Les Ukrainiens tout comme les citoyens des autres pays européens observent avec horreur les événements d’Alep. “La Russie mérite des sanctions supplémentaires pour ce qu’elle fait en Syrie”, a déclaré Petro Porochenko lors de son entretien avec Donald Tusk, président du Conseil européen. De notre côté, chez UCMC, nous nous sommes exprimé, le 14 décembre 2016, sur l’extrême nécessité du renforcement des sanctions: “De quoi nous supplient les morts d’Alep?”
Le lendemain, le 15 décembre 2016, une manifestation contre les actions menées par le Kremlin en Syrie s’est rassemblée devant l’ambassade de Russie à Kiev. Malgré le froid, quelques dizaines de personnes sont venues pour exprimer leur solidarité avec les habitants d’Alep et pour exiger l’arrêt du bombardement de cette grande cité orientale. L’armée du président Bachar el-Assad, appuyée par l’armée russe, y bombarde les habitations, les hôpitaux, les écoles. Le nombre des bombardements a considérablement augmenté une fois l’armée russe engagée en Syrie. Lors de l’action, les activistes ont collé des photos de victimes civiles en Syrie sur la grille de l’ambassade et ont brandi des pancartes citant les guerres précédentes de la Russie de Poutine : Tchétchénie, Ukraine, Géorgie….Des actions semblables auront lieu dans d’autres villes ukrainiennes : Lviv et Kharkiv.
L’équipe de l’UCMC a assisté à l’événement afin de vous en rapporter le témoignage.
L’action démarre à 10 heures du matin. Les gens arrivent. «Nous ne pouvions plus rester sans rien faire en voyant toute l’horreur de ce qui se passe actuellement en Syrie et nous regrettons amèrement de ne pas avoir organisé des actions de protestation avant. Nous étions trop pris par des problèmes dans notre pays, mais là, nous voyons que la Syrie est aussi une victime de l’indifférence de la communauté internationale, tout comme l’est l’Ukraine. Si tout le monde se tait, rien ne pourra changer. Nous ne pouvons pas aider les Syriens militairement, cependant, nous allons pouvoir mobiliser l’opinion publique pour mettre la pression sur les Politiciens», explique Alya Shandra, coordinatrice du projet Euromaidan Press et une des organisatrices de l’événement.
Elle estime que personne ne comprend la douleur de la population civile à Alep mieux que les Ukrainiens. «Nous savons ce que c’est quand le «monde russe » arrive chez toi. Assad n’aurait jamais tenu aussi longtemps si Poutine ne lui avait pas fourni son aide militaire, diplomatique et médiatique. L’agression russe n’est pas seulement un problème ukrainien, mais celui du monde entier. Il nous faut nous réunir pour la vaincre».
Les organisateurs de l’action ont rendu publiques leurs exigences :
-Arrêter de bombarder la population civile à Alep
-Arrêter d’utiliser les armes de destruction massive, y compris les armes chimiques
-Sécuriser le passage, proposé par l’ONU, pour permettre l’évacuation de 100 000 civils
-Introduire des sanctions à l’égard de la Russie pour crimes contre l’humanité
-Interdire à la Russie de mettre son veto sur les décisions du Conseil de l’ONU concernant la Syrie
– Exhorter les États membres de l’ONU à élaborer un mécanisme solide pour répondre à ce genre de situations et aux crimes contre l’humanité qui y ont lieu
-Exhorter toutes les parties du conflit à respecter le droit international concernant l’échange et le traitement des prisonniers de guerre
«Je veux soutenir les Syriens qui souffrent. Cela aurait pu se passer à Kiev aussi », explique Rouslan Gouzoul, entrepreneur, un des premiers à venir à la manifestation.
Il y a quelques mois encore, la communauté internationale s’est battue pour sortir l’Ukrainien Gennadiy Afanasyev d’une prison russe. Aujourd’hui, il est venu à la manifestation pour exprimer sa solidarité avec le peuple syrien. « Ce n’est pas la balle qui tue, mais l’indifférence. Nous sommes venus ici pour soutenir un peuple en train d’agoniser. Nous ne pouvons plus nous taire. Quand la Russie a attaqué la Géorgie, je ne disais rien et, aujourd’hui, j’en ai honte. Nous demandons à la communauté internationale de renforcer les sanctions contre la Russie et Bachar el-Assad ».
Les Syriens vivant à Kiev sont aussi venus à la manifestation. Muchamed: «La Fédération de Russie est venue en Syrie sous prétexte de contribuer à la paix et elle avait tous les moyens de le faire. Mais elle a préféré devenir partie au conflit en apportant la souffrance et la mort. Actuellement, à Alep, 100 000 personnes se trouvent dans un piège mortel et nous essayons d’organiser une sortie pour pouvoir les évacuer ». Muchamed s’est dit agréablement surpris par le nombre d’Ukrainiens qui sont venus à la manifestation. Tout le monde comprend que ce qui se passe à Alep, peut aussi se reproduire ici. Nous sommes solidaires avec les Ukrainiens et nous sommes prêts à résoudre ensemble tous les problèmes provenant de la Fédération de Russie».
Les Tchétchènes présents sur la manifestation estiment qu’en Syrie la Russie est aussi cynique et cruelle qu’elle l’était en Tchétchénie. «Je suis venue pour soutenir mes frères et sœurs de Syrie, car en ce moment, ils sont assassinés de manière cynique, mais la communauté internationale est inapte à les aider et ne fait qu’ «exprimer son inquiétude ». Fort malheureusement, nous ne pouvons rien faire non plus, excepté nous rassembler devant l’ambassade du pays qui est, bien entendu, le coupable principal dans cette tragédie et exprimer ici notre indignation. La Russie agissait de la même manière en Tchétchénie. Elle tuait des civils, des enfants, des femmes et des personnes âgées. Il faut que la communauté internationale se rende compte du danger que représente cet État médiéval avec des ambitions impériales et qu’elle le remette sévèrement à sa place. Sinon, il continuera à tuer des gens. Il faut absolument augmenter la pression politique et économique sur la Russie. Il faut faire durcir les sanctions et supprimer tout moyen de les lever », déclare Amina Okueva, volontaire du bataillon des Tchétchènes.
Aziz, originaire du Yémen, habite en Ukraine depuis 20 ans. Il a des amis à Alep. «J’exhorte la communauté internationale à stopper ce massacre sanglant à Alep, dans le reste de la Syrie et à l’est de l’Ukraine ».
La manifestation a duré une heure, mais aucun représentant de l’ambassade n’est sorti discuter avec les protestataires. Et cette réaction montre ce que la Russie pense de la guerre en Syrie : la mort des gens lui est égale. Tandis que les bombardements mortels continuent à Alep, la Russie continue à s’obstiner et à empêcher d’autres pays d’agir : le représentant de la Russie auprès de l’ONU bloque toutes les résolutions du Conseil de Sécurité sur la Syrie, tout comme, depuis presque trois ans, il bloque les résolutions du Conseil sur l’Ukraine. Et c’est la raison pour laquelle la voix d’Alep doit être entendue! Après toutes les tragédies qui ont ébranlé le monde au cours de ces dernières années, la communauté internationale doit enfin dire :Never again!