Les 10 premiers jours du président Zelensky : à quoi faut-il faire attention

Dix jours se sont écoulés depuis l’investiture du nouveau président de l’Ukraine. Le nouveau président a réussi à organiser des élections législatives anticipées (la Cour constitutionnelle décidera si ce décret est conforme à la Constitution de l’Ukraine le 4 juin) et a nommé un grand nombre de personnes deson administration.

Parmi les premières actionsdu nouveau président, il y en a qui préoccupent la société civile. C’est pourquoi plus de 80 organisations civiques se sont exprimées dans une déclaration commune (lien) au sujetdes « lignes rouges ». Pendant ce temps, certaines nominations et certaines déclarations présidentielles continuent de perturber le public. La première place revient à un éventuel référendum sur la réconciliation avec la Russie. L’UCMC explique plus en détail.

Référendum sur la réconciliation avec la Russie ?

Le 21 mai, Volodymyr Zelensky a nommé Andriy Bohdan, ancien avocat de l’oligarque Igor Kolomoisky et ancien député adjoint d’Andriy Portnov,chef de l’administration présidentielle du temps de Ianoukovitch. Apparemment, Kurt Volker, chargéspécial des États-Unis aux affaires ukrainiennes, auraitexhorté Volodymyr Zelensky à ne pas le faire.

Le même jour, Andriy Bohdan a déclaré que la nouvelle équipe envisageait la possibilité d’un référendum sur les pourparlers avec la Russie.

Après une vague de critique, Andriy Bohdan a changé de tactique et déclare depuis qu’il ne s’agit pas d’un référendum, mais d’une enquête consultative. Le président Zelensky en a parlé lors d’une réunion avec des volontaires et d’anciens militaires. C’est logique, surtout si l’on considère qu’il n’y a pas de loi référendaire valide en Ukraine.

Pourquoi est-ce dangereux ?On peut facilement imaginer un référendum qui soulève la question pour installer rapidement la paix et mettre fin aux souffrances du peuple ukrainien. Évidemment tout le monde veut la paix. La seule question est de savoir dans quelles conditions cela est possible. Dans les conditions où une armée de la Fédération de Russie est sur le territoire ukrainien, seule une capitulation pourrait mener à une paix rapide.

Il n’est pas superflu de rappeler le but du Kremlin. À savoir, l’occupation de Donetsk et de Louhansk n’a jamais été une fin en soi pour le Kremlin.

Lorsque le Kremlin a profité de la faiblesse de l’Ukraine en 2014, son programme a d’abord été de capturer et d’occuper la Crimée. La Crimée n’est pas seulement occupée, mais elle est annexée et adhérée à la Fédération de Russie, violant les principes de base de la paix posés à Yalta et Potsdam. Après cela, la Russie a eu deux scénarios pour poursuivre son agression.

Le programme maximal de la Russiecomprenait la création de la Novorossiya de Kharkiv à Odessa, la désintégration de l’Ukraine et l’émergence d’une enclave « soviétique » sur la moitié de son territoire. Ce scénario n’a pas fonctionné.

Le programme minimumprévoyait la création d’une nouvelle autonomie en Ukraine, une région entièrement contrôlée par des services spéciaux russes, dans laquelle l’armée russe pourrait être placée, mais qui serait officiellement considérée comme faisant partie de l’Ukraine et aurait un impact sur ses politiques intérieure et extérieure. Idéalement, avec le droit de veto sur des décisions de politique étrangère, telles que l’adhésion à l’OTAN ou à l’UE. Métaphoriquement parlant, la Russie voulait prendre les bordures de l’Ukraine et en faire un crochet pour attraper tout le pays. Ce script est devenu une réalité dans le format des soi-disant Républiques populaires de Donetsk et de Louhansk.

