nouveau visage (conscients ou pas de ses lacunes). Ceux pour qui le principal problème est la pauvreté et la paupérisation ont choisi le principal combattant contre l’appauvrissement. Malgré le fait que, selon une étude sociologique, environ 70% des Ukrainiens considèrent la guerre comme le problème le plus important du pays, le jour du vote, le désir d’avoir un nouveau chef l’a emporté.
Vote de protestation déjà au premier tour. Les résultats du sondage montrent qu’un grand nombre d’électeurs votent « contre » – en particulier contre la classe politique existante et les institutions établies. Parmi les risques de visages inconnus et familiers, ils choisissent le risque et l’image virtuelle de la « nouvelle personne », même si elle manque manifestement d’expérience, de professionnalisme, d’indépendance, de vision, de projets pour le pays, etc.
La victoire d’un candidat virtuel. La force de la candidature de Zelensky est qu’elle est virtuelle. Zelensky ne rencontre pas les électeurs, ne donne pas d’interview aux journalistes ukrainiens et n’a pas participé au débat public, comme l’actuel président d’ailleurs. «En fait, ceux qui écrivent que nous sommes confrontés au phénomène post-moderne ont raison. Zelensky est un simulacre de Jean Baudrillard, une réalité supposée, une réalité qui cache le fait qu’elle n’existe pas», écrit Serhiy Stukanov, analyste du Centre de l’analyse de contenu.
«Zelensky n’a pas accordé d’interview après l’annonce des sondages à la sortie des urnes. Mais les électeurs de Zelensky ne sont pas intéressés par la télévision. Demain matin, il fera quelques pages pour eux sur Instagram et YouTube – et ils seront satisfaits. Même si Ze n’existait pas et que ces pages étaient holographiques, ses électeurs ne seraient pas gênés. Ils votent pour un mythe, pour Goloborodko, qui n’existe qu’au cinéma».
Réaction de la Russie: non-reconnaissance des élections mise «en pause»
Il est évident que la Russie surveille de près les élections en Ukraine, car la politique étrangère du pays dépend du président. Le groupe d’analyse HWAG de l’UCMC a analysé les principaux articles des médias russes le jour du scrutin. Nous donnons les thèses de base de nos collègues.
Une large couverture a été diffusée les derniers jours de la campagne, le jour de silence, du processus électoral et des premiers résultats du vote sur tous les canaux centraux. Les présentateurs de l’émission « 60 minutes », Skabeyeva et Popov, ont consacré tout le dimanche (!) à la diffusion en direct. Les élections en Ukraine sont au centre du changement du programme d’information des médias contrôlés par le Kremlin, qui consiste à minimiser l’attention à la situation locale et à se focaliser sur l’image négative des autres pays, créant ainsi un sentiment de chaos, de danger et d’hostilité envers les Russes hors de Russie.
Injection négative. Les médias russes montrent le processus électoral en Ukraine comme s’il se déroulait dans une atmosphère de tension sociale élevée tant parmi les électeurs que parmi les autorités. Ils renforcent l’idée d’un gouvernement de « junte » qui a sorti des véhicules militaire dans la rue, qui assure un niveau de sécurité accru et qui se traduit en fait par une pression armée à l’encontre de la population.
Diffusion de l’idée que les élections étaient injustes et donc illégitimes, et ressenties comme telles par le peuple ukrainien, est largement développée. L’accent est surtout mis sur les falsifications, malgré les appréciations des observateurs internationaux qui ont noté que, dans l’ensemble, les élections s’étaient déroulées dans le calme. C’est Porochenko qui est souvent accusé d’avoir donné des pots-de-vin, mais également, Ioulia Tymochenko.
Le taux de popularité excessif du candidat pro-russe Boyko. Cette surestimation permet aux médias russes d’affirmer:
a) que les résultats ont été truqués.
b) de renforcer l’idée d’inhibition de l’électorat pro-russe éventuel
c) de continuer à promouvoir l’idée que les Ukrainiens luttent pour le vecteur russe en politique étrangère, mais que le pouvoir autoritaire réprime de tels sentiments.
En général, la perception positive d’un pourcentage élevé de votes pour Zelensky, marque d’une critique écrasante du gouvernement actuel, ressort dans les colonnes des médias.
Un éloignement temporaire par rapport à l’idée de non-reconnaissance des résultats des élections, activement défendue par certains politiciens et médias, est envisagé. On peut anticiper un retour à cette idée, dont la mise en œuvre potentielle a déjà été définie au niveau législatif à l’initiative du chef du Parti libéral démocrate, Vladimir Jirinovsky. Dmitry Medvedev, porte-parole de Vladimir Poutine, a indiqué que tant que les élections ne seraient pas terminées, il ne répondrait pas à la question de savoir si le Kremlin accepte ou refuse les résultats du vote, ce qui indique au moins l’existence d’un tel scénario. Le public des chaînes de télévision russes a été préparé par le biais d’une discussion préliminaire active, et la faisabilité de sa mise en œuvre dépendra du niveau de mécontentement du Kremlin suite aux résultats des élections.