L’Olympe au temps de cholère

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À la veille des ХХХІ Jeux olympiques d’été qui auront lieu de 5 à 21 août à Rio de Janeiro au Brésil, lUkraine Crisis Media Center a décidé de faire lanalyse des chances de l’équipe nationale ukrainienne de gagner des médailles. En ces temps de guerre, l’équipe pourrait donner aux ukrainiens une raison de se réjouir en gagnant differentes médailles. Dans notre analyse, nous rendons compte des résultats précédents des sportifs, de la situation dans le sport en Ukraine et de la disqualification d’une partie de l’équipe nationale russe en conséquence du scandale de dopage.

En quête de l’or

On dit que la statistique est une science exacte. Alors, si on utilise ces instruments correctement, on peut obtenir un pronostic assez crédible sur la probabilité de tel ou tel évènement. En se basant sur les résultats précédents des athlètes ukrainiens dans les compétitions internationales, nous avons essayé de faire un pronostic sur le nombre de médailles et dans quels sports les sportifs ukrainiens pourraient l’emporter.

Tout d’abord, ce sont l’athlétisme, la gymnastique sportive et la lutte. Dans ces sports, l’Ukraine a gagné des médailles dans chacune des cinq dernières compétitions. Ici le gymnaste Oleg Vernyayev est un favori indiscutable. Il est difficile même de prévoir dans quelle discipline il ne gagnera pas de médailles – ses nombreuses performances aux compétitions internationales en sont une bonne preuve. On peut sûrement attendre l’or aux barres parallèles et l’or ou le bronze pour les épreuves sportives combinées et le cheval d’arçon. Il ne faut pas exclure l’option Igor Radivilov, médaillé des compétitions à Londres. Son saut au cheval d’arçon a des chances de rapporter un prix à l’Ukraine.

En ce qui concerne l’athlétisme, l’espoir principal de l’Ukraine est Bogdan Bondarenko, fameux pour ses sauts en hauteur. Il compte déjà de nombreuses médailles à l’Universiade, aux championnats d’Europe et du monde. De plus, l’équipe nationale féminine de vitesse a non seulement gagné l’or dans une course de relais 4х100 lors des compétitions de la Ligue de diamant de l’IAAF au mois de juin, mais elle a aussi battu le record de la compétition qui tenait depuis 1988.

Les ukrainiens savent lutter. L’or de Jean Belenuik au championnat du monde en est une preuve. Olga Kharlan avec son épée a aussi gagné des médailles olympiques au niveau individuel (Londres) et en équipe (Pékin). Les jeux à Rio sont une bonne chance d’égaler ces deux victoires d’un seul coup. De plus, les dernières trois olympiades ont apporté des médailles dans la tirelire de l’escrime ukrainienne.

L’Ukraine peut compter aussi sur le tir et Olena Kostevych avec trois médailles olympiques à son actif, y compris une médaille d’or, est prête à ajouter des victoires sur son compte individuel et celui de l’équipe. En haltérophilie lourde, la jeune Iryna Dekha et Yulia Paratova, plus expérimentée, ne resteront sûrement pas sans podium, poursuivant la tradition ukrainienne dans ce sport.

N’oublions pas la boxe où les Ukrainiens ont toujours gagné des médailles – 14 au total lors des cinq derniers Jeux olympiques. L’absence des deux médaillés du dernier championnat du monde, qui n’ont pas réussi à gagner une licence dans leur catégorie de poids, est un facteur négatif cette fois. Cependant, ils ne sont pas les seuls représentants dignes du pays dans ce sport.

Les JO précédents ont montré qu’il ne faut pas se concentrer seulement sur les sports « traditionnels » : chaque fois, les Ukrainiens ont ramassé des médailles là où personne ne les attendait , par exemple, la voile, le cyclisme sur piste ou le plongeon.

