Donbass/Mission de la paix/Modification de Minsk, Leçons de l’occupation de la Crimée

Situation dans la zone du conflit


La semaine dernière, la situation dans la zone du conflit dans le Donbass s’est dégradée. Le 18 février, une puissante bataille de 5 heures a eu lieu: l’ennemi a tiré sur des positions ukrainiennes avec des armes lourdes, notamment des systèmes d’artillerie de calibre 152 mm et 122 mm, des mortiers de 120 mm et 82 mm, des chars, ainsi que des véhicules blindés, des lance-grenades et des mitrailleuses. En outre, les troupes russes ont tenté de prendre d’assaut des postes d’observation ukrainiens aux abords d’Orikhove. L’armée ukrainienne a réussi à repousser l’ennemi. Au cours de ce combat, 1 militaire ukrainien a été tué et 6 autres blessés.


Donbass: Le ministère des Affaires étrangères de l’Ukraine s’exprime sur la question des Casques bleus à la frontière et des modifications aux accords de Minsk

Une nouvelle édition de Minsk. Le ministre des Affaires étrangères ukrainien, Vadym Prystaiko, a confirmé que l’Ukraine travaillait sur une nouvelle version des accords de Minsk, bien que la Russie soit publiquement opposée à des changements. «Nous sommes actuellement en 2020  – et nous ne sommes toujours pas parvenus à la paix. Par conséquent, nous pensons que ce document non seulement peut, mais doit être modifié, car certains de ses articles sont impossibles à mettre en œuvre», a déclaré le ministre des Affaires étrangères. Vadym Prystaiko a informé que la partie ukrainienne s’efforçait actuellement de «faire en sorte que tous les participants conviennent que les accords de Minsk sont arrivés à épuisement et nécessitent des modifications». Le ministre ukrainien a noté que certains changements avaient déjà été apportés aux accords de Minsk, notamment la «formule Steinmeier» et «le déploiement de forces» et il a souligné que «la Russie ne s’était pas opposée à ces actions».

Des Casques bleus à la frontière: Déclaration du ministre des Affaires étrangères à l’Assemblée générale des Nations Unies. Le 20 février, le ministre des Affaires étrangères Vadym Prystaiko s’est adressé à une réunion de l’Assemblée générale des Nations Unies pour aborder la question de la situation qui se développe dans les territoires ukrainiens occupés.

Dans son discours, il a déclaré que l’Ukraine cherchait à déployer des forces de maintien de la paix sur la frontière non contrôlée avec la Russie. Selon lui, cela contribuerait à la tenue des élections locales dans le Donbass.

«Nous espérons organiser des élections locales sur l’ensemble du territoire de l’Ukraine cet automne, mais sans des conditions élémentaires de sécurité et politiques, les habitants du Donbass ne pourront pas participer à des élections démocratiques qui devront être reconnues comme légitimes par les autorités ukrainiennes et la communauté internationale, sur la base de normes reconnues», a déclaré le ministre dans son discours.

«C’est pourquoi le principe de sécurité, qui est dans la logique de l’arrangement de Minsk, est au cœur du processus de règlement. La Russie doit immédiatement mettre en œuvre les accords de sécurité conclus lors des réunions au format Normandie. Il n’est guère possible d’espérer la paix tant que la frontière ukraino-russe de 400 kilomètres reste une porte ouverte pour l’entrée d’armes en provenance de la Fédération de Russie. Une représentation internationale à la frontière, sous mandat de l’ONU, pourrait être la réponse à ce problème», a-t-il déclaré.

Rappelons que le format de la mission de maintien de la paix dans le Donbass depuis plusieurs années est une question controversée pour l’Ukraine et la Fédération de Russie soutenant les combattants. À l’époque de Petro Porochenko, l’Ukraine comptait sur une mission à grande échelle qui prendrait le contrôle de tous les territoires occupés, y compris la frontière nationale. La Russie n’a proposé qu’une «mission de sécurité» pour assurer la sécurité des observateurs de l’OSCE dans la zone de la ligne de démarcation.