Les accords de Minsk, signés après l’intervention directe de l’armée russe dans le processus de libération des territoires des forces séparatistes par l’armée ukrainienne à l’été 2014 contiennent deux blocs. D’une part, la partie de la sécurité de Minsk insiste sur le cessez-le-feu immédiat et le retrait des armes loin de la ligne de démarcation. D’autre part, la partie politique des accords réglemente les mécanismes politiques du retour des régions sous le contrôle de Kyiv. C’est sur l’opposition de ces deux parties que l’interprétation différente de Minsk par l’Ukraine et la Russie est basée.

Minsk aux yeux de l’Ukraine.L’Ukraine insiste depuis cinq ans pour que le cessez-le-feu et le retrait de l’armée russe soient une priorité, après quoi nous pourrons parler de « statuts spéciaux » de la région. La Russie n’a pas voulu retirer son armée. En fait, l’Ukraine a choisi de geler le conflit. Cette décision a son prix, comme les pertes militaires hebdomadaires, les dépenses militaires, le ralentissement économique, mais elle a permis au pays de survivre. Cinq années d’une guerre d’épuisement pour voir qui laissera tomber en premier ? L’Ukraine attendait que le régime de Poutine en ait assez de fournir le contingent d’occupation aux territoires occupés, en partie affaibli par les sanctions européennes, et que les populations locales commencent à se souvenir des années d’avant-guerre comme les meilleures de leur vie.

Minsk aux yeux de la Russie.Pour sa part, la Russie attendait que les dirigeants ukrainiens de l’époque laissent leurs places à d’autres plus conformes et qui accepteraient ses conditions : le retour des soi-disant Républiques populaires de Donetsk et de Louhansk en Ukraine « telles quelles », c’est-à-dire sans retrait des troupes russes et des services spéciaux (car la Russie n’a pas de raisons de le faire et l’Ukraine n’a aucune de possibilité de l’y forcer). Bien sûr, sans contrôle aux frontières. Ces territoires doivent au moins envoyer des députés dans les instances nationales. Et, peut-être en cours de négociation, ils rappelleront « le droit de veto des territoires autonomes sur les décisions de politique externe du pays ». La Russie attendait que l’Ukraine soit fatiguée de la guerre et que la nouvelle direction du pays vende la capitulation aux électeurs sous prétexte de paix.

De toute évidence, dans la vision russe de « Minsk », après le retour des pseudos Républiques populaires de Donetsk et de Louhansk en Ukraine, aux conditions de la Russie, toutes les sanctions européennes concernant le Donbass seront supprimées. Parce que l’Ukraine reconnaît en réalité que les parties au conflit ne sont pas la Russie, mais des « Républiques » et en fait, il n’y a aucun conflit.

« Réanimer Minsk » : le ministère des Affaires étrangères allemand et français lors d’une réunion à Kyiv

Le jeudi 30 mai, le président Volodymyr Zelensky a rencontré les ministres des Affaires étrangères allemand et français. Le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, a déclaré que les parties envisageaient de donner un nouvel élan au processus de Minsk afin de résoudre le conflit et de mettre fin à la guerre dans le Donbass.

« Profitant de cette opportunité, nous voulons réfléchir à la manière de ‘réanimer’ le processus de Minsk afin de réaliser l’objectif d’instaurer la paix dans l’est, ce que les gens d’ici attendent », a déclaré le chef de la diplomatie allemande lors d’une conférence de presse.

Maas s’est dit confiant que la paix dans l’est de l’Ukraine pourrait être instaurée dans le ‘Format Normandie’. « Nous avons convenu que, dans le ‘format Normandie’ dans le cadre des négociations entre la France, l’Allemagne, la Russie et l’Ukraine, nous tenterions de respecter les accords de Minsk afin d’instaurer la paix dans l’est de l’Ukraine », a-t-il déclaré.

Pour sa part, Volodymyr Zelensky a souligné le soutien de l’Allemagne et de la France de « la principale priorité de chaque Ukrainien : le cessez-le-feu dans le Donbass ».

Il est important de vérifier si la « réanimation des accords de Minsk » annoncée aura lieu selon le scénario ukrainien ou russe pour la mise en œuvre des accords de Minsk. Le scénario de la Russie sera une défaite de l’Ukraine.