Au sein du paysage politique ukrainien, le ministre de l’Intérieur Arsen Avakov a reçu depuis longtemps le statut de ministre «éternel». Les présidents et les gouvernements changent, mais Avakov est en fonction depuis février 2014, il y a plus de 6 ans.
Parallèlement, la tension entourrant le poste du ministre s’intensifie. Plusieurs scandales ont récemment éclaté : brutalité policière (viols et tortures à Kagarlyk), impuissance de cette dernière (fusillades massives à Brovary), ainsi que l’absence de progrès réels dans l’enquête sur le meurtre de Pavel Cheremet, dont le ministre est responsable. Tous ces éléments remettent en cause la position d’Avakov. Ce à quoi il faut s’attendre et de plus amples informations sur les énènements récents, lisez le matériel de l’UCMC.
Le 5 juin, les députés ont entendu le rapport du ministre de l’Intérieur au Parlement sur des événements criminels très médiatisés. Les auditions étaient concentrées sur un projet de résolution prévoyant le licenciement d’Avakov, il a été signé par une soixantaine de députés appartenant au parti « Holos » et à la majorité présidentielle «Serviteur du peuple».
Dans le même temps, quatre manifestations se sont déroulées devant la Verkhovna Rada et le Conseil des ministres, réclamant la démission du ministre de l’Intérieur Arsen Avakov. La manifestation a été soutenue par des politiciens (le parti Holos) et des militants des droits de l’homme (Centre pour les Libertés civiques).
Scandales récents. Dans la nuit du 24 mai, un crime horrible a eu lieu dans la ville de Kagarlyk, à 80 km au sud de Kyiv. Une jeune femme née en 1994, originaire de la ville, s’est présentée à l’hôpital ou elle a avoué aux médecins qu’elle avait été battue et violée. Le Bureau d’investigation d’État s’est mis au travail et a établi une vérité choquante: l’officier de police de Kagarlyk, Serhiy Sulima, âgé de 29 ans, a convoqué la victime comme témoin à son bureau, où il lui a mis un masque à gaz, l’a menottée, lui a tiré au-dessus de la tête avec une arme de service, puis a violé cette malheureuse à plusieurs reprises. Selon le Bureau d’investigation d’État, Mykola Kuziv, 35 ans, chef du secteur de la police criminelle à Kagarlyk est complice du crime. Tous les deux ont été arrêtés et placés dans un centre de détention provisoire pendant 60 jours sans caution le 26 mai.
De plus, le matin du 29 mai, une fusillade impliquant plusieurs dizaines de personnes a eu lieu dans une petite ville de Brovary dans la région de Kyiv. Un conflit entre entrepreneurs engagés dans le trafic de passagers, en parti illégal, en est à l’origine. La police depuis accusée d’impuissance et d’incapacité à prévenir ces situations.
Finalement, la réforme de police n’a pas eu lieu. Ce n’est pas la première fois que des agents des forces de l’ordre régionales commettent des actes qui choquent tout le pays. Il y a un an, à Pereyaslav-Khmelnytsky (une ville de la région de Kyivv), des policiers ivres ont tué un enfant de cinq ans. En 2016, dans la colonie de Kryve Ozero de la région de Mykolaiv, l’équipe de police a battu à mort un résident âgé de 32 ans. Il est à noter que quatre ans avant ces événements, deux autres cas scandaleux dans la région de Mykolaiv ont été constatés. Il s’agit d’une vague de protestations contre les miliciens de Vradiyivka, village dans la région de Mykolaiv et contre la tentative de dissimulation du viol d’Oksana Makar, jeune fille originaire de la région.
Selon les experts, un tel amoncellement indique que depuis tout ce temps, la police n’a pas été réellement reformée.
La réforme qui devait transformer toute la hiérarchie du ministère de l’Intérieur a pris fin en 2016, elle a été mise en place par un groupe dirigé par Ekaterina Zguladze puis Khatia Dekanoidze mais n’a pu modifier que partiellement le « monstre des forces de l’ordre » en créant une police de patrouille.
Dans les faits, la réforme n’a pas eu lieu : il n’y a que 12 000 policiers de patrouille au Ministère des affaires intérieures contre près de 30 000 enquêteurs et agents. Aucun réel changement n’a été opéré au sein de cette partie du ministère.
En outre, la réforme de la police n’a guère atteint les petites villes. Les candidats qui veulent travailler à la police ne passent pas d’entretiens avec des psychologues avant l’embauche et pendant le travail, et la certification périodique n’était pas du goût de la haute direction.
Les certifications des agents des forces de l’ordre ont été trafiqués par le département de l’assistance juridique du Ministère des affaires intérieures : 92% des policiers les ont réussies et d’autres ont été réintégrés par les tribunaux.
Pendant ce temps, selon les sondages d’opinion du Centre Razumkov datant de février 2020, 74% des Ukrainiens ne font pas confiance au ministre de l’Intérieure.
Mais pourquoi Zelensky défend-il Avakov? Il y a un an, en gardant Arsen Avakov, ministre dans le gouvernement de l’époque de Porochenko, au poste de ministre du gouvernement d’Oleksiy Hontcharuk, le nouveau président ukrainien, Volodymy Zelensky a déclaré qu’il prenait sa responsabilité personnelle . Il a également assuré aux députés qu’Avakov n’était que temporairement en fonction, jusqu’à ce qu’il lui trouve un remplaçant.
Depuis, la notion de «temporaire» a disparu des lèvres du président. Lorsque l’ensemble du gouvernement d’Olexiy Hontcharuk a démissionné, le ministre Avakov est resté en place. Lors d’une conférence de presse le 20 mai, Zelensky a expliqué qu’il avait des critères d’évaluation spéciaux pour Avakov, qui étaient les résultats de l’enquête sur les meurtres de Kateryna Handziuk et du journaliste Pavel Cheremet. Mais jusqu’à présent, l’affaire n’est pas terminée et soulève un très grand nombre de questions.
Malgré tout cela, les experts affirment que Zelensky ne limogera pas Avakov maintenant. «En bon psychologue, Avakov est capable de dire correctement au président pourquoi il lui est indispensable. Quant à Avakov, je pense que Zelensky présente un alliage complexe de peur et de confusion à l’égard de son ministre de l’Intérieur», a déclaré Roman Romaniouk, chroniqueur politique pour la Pravda ukrainienne, dans un commentaire accordé à la Radio Svoboda.
En particulier, Zelensky a peur des radicaux, qui seraient retenus par le ministre de l’Intérieur. Par conséquent, il y a une forte probabilité que le «ministre éternel» garde son poste malgré de nombreux scandales. D’autant plus qu’Avakov a un soutien au sein du système judiciaire et en politique.
Zelensky a besoin de stabilité dans la police, dont ni lui ni son entourage ne comprennent les mécanismes.