En octobre 2019, le nouveau président, Volodymyr Zelensky, a exprimé l’idée de déployer une mission de la paix uniquement à la frontière entre la Russie et les zones occupées des régions de Donetsk et de Louhansk.


Les six leçons de l’occupation de la Crimée: débat d’experts à l’UCMC

Le 20 février marque le 6e anniversaire de l’occupation russe de la Crimée. Bien que les forces spéciales russes aient saisi les bâtiments du parlement et du gouvernement de la République autonome de Crimée le 27 février 2014, c’est la date du 20 février qui figure sur la médaille «Pour le retour de la Crimée» éditée par le ministère russe de la Défense.

L’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie n’a pas été reconnue par la grande majorité des pays du monde, des sanctions ont été imposées à la Russie. L’Assemblée générale des Nations Unies a adopté à plusieurs reprises des résolutions sur la Crimée, elles portent sur le soutien de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, sur les violations des droits de l’homme dans la péninsule occupée, sur la militarisation de la Crimée, des mers Noire et d’Azov par la Russie. Néanmoins, pour la sixième année consécutive, la péninsule reste sous occupation, et la Russie poursuit sa répression contre les Criméens qui lui sont déloyaux et accroît sa présence militaire dans la région.

L’UCMC a réuni des experts, des dirigeants du peuple tatar de Crimée, des représentants des autorités et des leaders d’opinion pour qu’ils expriment leur point de vue: quelles conclusions l’Ukraine doit-elle tirer et comment procéder?

Leçon 1: Ne pas séparer les problèmes de la Crimée et du Donbass. «L’un des grands dangers pour la Crimée est que cette illusion d’annexion sans effusion de sang, donc pas vraiment sanglante, et le manque de combats actifs, soient utilisés comme excuse pour retarder le problème et se concentrer sur le Donbass parce que là-bas on tire. En Crimée, ils ne tirent pas, mais en Crimée, ils étouffent. Il s’agit d’un problème du même niveau de sécurité, malgré l’absence de combats actifs», a déclaré Olexiy Melnyk, codirecteur des programmes internationaux au Centre Razumkov.

«Le point de vue dominant est que nous devons déployer tous nos efforts pour libérer le Donbass, puis revenir sur la question de la Crimée. À notre avis, c’est une erreur. La Russie n’annexera pas le Donbass, elle conservera la situation telle quelle pour maintenir l’Ukraine dans les limbes, créer des problèmes afin qu’elle ne puisse pas se développer et devenir un pays européen prospère. La principale chose pour la Russie est la Crimée. Et si nous adhérons à un tel concept, la question du Donbass commencera également à être résolue», a déclaré Mustafa Dzhemilev, chef du peuple tatar de Crimée, député d’Ukraine.

Leçon 2: Ne pas sous-estimer le front de l’information. «Le front de l’information est moins visible mais très influent. Malheureusement, la Russie mène cette guerre avec beaucoup plus de puissance et beaucoup plus systématiquement que nous. Le travail de la Russie est de rompre autant que possible le lien entre la Crimée occupée et le continent ukrainien, et de discréditer l’Ukraine en tant qu’Etat et aussi ses dirigeants, ainsi que le Majlis du peuple tatar de Crimée. (…) Il est nécessaire d’organiser des lieux supplémentaires où les autorités ukrainiennes peuvent formuler cette politique », – Emine Dzepparova, journaliste, ex-premier vice-ministre de la Politique d’information de l’Ukraine.

Leçon 3: Maintenir et renforcer le soutien international de l’Ukraine. «Des sanctions ont été imposées à la Russie, et elles resteront en vigueur, bien que ce soit une tâche difficile pour les diplomates ukrainiens, jusqu’à la désoccupation de la Crimée», estime Oleksiy Makeev, directeur politique du ministère des Affaires étrangères de l’Ukraine.

