La défaite de Kolomoisky? L’Ukraine a adopté une loi bancaire

La Verkhovna Rada en deuxième lecture et en général a soutenu le projet de loi sur les banques, appelé également la loi «anti-Kolomoisky». Cette loi rend impossible le retour des banques nationalisées à leurs anciens propriétaires et le Fonds monétaire international a imposé l’adoption de cette loi comme condition de déblocage du programme de soutien à l’Ukraine.  Le 13 mai 2020, 270 députés du peuple ont voté pour la décision, mais le document n’a pas encore été signé par le président. Pour savoir qu’est-ce que cela signifie et que se passera-t-il ensuite, lisez le matériel de l’UCMC.


Comment la loi a-t-elle été adoptée? L’histoire avec l’adoption de la loi « anti-Kolomoisky » a commencé fin 2019. L’obligation d’adopter une loi similaire a été formulée par le FMI en 2018, lors de la conclusion d’un programme de prêt préliminaire de coopération. À cette époque, l’Ukraine ne remplissait pas ces conditions, alors le fonds les a reportées jusqu’au début d’un nouveau programme de prêts.

Le projet de loi a été adopté en première lecture le 30 mars 2020, après le début d’une nouvelle crise économique liée à la pandémie de coronavirus dans le monde, et le gouvernement ukrainien a dû de toute urgence chercher de l’argent pour couvrir le déficit budgétaire. Ensuite, les députés ont réduit le délai de dépôt des amendements au projet de loi afin de ne pas retarder le vote en deuxième lecture.

Mais cela n’a pas aidé: un nombre record d’amendements ont été déposés une semaine avant le vote du projet de cette loi – plus de 16,5 mille. La plupart d’entre eux ont été déposés par 7 députés. L’auteur du plus grand nombre d’amendements, ex-membre de la faction «Serviteur du Peuple» Anton Polyakov, a même fixé des conditions aux autoritéssous lesquelles il accepterait de retirer les amendements.

Les ordinateurs de la Verkhovna Rada, qui n’ont jamais traité des documents texte de cette taille, n’ont pas pu supporter autant de modifications.

Pour que la Rada n’ait pas à examiner des milliers d’amendements au projet de loi en deuxième lecture dans la salle de session, les députés ont dû adopter une autre loi qui modifiait le règlement intérieur de la Rada et permettait de ne pas examiner les 16 000 amendements – la soi-disant «loi contre le spam d’amendements».

Que réglemente exactement la loi?  Cette loi interdit le retour des banques commerciales nationalisées ou  liquidées à leurs anciens propriétaires. Même si le tribunal juge illégale la décision de la Banque nationale de l’Ukraine de retirer la banque du marché, l’insolvabilité ou la liquidation de la banque ne s’arrête pas. Par conséquent, la vente des actifs et des règlements avec les déposants et les créanciers de la banque se poursuivra. En fait, la loi permet la suppression des « points blancs » dans la législation qui permettait auparavant aux tribunaux de «réanimer» les banques retirées du marché en raison de l’insolvabilité. La capacité des tribunaux à «réanimer» les banques est limitée dans de nombreux pays, dont l’Union européenne.

Deuxièmement, la loi modifie la procédure de recours contre les décisions de la Banque nationale et d’autres organes de l’État concernant le retrait des banques du marché. Les tribunaux ne devraient pas remplacer la Banque nationale. Ils devraient être en mesure de contrôler la légalité des décisions, mais ne devraient pas remettre en cause les calculs, les évaluations et les conclusions des régulateurs.

Troisièmement, la loi définit clairement les conditions préalables et la procédure d’obtention d’une indemnisation par les anciens propriétaires si le tribunal juge la décision de la NBU illégale. Afin que la procédure de calcul de la rémunération soit transparente et impartiale, un cabinet d’audit de renommée internationale jouera un rôle clé à cet égard.

Quatrièmement, la loi améliore la procédure décisionnelle de la Banque nationale. En particulier, la loi permettra d’identifier les problèmes des banques à un stade plus précoce, et ainsi de préserver leurs actifs et de retirer les banques du marché avec le moins de pertes.

Cinquièmement, l’État dispose désormais de plus d’options pour nationaliser les banques. Cela rendra le processus beaucoup plus efficace, de sorte qu’une banque nationalisée puisse recommencer son travail presque instantanément.

Coopération avec le FMI. Cette loi est la principale condition de la poursuite de la coopération de l’Ukraine avec le Fonds monétaire international.

Le FMI attend que la loi soit adoptée depuis environ six mois, depuis qu’il a donné son accord préliminaire pour signer un programme à long terme du FEP (Extended Fund Facility) avec l’Ukraine. Cependant, début mai 2020, le fonds a partiellement abandonné ses intentions, car au lieu d’un programme à long terme de 8 milliards de dollars et d’une durée de 3 ans, il a parlé d’un programme de stand-by à court terme de 1,5 an. En revanche, les créanciers promettent que le montant du financement pour ces 1,5 ans restera à la hauteur de 5 milliards de dollars.

Le montant du nouveau prêt du FMI devrait être d’environ 5 milliards de dollars. D’ici la fin de 2020, le gouvernement prévoit de recevoir environ 3,5 milliards de dollars du FMI. Une partie importante de ce montant peut être créditée immédiatement au budget, qui couvrira en partie le déficit budgétaire de 298 milliards d’hryvnia.

La coopération avec le FMI permettra à l’Ukraine de recevoir de l’argent d’autres partenaires, dont la Banque mondiale, la Commission européenne, les gouvernements du Canada et du Japon. Tout cet argent ira au budget, permettra à l’Ukraine de survivre à 2020 et de financer toutes les dépenses provoquées par le coronavirus: des programmes de soutien aux petites entreprises aux augmentations de pensions.

Que pense Kolomoisky de la loi «anti-Kolomoisky»? «Pendant un certain temps, cela retardera ma lutte pour le retour de PrivatBank, dont je n’ai plus besoin depuis longtemps. Je veux juste qu’un tribunal rende un verdict confirmant que le PrivatBank m’avait été retiré illégalement.  Vous comprenez que s’ils me le rendent, il ne fonctionnera plus. Les partenaires occidentaux vont commencer à dire: «Nous ne voulons pas le servir», clôtureront les comptes. Je ne serais pas considéré comme le propriétaire de la banque, donc, on aura du mal à travailler, au moins, au niveau des règlements internationaux.  Et il sera aussi difficile de travailler sous la direction actuelle de la Banque nationale. Mais je ne suis pas d’accord avec le principe «si je ne peux pas avoir cette banque, alors que personne d’autre ne peut l’avoir non plus», il y a toujours 30 000 personnes qui y travaillent. Et oui, c’est votre enfant qui a grandi et est devenu indépendant, mais votre attitude envers lui ne change pas», a-t-il déclaré dans un commentaire accordé à Hromadske.

Et après? Le 13 mai, 270 députés de la Rada ont voté pour la loi «anti-Kolomoisky» en deuxième lecture, mais il ne faut pas oublier que certains députés ont bloqué sa signature par leurs résolutions.

Lors de la session plénière du 19 mai, la Verkhovna Rada pourra rejeter les projets de résolution bloquant la signature de la loi. Selon le règlement intérieur de la Verkhovna Rada, sans examen de ces documents, le président de la Verkhovna Rada ne peut pas signer la loi sur les banques et la soumettre au président pour signature.

La loi entrera enfin en vigueur après avoir été signée par le président du Parlement et le président de l’Ukraine, puis publiée dans l’édition officielle du gouvernement.