Le 26 novembre 2021, l’équipe de Volodymyr Zelensky a organisé une conférence de presse du Président ukrainien à l’occasion de la moitié de son mandat présidentiel. Au cours cette conversation avec des journalistes, Zelensky a fait plusieurs déclarations sérieuses et même retentissantes. En particulier, il a annoncé un coup d’État en préparation dans le pays et s’est exprimé pour la première fois au sujet du scandale dit «Wagnergate». Il a également commenté en détail la situation qui s’aggrave à la frontière. Les principales thèses et déclarations du président ukrainien sont disponibles dans l’article de L’UCMC.
Le coup d’État
Au cours de cette conférence de presse, Zelensky a fait une déclaration choquante selon laquelle un coup d’État serait en préparation en Ukraine dans lequel, selon lui, l’homme le plus riche du pays, Rinat Akhmetov, serait «impliqué». D’après Zelensky, c’est l’entourage d’Akhmetov qui l’entraînerait dans un tel processus contre le peuple ukrainien et le président. Dans le même temps, selon le président, l’oligarque a déjà rejoint la guerre de l’information.
«Nous avons reçu des informations selon lesquelles un coup d’État dans notre pays serait prévu les 1er et 2 décembre… Ce ne sont pas seulement des informations du renseignement mais aussi des informations solides selon lesquelles des représentants de l’Ukraine, pour ainsi dire, discutent de la participation de la Russie au coup d’état qui nécessiterait un milliard de dollars, etc…
Je crois que c’est un piège, une insulte pour Akhmetov qui est impliqué dans la guerre contre l’État ukrainien. Je pense qu’il a commencé, je pense que ce sera sa grande erreur parce que personne ne peut se battre contre son peuple et le président que ce peuple a élu. Je pense que son environnement l’entraîne dans une telle guerre…
Je suis très calme à ce sujet, je pense qu’il ne le sait peut-être pas ou alors le sait-il… J’invite Rinat Akhmetov à Bankova, ou d’autres organes compétents pour écouter des informations qui peuvent être partagées …», a déclaré Zelensky.
Le «Wagnergate» : l’opération «Burba»
Naturellement, la question de l’historique de l’opération ratée de l’arrestation du groupe des militaires Wagner a également été au centre des interrogations du président. L’enquête de Bellingcat a montré que le retard de l’opération a conduit à son échec.
Le Président a développé deux thèses principales. Premièrement, il a expliqué sa méfiance personnelle à l’égard de l’ancien chef de la direction principale du renseignement du ministère de la Défense de l’Ukraine, Vassyl Burba. Et deuxièmement, il a pointé du doigt la particularité de l’opération qui l’a contraint à annuler l’intervention.
Zelensky a déclaré que le chef de la direction principale du renseignement du ministère de la Défense de l’Ukraine, Vassyl Burba, était un homme de l’ancien chef de l’État Petro Porochenko, un «aventurier et un escroc» qui voulait le discréditer.
« Voyez-vous, c’est un aventurier et un escroc… Je n’ai jamais voulu dire tout cela de lui avant qu’il ne soit licencié. Eh bien, c’est un petit homme qui fait des travaux chez lui à Koncha (Koncha Zaspa, une banlieue chère de Kyiv où les fonctionnaires vivent souvent – ndlr.) pour 11 millions de hryvnias. C’est lui qui a tout bloqué, c’est également lui qui m’a proposé de donner la «formule du vaccin» contre le coronavirus à la Chine et à la Russie.
Zelensky a déclaré que Burba ne lui convenait pas en tant que chef du renseignement en raison de sa mauvaise réputation et de ses liens avec le SBU. Le président a également affirmé que Vassyl Burba était impliqué dans les événements du Maïdan aux côtés du pouvoir de Ianoukovitch.
Selon Zelensky, après la révolution de la Dignité, Porochenko a décidé de garder Burba et lui a donné un poste dans le renseignement, malgré l’incompétence de ce derniera dans ce domaine.
L’implication de Burba dans le «nettoyage» du Maïdan a déjà été mentionnée dans des documents publiés par Gennady Moskal comme plans présumés du SBU. Ils font partie des documents de l’enquête concernant les tueries du Maïdan. Par ailleurs, Burba n’est pas un suspect dans ce dossier.
Ensuite, Zelensky a parlé d’une conversation clé avec l’ancien chef de la direction principale du renseignement du ministère de la Défense de l’Ukraine, Vassyl Burba, au sujet d’une opération spéciale visant à arrêter des Wagnériens avant de se rendre compte que cette opération ne pouvait pas être autorisée.
«Le camarade Burba arrive … et me dit ce qu’il propose. J’avais une question, je lui ai posé directement: « La compagnie Turkish Airlines – Erdogan devrait-il le savoir?» – «Non» – « J’ai compris ».