Un caméléon sportif

Victoria Solntseva, huit fois détentrice du record d’Ukraine de natation, avait toutes les chances de devenir un leader de l’équipe ukrainienne lors des Jeux à Rio : elle a déjà gagné trois médailles à l’Euro junior, dont deux médailles d’or, et deux médailles au championnat junior du monde, dont une médaille d’or. À cette période elle n’avait encore que 15 ans. La sportive touchait une bourse d’état, la Fédération lui proposait de déménager temporairement aux États-Unis pour pratiquer avec des entraîneurs titrés.

La nageuse prometteuse est devenue membre de l’équipe nationale. Grâce à cela on l’a remarquée dans la capitale. Victoria a déménagé de sa ville natale de Poltava dans une école sportive à Kiev et a commencé à travailler avec un nouvel entraîneur. La situation a brusquement changé au printemps 2014. Victoria s’entraînait sur la base sportive de Yalta, en Crimée, quand « le printemps russe » a commencé. Il est à noter qu’à ce moment-là, elle négligeait les compétitions internes en Ukraine depuis environ 6 mois et son nouvel entraîneur était en conflit avec la fédération ukrainienne de natation.  « Quand les troupes russes sont entrées à Yalta, nous étions très effrayés. Nous avons plié nos malles et nous avons quitté la péninsule ». La famille de Victoria et son entraîneur Sergey Bondar sont partis en Turquie via Kiev. Ils ont expliqué leur décision par la situation en Crimée et à l’est du pays. La nageuse, encore mineure, a reçu un passeport turc et est devenue Victoria Zeynep Güneş. Il semble que quelqu’un a profité de la situation dans le pays pour masquer la vente de cette sportive prometteuse, compte tenu du fait que son école était située dans la capitale, loin de la péninsule annexée et de la zone des opérations militaire à l’est. Rien ne la menaçait. On a encore moins de doutes sur la motivation réelle si on se souvient qu’une année avant tous ces évènements, les entraîneurs de Russie et de Turquie s’étaient adressés à la fédération ukrainienne de natation. Ils affirmaient que l’entraîneur de la jeune ukrainienne leur avait proposé de l’acheter. Le bilan de l’histoire nous fait penser que la Turquie a payé plus. En même temps, il n’est pas exclu que la crise inattendue, provoquée par les actions de la Russie, les a forcé à agir plus hâtivement.

En décembre 2014, Solntseva a pris part pour la première fois au championnat du monde avec l’équipe turque, en cachant qu’elle avait changé ses couleurs. La veille on l’avait vue encore aux entraînements à Kiev, on attendait sa participation au championnat d’Ukraine. L’ancien entraîneur de Victoria appelle cela « une trahison » et accuse ses parents et son nouvel entraîneur Sergey Bondar. Selon elle, personne n’a demandé l’avis de Solntseva qui n’avait encore que 16 ans. Elle dit aussi qu’à ce championnat, le résultat de Victoria était mauvais. Elle s’est retrouvée derrière des concurrentes qu’elle surpassait auparavant et même derrière d’autres nageuses ukrainiennes. Cependant, en août 2015 au championnat junior du monde, mieux acclimatée à sa nouvelle équipe et au nouvel environnement, Solntseva a gagné quatre médailles d’or pour la Turquie.

La fédération ukrainienne voulait faire appel devant la justice sur ce cas. On parlait même de l’interdiction pour Solntseva de participer aux JO à Rio, parce que, selon la Charte Olympique elle ne devait pas prendre part aux compétitions internationales pendant trois ans.  Cependant Solntseva va au Brésil comme membre de l’équipe nationale turque et plongera dans les eaux olympiques en août. Si elle gagne, l’Ukraine aura raison d’être fière, même si c’est à la Turquie d’en récolter les lauriers.

