L’article originale a été publié sur le site de l’EMPR
Nous avons beaucoup entendu et lu que grâce aux efforts des bénévoles les soldats Ukrainiens au front obtiennent la nourriture, les médicaments et tout le nécessaire.
Cependant, l’état-major général et le gouvernement affirment que les soldats sont approvisionnés de tout le nécessaire avec les fonds publics. EMPR a décidé de vérifier personnellement quel est l’état réel des choses au niveau de l’approvisionnement des militaires dans la zone de combats dans l’est de l’Ukraine. A la recherche de la vérité, notre correspondant a passé deux jours avec un groupe de bénévoles pour que nos lecteurs puissent plonger dans un système incroyable, unique, d’aide des patriotes de l’Ukraine, qui par la force d’e leur esprit, de leur volonté, par le désir de justice et parfois au prix de leur propre vie protègent notre terre des occupants russes.
Dans la première partie de ce rapport exclusif sont décrit la collecte d’aide des bénévoles pour les soldats, le début du voyage et l’arrêt à une base militaire d’un bataillon d’infanterie mécanisée.
Notre voyage se poursuit. Nous avons quitté la base militaire et nous sommes dirigés vers un petit village où sont dispersées les unités du «Pravyi sector”. De temps en temps, notre route traverse les agglomérations, les petits villages, où, même si cela paraît étrange, la vie continue. Nous voyons des gens et même des enfants jouer près de leur domicile. Si la trêve fragile est violée, alors ces gens seront en grand danger. Mais la plupart des habitants de ces lieux n’ont jamais voyagé, même en Ukraine, pour ne pas mentionner d’autres pays. Leur village natal, leur région natale de Donetsk – c’est tout ce qu’ils ont vu dans leur vie. C’est leur monde et ils nen connaissent pas dautre. C’est pourquoi, beaucoup restent là, malgré la guerre, juste à côté de leurs maisons. Plus que la guerre et la mort, ils ont peur de perdre leurs maisons, perdre leurs repères, ils ont peur de l’inconnu.
Dans un des villages, nous rencontrons un char ukrainien. A côté, sur la route empoussiérée, marche une jeune femme, conduisant par la main un enfant portant une veste rouge. Aucun d’entre eux ne paraît faire attention au char…
Derrière les vitres de la voiture : plus nous nous rapprochons de la ligne de démarcation, moins nous voyons de gens. Les maisons sont de plus en plus endommagées. Enfin, nous nous approchons dun village à moitié détruit, abandonné par les habitants, où est positionné un des bataillons DUK (corps volontaire ukrainien). «Pravyi sector”. Il est très proche de la ligne de front, à côté de l’aéroport de Donetsk connu par sa triste histoire. S’il n’y avait pas de combattants de «Pravyi sector” que nous apercevons dans les cours en passant, le village semblerait fantomatique, irréel. Autrefois les gens habitaient ici, travaillaient, conduisaient les enfants à l’école, lisaient des livres, et dînaient réunissant toute la famille autour de la table …. Et ensuite la guerre est arrivée dans leurs maisons. Ils ont vite quitté ces maisons en emportant avec eux seulement le strict nécessaire, sans même fermer la porte.Pourquoi ?…Une porte ne peut arrêter une guerre.
Les murs des maisons sont béants de trous d’obus, les vitres des fenêtres sont brisées par les ondes de choc. Les pièces sont en désordre: sols jonchés de livres, de papiers, d’objets divers… Dans une des maisons, une casserole rouge à pois blanc est restée sur la plaque de cuisson. On trouvait les mêmes souvent sur les comptoirs des magasins soviétiques. A côté sur la table … un bol, une assiette, un récipient pour les céréales ou les pâtes . Tout près de la maison, dans une tranchée un véhicule blindé a terminé son existence. Devant la maison voisine, juste près du portail, un arbre de Noël roux et desséché pandouille, pris dans la clôture. Il conserve encore quelques décorations.Sur une des branches est attaché un petit ruban jaune bleu, un minuscule drapeau de lUkraine. Sous ce sapin traîne un jouet d’enfant : une peluche… un lapin vert dans lequel est planté et ressort un morceau de fil de fer.
A proximité des maisons sont installées des constructions anti-chars, des “hérissons” métalliques. Les mêmes que nous avons vu si souvent sur les écrans des téléviseurs dans des films sur la guerre. Derrière eux, commence le champ de “stipa dorée” (plante caractéristique des steppes d’Ukraine), qui continue de pousser miraculeusement sur le sol calciné et gris. Il y règne une forte odeur de brûlé.La terre ici est toute retournée par les obus, les mines, les chenilles de chars. Elle est jonchée de briques, d’éclats de fer, de branches d’arbres cassées. Reviendra-t-elle un jour la vie normale dans ce village? Qui sait … Il sera difficile de réparer tout cela, remettre de l’ordre, planter de nouveau des arbres, des légumes, des fruits. Le village est encerclé de mines non explosées, alignées par les fils en rangées pour piéger…Un an de la guerre a anéanti complètement les décennies au cours desquelles les habitants aménageaient leur vie et pendant encore pour plusieurs années… cette terre sera marquée par la guerre.