«Je ne veux pas entrer dans les détails car je ne crois pas que ce soit notre opération, j’ai le sentiment que nous y sommes impliqués contre notre volonté. Je dis: «Je veux savoir. Il s’agit d’un avion de la compagnie aérienne turque au départ de Minsk qui aura à son bord des passagers ordinaires, des citoyens turcs et pas seulement, à savoir plus d’une centaine de personnes. Lorsque vous suggérez que l’avion descende et atterrisse en Ukraine, j’ai une question à vous poser : et si les militants s’emparent de cet avion? Est-ce possible ? Peut-être. Ou peut-être qu’ils prendront cet avion et que tout le monde mourra ? Mieux encore : nous accuserons les autres » (répondrait Burba – éd.).
J’ai dit que ce n’était pas notre opération, elle n’était pas bien réfléchie, je suis prêt à accepter n’importe quelle opération, même celle-ci, si le processus avait été calculé dans le détail et qu’il n’y aurait pas eu de victimes».
D’après Zelensky, lorsque Burba a quitté l’Office du président, il a déclaré qu’après l’Amérique, Burba voulait provoquer un différend entre Zelensky et le président Recep Tayyip Erdogan et impliquer l’Ukraine dans un énorme scandale avec la Turquie.
«Erdogan ne nous pardonnerait jamais. Je discute de telles choses à huis clos, de telles choses ! Comme il nous aide ! Je n’entrerai jamais dans ce mur. C’est pourquoi je dis : nous n’avons pas mené cette opération, nous y étions impliqués contre notre volonté. C’est ainsi».
La guerre: l’escalade est possible, mais la situation n’est pas pire maintenant qu’au printemps
Le président Zelensky a également commenté la situation à la frontière. Selon lui, la Fédération de Russie essaie actuellement d’intimider tout le monde. Et cette intimidation peut signifier une forte probabilité d’une véritable attaque, car la tension monte.
«La situation actuelle n’est pas pire qu’elle ne l’était au printemps », a déclaré Zelensky. Il a ajouté que le renseignement ukrainien enregistre les rotations – « c’est informatif, pour le satellite, de montrer qu’il y en a davantage ».
Dans le même temps, Zelensky a attiré l’attention sur l’intensification de la rhétorique agressive en Russie qui augmente également la probabilité d’une attaque. « La rhétorique est aussi très dangereuse. L’OTAN : il répète les questions de l’OTAN, parle de la présence de l’OTAN sur le territoire de l’Ukraine. Cela fonctionne pour le consommateur russe. Je suis tout à fait d’accord avec les États-Unis pour dire qu’il s’agit d’une histoire très dangereuse », a déclaré Zelensky.
«La deuxième annonce de la Fédération de Russie est que l’Ukraine perturbe les rencontres à Minsk. Minsk est quelque chose qui a déjà arrêté l’escalade. Nous comprenons cela comme un signal – qu’il peut y avoir une escalade ».
«Le troisième signal est le Nord Stream, le Belarus, les migrants et les frontières de l’UE. Ce signal démontre que la situation générale n’est pas seulement un problème avec l’Ukraine. Il s’agit des problèmes d’énergie, de frontières. C’est une accumulation de problèmes qui doivent être résolus. Partager le calme quelque part plutôt que résoudre d’autres problèmes. Tirer une carte rentable pour soi ».
Selon Volodymyr Zelensky, le quatrième point sur lequel la Russie a insisté ces dernières semaines est que l’Ukraine est capable d’aggraver la situation. «Les Ukrainiens ne veulent rien, ils ne veulent pas de réconciliation, l’Ukraine commence l’escalade », disent les Russes. Ils cherchent une raison pour justifier leurs actions ». Volodymyr Zelensky a souligné: « L’Ukraine n’a jamais attaqué la Russie, nous n’avons pas cela à l’esprit. La ligne de contact n’est pas la Russie. C’est la frontière entre l’Ukraine et le territoire ukrainien temporairement occupé».
À propos des plates-formes possibles pour discuter de la question des territoires occupés. «Charles Michel (président du Conseil européen – ed.) m’a dit que nous devions monter un dossier qui définirait la manière de discuter davantage avec la Russie. Je compte sur plusieurs formats. Il existe le format de Normandie dont parle la partie française. Elle veut maintenir la pression sur la Russie pour que nous puissions nous réunir en présence du nouveau chancelier.
Dans le même temps, nous attendons des pourparlers entre les États-Unis et la Russie. Nous comprenons que sans l’Ukraine, les décisions concernant l’Ukraine ne seront pas prises alors que l’un des problèmes discutés (en Russie et aux États-Unis) sera l’Ukraine.
Il faut que les chefs d’administrations Kozak et Yermak communiquent d’urgence ou bien qu’il y ait un autre format. Pour que les citoyens et l’Europe puissent voir que nous communiquons et que, par conséquent, il n’y aura pas d’escalade à grande échelle. De telles réunions ou appels devraient avoir lieu dans un avenir proche».