«Le principal document systématique qui reflète la position américaine est la Déclaration de Pompeo. Nous pensons que les États-Unis pourraient proposer aux pays européens d’y adhérer. Ou, si nous rejetons le rôle des États-Unis et pensons à ce que l’Ukraine peut faire, c’est une déclaration que l’Ukraine peut initier et ouvrir à l’adhésion de tous les autres pays qui soutiennent cette politique (il s’agit de la plupart des pays civilés du monde).

Le deuxième et principal objectif est de lancer une plateforme institutionnelle à plusieurs niveaux du plus haut niveau politique, dédiée aux questions relatives à la Crimée. «Cette plateforme n’amènera pas à la désoccupation de la Crimée, mais assurera une discussion de haut niveau (…) De nombreuses dimensions différentes pourraient être envisagées ici: l’aspect culturel et humanitaire, les droits de l’homme, le bloc de sécurité, qui aborderait le problème de la militarisation de la région. Cela pourrait commencer à partir du Forum que nous avons mis en place», a déclaré Emine Dzepparova, journaliste, ex-premier vice-ministre de la Politique de l’information de l’Ukraine.

Leçon 4: Rester cohérent dans nos actions. «Nous avons déclaré la Crimée zone économique libre, une zone de terreur, d’enlèvements et de meurtres. Au total, 85% de la nourriture en Crimée provenait du continent ukrainien. Nous avons fourni de l’eau et de l’électricité à la Crimée, subvenant ainsi aux besoins de l’occupant.

Nous insistons pour que l’Occident poursuive les sanctions, et nous recommençons à parler de faire du commerce avec l’occupant. Les pays occidentaux diront logiquement: la Crimée nous est-elle plus nécessaire qu’à vous?», a souligné Mustafa Dzhemilev, chef du peuple tatar de Crimée, député d’Ukraine.

Leçon 5. Réfléchir aujourd’hui à ce qu’il faut faire de la Crimée après la désoccupation. «Le problème de la Crimée peut exploser à nouveau, pas seulement du point de vue de la menace pour la sécurité, et exploser à nouveau de manière inattendue. Imaginez cette situation incroyable: la Russie s’effondre et la Crimée tombe entre nos mains. L’Ukraine est-elle prête pour le jour où la Crimée sera désoccupée?», a déclaré le codirecteur des programmes internationaux du Centre Razumkov.

«Nous devons avoir une autorité locale légitime dans les territoires qui sont maintenant occupés, et elle doit fonctionner sur le territoire contrôlé par l’Ukraine aussi longtemps qu’il le faudra: 20, 30 ou 50 ans», a déclaré Vitaly Portnikov, journaliste.

Leçon 6. Être prêt pour tous les scénarios. «Nous ne prêtons pas suffisamment attention à la menace que représente la sécurité de la Crimée pour l’Ukraine. Je ne vous citerai qu’un seul exemple: le canal de Crimée Nord. En plus de la sécurité environnementale, il comporte également une menace militaire. Si à un moment donné le problème devient tellement aigu que Poutine doit prendre des décisions rapides, savons-nous ce qu’il a en réserve? La réalité d’une opération militaire visant à ouvrir l’approvisionnement en eau pour la Crimée est tout à fait évidente », estime Olexiy Melnyk, codirecteur des programmes internationaux au Centre Razumkov.

«Nous disons que nous sommes en pourparlers avec la Russie, mais en fait nous sommes en pourparlers avec nous-mêmes. Personne ne va rien nous donner. Tous ces pourparlers ne sont que des efforts pour la suite de la déstabilisation. Le but principal de ces négociations est de préparer le terrain pour la saisie de nouveaux territoires. …. Depuis la capitale de l’Ukraine jusqu’à Lviv ou Oujgorod, c’est un réel risque si nous ne sommes pas réalistes », – Vitaly Portnikov, journaliste.

«Chacune de nos institutions doit constamment analyser ce qui se passe en Crimée. Ce devrait être un ordre du gouvernement et une analyse concrète de la situation: ce qui s’y passe, quelles actions la Russie entreprend, comment nous devons répondre aux menaces potentielles », – Valery Chaly, président du conseil d’administration de l’UCMC.