Les « champions de la seringue » russes

Un être humain dépend beaucoup de l’opinion publique. Plus il y a des gens qui vous regardent, plus la force de ce piège est grande. La Russie « n’avait pas le droit » de se ridiculiser pendant les JO à Sotchi quand tout le monde la regardait. Pour un certain nombre de Russes, seule la première place était un résultat satisfaisant, tandis que les autres seraient déjà la honte. De plus, pensait-on à Kremlin, il fallait éviter une catastrophe pareille à celle de Vancouver, quand la Russie s’était retrouvée à la onzième place. En l’espace de quatre années, la Russie a fait un bond de la onzième à la première place dans le décompte des médailles olympiques.

Au printemps 2016, la boîte de Pandore s’est ouverte : l’ancien directeur du laboratoire national antidopage Grygoriy Rodtchenkov a déclaré qu’il existait en Russie un programme de dopage contrôlé par l’État.  Il affirme avoir participé personnellement à la substitution d’environ 100 prélèvements lors des JO de Sotchi, en ajoutant que cette opération était contrôlée par le ministère des sports russe et le Service fédéral de sécurité. Selon les dernières informations, 16 sportifs parmi 100 dont les analyses ont été échangées ont gagné des médailles.

La Russie a réussi à éviter la disqualification complète pour les prochains JO, mais tous les athlètes sauf un ont été destitués. Les autres fédérations ont reçu le droit de décider si elles acceptent les sportifs russes ou non. Par conséquent, la Russie sera représentée par environ 270 sportifs au lieu de 400. À ce jour, le nombre exact n’est pas connu. Ces actions tellement radicales sont la conséquence du rapport du juriste canadien indépendant Richard H. McLaren pour l’Agence Mondiale Antidopage. Son enquête a confirmé la substitution des prélèvements antidopage à Sotchi et la participation du ministère des sports et du Service fédéral de sécurité russes.

« Nous payons pour les fautes de sportifs moins responsables que nous », déclare Héléna Isinbayeva, double championne olympique. Elle fait partie de ceux qui ne pourront pas concourir pour les médailles. De son discours, quand même, il semble qu’elle ne reconnaît pas la faute de ses collègues et de son pays.  Comme plusieurs Russes, elle parle d’une attitude partiale envers la Russie.  « Nous avons fait face à une attitude arbitraire et injuste de la part de certaines personnes du sport mondial. (…) Vladimir Vladimirovitch [Poutine], je vous demande de nous protéger contre cela ».

Que peut-on  attendre ?

La disqualification de plusieurs sportifs russes n’aura pas d’influence sur le succès de l’Ukraine. Les domaines de succès des athlètes de ces deux pays sont différents. De ce fait on n’estime pas plus de deux-trois médailles additionnelles au compte de l’Ukraine.

Depuis les derniers 5 JO, l’équipe nationale ukrainienne gagne chaque fois au moins 20 médailles. Le minimum était à Londres en 2012, tandis que le plus grand succès a été les JO en Chine où les sportifs ukrainiens ont gagné 27 médailles. Les premiers trois avaient le même bilan – 23 médailles. On peut tabler sur le même résultat en 2016.

Le bronze est un métal traditionnel pour les sportifs ukrainiens (12-10-9-15-9), alors il est peu probable que cette tendance s’inversera pendant les JO. On peut tabler sur 12 médailles de bronze. Les tendances précédentes continueront aussi pour l’argent (2-10-5-5-5) et l’or (9-3-9-7-6), où l’Ukraine peut gagner respectivement 5 et 6 médailles.

En ce qui conserne le classement de l’équipe, le meilleur résultat était celui à Atlanta, avec la 9ème place, et le pire à Athènes, avec la 21ème place. Lors des trois dernières compétitions , l’Ukraine s’est retrouvée juste derrière le top-10 (12ème, 11ème et 14ème places). Ce qui caractérise l’Ukraine, c’est la stabilité de ses résultats.

De l’étranger, il peut sembler que la crise géopolitique jette l’ombre de ses ailes noires sur tous les domaines de la vie du pays. Cependant, les Ukrainiens se sont habitués aux difficultés. Maintenant le bateau ukrainien vire sous le drapeau olympique et met le cap vers de nouvelles victoires, cette fois sur les côtes brésiliennes.