La voiture s’arrête près d’une des maisons, le soi-disant «entrepôt». Ici, nous attendent déjà les combattants de « Pravyi sector ». Les bénévoles sont toujours les bienvenus pour les militaires professionnels et les volontaires. Nous commençons à décharger la voiture: les pommes de terre, les oignons, le sucre, des biscuits, des gaufrettes, des bonbons. Leau potable! Ici, l’eau est trop polluée, nocive pour la santé. Et même celle-là manque pour se laver. Ce est pourquoi nous avons emmené ici plusieurs cartons de lingettes humides. Nos garçons les utilisent ici pour rester toujours propres.
Mais ils attendent aussi des nouvelles, comme ils disent de “la grande terre.” Surtout maintenant, car depuis quelques jours, le Président de l’Ukraine Porochenko a ordonné le retrait des bataillons de volontaires de leurs positions dans la zone de combat. Je leur demande de commenter cet ordre. Un des volontaires, médecin militaire Andrei Gratchev, qui est devenu connu il y a deux mois, après avoir enregistré l’appel filmé au président dans lequel lui et plusieurs de ses camarades ont exprimé leur mécontentement avec la politique du président et du gouvernement, en particulier sur le manque de ravitaillement de l’armée, de la dévaluation de la hryvnia, de la hausse des prix. Il répond: “A propos de la déclaration du Président au sujet de “Pravyi sector” qui devrait se retirer…Oui, sans doute, mais avec lui partira aussi le président. Parce que si ” Pravyi sector ” doit partir d’ici …. – Les gars, ne faites pas cette bêtise….- Si vous nous laissez, nous tous mourrons tous simplement ici. Néanmoins nous allons essayer de survivre et ensuite demander des comptes sur le pourquoi de ce qui a été fait. Que puis-je vous dire de plus? Mais “Pravyi sector” ne partira pas. Ce sont de vrais patriotes. Ils ne partiront jamais. J’en suis plus que sûr.”
Andrei donne l’interview volontiers et n’a pas “sa langue dans sa poche”. Après avoir commenté l’ordre de Porochenko, il passe sur le sujet des Ukrainiens qui restent indifférents au problèmes de leur pays natal : “Regardez ces jeunes! Ils sont ici avec nous. Nous sommes ici et vous vous êtes là bas aujourd’hui. Peut-être que nos femmes ukrainiennes devraient comprendre depuis longtemps qu’il est temps de dire à leurs copains, amis, hommes : écoutez, vous êtes qui ? Etes vous des lâches ou des hommes ? Il faut venir ici, c’est ici que sont les vrais hommes, nos amis les volontaires. Sans eux nous ne sommes rien, c’est une partie de nous, nous sommes un TOUT. Nous ne pouvons rien sans eux. Voila, Monsieur le Président … Il ne faut pas écarter « Pravyi sector » ou essayer de le faire, simplement il ne faut pas.”
Profitant de l’occasion, je lui pose la question s’il avait vu des soldats russes militant en Ukraine. La réponse est directe, sans le moindre doute: “Mais c’est moi personnellement qui retournait les cadavres de soldats russes. Ils portaient leurs propres papiers estampillés “RF” (Fédération Russe)”.
Andrei est médecin et est entré dans l’armée de sa propre volonté, il a quitté volontairement sa maison et une vie confortable sécurisante pour une vie pleine de dangers, sous les obus et les balles.
Il faut dire, que le volontariat ukrainien est un phénomène unique dans son genre. Dans les bataillons de volontaires comme dans les unités régulières de l’armée ukrainienne luttent, héroïquement des gens de différentes professions: journalistes, avocats, mécaniciens, plombiers, vétérinaires. Les gens qui avant la guerre n’avaient rien de commun avec l’armée, dans un court délais sont devenus militaires professionnels, résistant avec succès à l’armée russe formée et entraînée pendant les guerres au Caucase. Mais parmis ces braves hommes et femmes, il y a des personnalités qui sont extraordinaires par leur courage. Aujourd’hui, j’ai eu de la chance de parler avec l’une d’elles. Olya Bashey, connue sous le pseudonyme « Krocka » ( on dit « Petite » en français). Elle est avocate et a travaillé comme assistante d’un notaire à Kiev. Mais dès le début de la guerre, elle a tout quitté et est partie au front. N’ayant ni formation médicale, ni aucune expérience, en six mois, elle a sauvé la vie d’au moins 500 soldats blessés. Quand vous regardez cette jeune femme si fragile et si souriante, vous ne pouvez pas vous empêcher de vous demander d’où puise-t- elle tant de force et de courage pour combattre tous les jours la mort afin de ne pas lui permettre de prendre nos soldats. “Je sais juste que nos garçons ont besoin de moi”, répond Olya avec son permanent sourire joyeux.
La voiture est déchargée, les dernières photos souvenirs sont faites, un court adieu et nous partons. Nous passons par le même poste de contrôle que ce matin, puis nous nous arrêtons de nouveau à la station-service déjà familière. Hot-dogs, cafés, cigarettes. Nous rentrons à la maison… La nuit, dans la voiture, je me souviens des gens dont j’ai fait connaissance aujourd’hui, je me souviens combien ils étaient heureux de nous voir pour se rassurer une fois de plus que là-bas sur la “grande terre”, ils ne sont pas oubliés et je suis persuadé que rien que pour ces moments là… il était nécessaire de supporter cette longue route risquée. Pour ces moments là et dans le but de m’assurer aussi une fois de plus que les Ukrainiens sont maintenant vraiment devenus une Nation.