Entre journalisme et guerre de l’information

Le portail allemand deutschlandfunk a publié un article de Sabine Adler qui, fin juin 2017, avait visité le « Donbass Forum des médias » à Svyatoguirsk, près de la ligne d’affrontement. Au forum, les journalistes de l’est de l’Ukraine, ainsi que les invités étrangers, ont essayé de répondre à la question de savoir si un journalisme indépendant était possible pendant la guerre. Ukraine Crisis Media Center présente une version abrégée du rapport de la journaliste allemande.

Journaliste patriotique

« Je pense qu’il est bon et juste qu’un journaliste soit patriote pendant la guerre », dit Svitlana Ieremenko, directrice exécutive de l’Institut de la Démocratie Pylyp-Orlyk. Ievheni Fialko, rédacteur en chef et organisateur du journal local « Notre Droujkovka » dans une ville qui est restée aux mains des séparatistes pendant un court laps de temps, a le même avis. Il conçoit  son rôle de rédacteur comme celui d’un soldat qui protège sa partie au front lors d’une guerre de l’information. Ievheni raconte comment, mis à l’index par les occupants, il a dû fuir sa ville natale, et comment après la libération, il est revenu dans une ville pleine de gens effrayés. “Il est possible d’en discuter lorsque le drapeau ukrainien vole à nouveau sur le toit”, dit-il.

Pourtant, une telle approche est critiquée par Anton, un journaliste de Marioupol. Il est convaincu qu’un journaliste devrait entendre les deux côtés du conflit, alors qu’un patriote ne pourra pas traiter les informations du côté opposé d’une manière objective.

Occupation de l’information

Selon l’Institut de l’information de Donetsk, d’après les résultats des recherches de quatre grands journaux de chaque côté du conflit, 26% des articles dans les journaux séparatistes sont remplis de haine pour Kiev, en particulier le journal des soi-disant DNR et LNR   “Nouvelle-Russie “ qui se sert exclusivement d’un langage exprimant la haine et qui est interdit en Ukraine. Dans les journaux de l’Ukraine libre, par contre, seulement environ 2% des articles contiennent des commentaires haineux.

Svitlana Ieremenko prétend que les citoyens ukrainiens dans les territoires occupés sont dans un isolement médiatique. Les médias sont dictés par le Kremlin, Internet ne fonctionne souvent pas, plus de 40 pages Internet ukrainiennes sont bloquées et le gouvernement ukrainien ne fait pas assez pour diffuser les chaînes ukrainiennes.

L’incapacité de distinguer la vérité du mensonge

Un rapport équilibré sur la guerre dans l’est de l’Ukraine est difficile à rédiger car les séparatistes ne laissent pas passer les journalistes ukrainiens et étrangers dans les territoires occupés. Oleksandr Horochkovski, créateur du portail pour la vérification des faits, explique qu’il sera impossible de distinguer la vérité du mensonge en Ukraine jusqu’à ce qu’il y ait des rapports systématiques sur les opérations militaires.

Iuri Kostyutchenko de l’Académie des sciences d’Ukraine est convaincu que seulement 20% des documents des médias ukrainiens contiennent de nouvelles informations. Entre-temps, il n’est pas toujours possible d’établir la source de l’information ce qui rend impossible sa vérification. Le manque de censure de la part du gouvernement ukrainien est indiscutable. Mais parmi les principaux problèmes des médias ukrainiens Oleksandr Horochkovski liste les faibles qualifications des journalistes et la subordination de la majorité des médias aux oligarques, dont chacun avance ses propres intérêts. Seul un petit nombre de médias ukrainiens sont vraiment indépendants.

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«La conférence des médias au milieu de la guerre aurait été impossible dans les Balkans»,  soupire Jeta Xhara du Kosovo. Elle note que la grande différence entre les Balkans et l’Ukraine tient au fait que l’Ukraine a bénéficié d’une période de 20 ans entre ce conflit militaire et la chute de l’Union soviétique. Ce qui a permis de développer le potentiel du journalisme ukrainien et de la société civile ukrainienne qui doivent maintenant se manifester.